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LES AGENCES DE NOTATION SE DECHAINENT

par Akram Belkaid, Paris

A quoi jouent les agences de Notation ? C’est la question que se posent nombre de responsables européens après la décision de Standard & Poor’s (S&P) de dégrader de trois crans, la note souveraine de long terme de la Grèce, en la faisant passer de «B» à «CCC». Plus important encore S&P a assorti cette note d’une perspective négative, considérant que le risque de défaut de paiement de ce pays a encore augmenté. Cela signifie qu’une nouvelle dégradation n’est pas à exclure ce qui place, d’ores et déjà, la dette grecque au rang peu enviable de «junk bond», c’est-à-dire d’obligation «pourrie». Pour mémoire, cette décision de l’agence de rating intervient alors que le gouvernement grec a présenté récemment un programme d’austérité destiné à économiser environ 28 milliards d’euros. De leur côté, l’Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international devraient débloquer la cinquième tranche du prêt de 110 milliards d’euros, accordé à Athènes en mai 2010.

Un bras de fer avec les gouvernements européens

Cet activisme de S&P n’est pas isolé. Les agences Moody’s et Fitch ont, elles aussi, la Grèce et d’autres pays de la zone euro, dans le collimateur (Portugal, Irlande, Espagne) malgré les efforts de l’UE pour essayer de trouver des solutions à leurs difficultés budgétaires. Pour nombre d’observateurs, les agences de notation ont décidé de faire plier les Européens en les obligeant à organiser une restructuration en profondeur de la dette grecque. Cela signifierait un défaut de paiement de la Grèce mais aussi, éventuellement, sa sortie de la zone euro.
L’explication qui circule avec insistance à Bruxelles veut que ce soient les banques et les grands investisseurs institutionnels (assurances, fonds d’investissements,…) qui font pression, via les agences de notation, pour que ce défaut ait lieu. Cela leur éviterait ainsi de mettre la main à la poche pour soutenir financièrement la Grèce. En effet, de nombreux gouvernements européens, poussés en cela par leurs opinions publiques, examinent la possibilité d’exiger une participation volontaire des ces établissements pour sauver la Grèce. Le postulat de base d’une telle démarche est que les difficultés financières de ce pays sont dues, en partie, aux banques et qu’il est normal qu’elles paient leur part. Une autre explication est à chercher du côté de la culpabilité des agences de notation qui, en dix ans, ont été incapables d’alerter le marché quant à l’imminence de crises graves. De fait, elles n’ont pas vu venir le krach des valeurs internet pas plus qu’elles ne se sont souciées de la bulle des produits structurés tels que les subprimes. Du coup, l’activisme actuel de ces agences ne serait qu’une manière pour elles de regagner une part de leur crédibilité perdue. Reste que cela se fait au risque de semer la pagaille sur les marchés financiers. En effet, un défaut de la Grèce aura des conséquences sur la stabilité de la zone euro et pourrait entraîner une réaction en chaîne.

Le risque de retour de bâton

Aux Etats-Unis, les agences de notation sont protégées par l’amendement qui défend la liberté d’expression (une notation étant assimilée à une opinion). En Europe, la législation est moins ouverte et les agences de notation pourraient se voir soumises à une réglementation bien plus contraignante. Si d’aventure la polémique, entre elles et la Commission européenne, vire au bras-de-fer, il est évident que la législation sera tôt ou tard, durcie même si les agences de notation assurent que c’est leur devoir d’alerter les marchés sur les risques de défaut de paiement d’un pays.