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LA GRECE EST A VENDRE

par Akram Belkaid, Paris

C’est la conséquence de la grave crise budgétaire dans laquelle se débat la Grèce depuis l’automne 2009. Le gouvernement du Premier ministre socialiste Georges Papandréou veut lancer au plus vite un impressionnant programme de privatisations. Ports, aéroports, chemins de fer, hippodromes, télécoms, banque postale et même certaines îles et plages sont sur la liste de vente. L’objectif pour Athènes est de récolter 50 milliards d’euros de recettes afin de pouvoir rembourser une partie de l’immense dette extérieure du pays (340 milliards d’euros en 2010 contre 122 milliards d’euros en 1999).

La pression de l’Europe et du FMI

Autant le dire, ce plan annoncé de privatisations divise la Grèce y compris au sein du gouvernement. L’opposition de droite se garde bien de saluer un plan qu’elle n’aurait jamais rêvé de mettre en place, des ministres socialistes font profil bas, les syndicats crient à la trahison tandis que l’opinion publique s’émeut du fait que les joyaux grecs – à la situation financière saine – vont être bradés à moitié prix. En effet, en situation d’urgence, une privatisation rapportera toujours moins que si elle intervient dans un climat plus serein. En embuscade, les potentiels acheteurs savent qu’Athènes est au pied du mur et qu’il y aura pour eux de très bonnes affaires à réaliser.
La situation est d’autant plus difficile pour Papandréou qu’il n’est guère soutenu par l’Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI). De fait, l’annonce du plan de privatisation vise aussi à convaincre ces deux acteurs que la Grèce fait des efforts et qu’elle mérite d’être aidée. Le gouvernement grec a ainsi absolument besoin que l’UE et le FMI débloquent en juin la tranche de 12 milliards d’euros du prêt de 110 milliards que ces deux institutions lui avaient accordé en mai 2010 pour l’aider à faire face au service de sa dette extérieure.
Depuis plusieurs semaines, à Bruxelles comme à Washington, on distille petites phrases et commentaires pour exprimer son agacement face à la lenteur grecque en termes de mise en place de nouvelles mesures d’austérité et de privatisations. Athènes aurait même reçu des messages la menaçant, sans aucune équivoque, d’une suspension de l’aide financière. Or, cette dernière est indispensable pour éviter à la Grèce de faire défaut sur sa dette, ce qui lui interdirait durant une longue période d’emprunter sur les marchés internationaux.

Une occupation qui ne dit pas son nom
 
Ce qui se passe en Grèce est d’une grande gravité. Voilà donc un pays, membre de l’Union européenne et de la zone euro, qui est mis à genoux par ses partenaires au lieu de bénéficier de leur solidarité désintéressée. Certes, la situation est le résultat d’une longue dérive budgétaire grecque et de mauvaises pratiques (Athènes a triché sur ses statistiques pour entrer dans la zone euro). Il n’empêche. Cette pression pour que le gouvernement Papandréou accélère les privatisations rappelle la manière dont les pays européens ont lancé leurs offensives coloniales au dix-neuvième siècle.
Pour autant, il n’est pas dit que la population grecque accepte cela sans bouger. Ce samedi 4 juin, une grande manifestation va être organisée à Athènes par les centrales syndicales rejointes par plusieurs associations de la société civile sans compter des groupes plus ou moins informels qui se réclament du mouvement des indignés. Quelques jours plus tard, le 21 juin, une grève générale est aussi prévue. La crise grecque pourrait donc être à l’origine d’une grave crise de la dette internationale, voire d’un «été européen» par similitude avec le «printemps arabe». Le fait qu’une intervention du FMI provoque une situation sociale et politique explosive n’est pas une nouveauté : la différence est que ce n’est pas dans le tiers-monde que cela se passe mais au sein même de l’Union européenne…