Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Khartoum: L'affrontement tant redouté n'a pas eu lieu

par Notre Envoyé Spécial A Khartoum: Mohamed Mehdi

La ville d'Omdurman, près de Khartoum la capitale, a vibré sous les cris et les chants de victoire des supporters algériens, venus par milliers encourager leur équipe nationale, qui a arraché, mercredi dernier, le ticket de la qualification au Mondial 2010 d'Afrique du Sud.

L'explosion de joie, exprimée par le public algérien après le coup de sifflet final de l'arbitre du match barrage entre les Verts et l'équipe nationale d'Egypte, n'a d'égal que la stupeur et la désolation dans le camp adverse. Une joie émaillée, toutefois, par des incidents regrettables. Comme prévu, la priorité avait été donnée par les autorités soudanaises aux supporters de l'équipe qui a perdu le match pour leur permettre de quitter le stade d'Al-Merreikh. En plus du dispositif de sécurité mis en place pour éviter tout affrontement entre les deux camps, les fans de l'Equipe nationale algérienne devaient rester au stade au moins une heure pour laisser le temps aux Egyptiens de rejoindre leurs lieux de résidence à Khartoum ou l'aéroport de cette ville. Le temps que les gradins des Egyptiens se vident, les Algériens étaient occupés à applaudir les joueurs venus les remercier de leur soutien indéfectible durant toute la durée du match. Des dizaines ont même pu descendre sur le terrain pour immortaliser des images prises sur le gazon et particulièrement devant la cage qui a vu le gardien Issam Al Hadari des Pharaons encaisser le but qualificateur des Fennecs inscrit par Antar Yahia. L'affrontement tant redouté n'a pas eu lieu. La revanche promise par des supporters algériens particulièrement marqués par les violences subies au Caire, quelques jours plus tôt, a cédé la place à une incommensurable exaltation de joie. Les quelque 14.000 âmes ayant (selon certaines estimations, plus de 2.000 d'entre eux n'ont pu entrer au stade faute de places) ont repris le chemin du retour vers Khartoum, encadrés par un impressionnant dispositif de sécurité de 15.000 soldats et policiers. Les cortèges se suivent sous les applaudissements et les encouragements d'une large majorité de la population soudanaise qui n'a pas caché son penchant en faveur des Verts. Les bus, les taxis, et autres transports publics ont été pris d'assaut pour le chemin du retour de Omdurman vers le centre-ville de Khartoum. Se sentant également concernés par la victoire, les Soudanais arborent le drapeau algérien sur une moto, un bus, le fronton d'un magasin ou d'un balcon dans un petit immeuble situé juste en face de l'entrée du stade. La veille, une délégation algérienne, composée d'anciens joueurs de l'équipe nationale, à l'image de Fodil Magharia, de Mustapha Kouici, de l'ancien commentateur sportif Benyoucef Ouadia, et du chanteur Takfarinas, s'était déplacée dans les camps de résidence des supporters algériens pour leur demander d'éviter tout débordement du cadre sportif de la rencontre. La soirée de l'après-match promettait d'être longue. Les chaînes de télévisions égyptiennes relayaient sans cesse les rumeurs faisant état de « plusieurs morts et des dizaines de blessés » parmi les supporters des Pharaons, et « d'affrontements » dans plusieurs régions de la capitale soudanaise, aussi bien devant les hôtels et dans l'axe Omdurman - Aéroport international de Khartoum. Les propos rassurants d'un responsable soudanais de la sécurité sur la chaîne Nile Sport n'ont pas suffi à calmer ces rumeurs qui se sont avérées être sans fondements. La même chaîne a même affirmé que l'hôtel où résidait la délégation officielle égyptienne avait été encerclé par les supporters algériens. L'officier de sécurité soudanais expliquait qu'en dehors de quelques petites échauffourées sans grande gravité, il n'y a pas eu de heurts entre les supporters des deux équipes. « On compte quelques blessés légers suite à des jets de pierre contre un bus qui transportait des supporters égyptiens vers l'aéroport », affirme la même source.

 Après la victoire, les supporters algériens n'avaient d'autres yeux que pour les avions du retour. Dès les premières heures de la journée de jeudi, des milliers de supporters s'étaient déjà déplacés à l'aéroport international de Khartoum afin de tenter de rejoindre l'Algérie pour continuer la fête entamée à Khartoum. Une partie a été orientée vers le terminal réservé aux pèlerins. Après quelques heures d'attente, il est demandé à ces jeunes de quitter ce terminal et de se diriger vers celui des départs internationaux. S'en suit alors, selon plusieurs témoignages, des heurts entre ces supporters et les forces de sécurité qui tentaient de les pousser vers l'extérieur. L'incident a pris une allure plus grave qui s'est soldée par le saccage du Terminal destiné aux pèlerins. Plusieurs centaines de mètres de là, une interminable chaîne s'érige devant le terminal des départs de l'Aéroport international de Khartoum. Les premiers avions d'Air Algérie se font attendre et les supporters s'impatientent. Un manque terrible d'information a caractérisé cette opération du retour. Même les journalistes et certaines personnalités ont dû attendre toute la journée de jeudi à l'extérieur de l'aéroport avant de ne pouvoir embarquer vers Alger aux environs de 5 heures locales de vendredi matin. Les rares informations parvenant à partir d'Alger font état d'une quarantaine d'avions pour rapatrier les supporters.

 Sur le tarmac, on dénombre déjà 8 avions, dont deux affrétés auprès d'autres compagnies. La fatigue commence à prendre le dessus, même si, de temps à autres, les supporters encore à Khartoum continuent de scander les chants de la victoire de Verts. A noter que durant la journée de jeudi, des quantités de produits alimentaires (fromage, corned-boeuf, biscuits, dattes...), en provenance d'Alger, ont été distribués aux supporters qui attendaient d'embarquer.

 Une équipe du Croissant-Rouge algérien, qui était du déplacement à Khartoum, avant d'embarquer à son tour, a également prodigué des soins aux supporters qui présentaient des blessures légères et autres ecchymoses, et donnaient des comprimés du Lariam (Mefloquine) utilisé comme traitement curatif et préventif de certains paludismes.

 Les premiers arrivés à l'aéroport d'Alger sont reçus en « héros » avec des fleurs et des youyou. S'ils n'auront pas le statut « d'anciens moudjahid », comme le réclamait un supporter présent au stade d'Al-Merreikh, ils ont eu l'indescriptible joie et le privilège d'assister en direct à la 3e qualification de l'équipe nationale aux éliminatoires de la Coupe du Monde de 2010 qui aura lieu en juin prochain en Afrique du Sud. En plus de cette joie, ils garderont la formidable image de l'accueil chaleureux des Soudanais et de leur soutien exprimé aux Fennecs.