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Centre culturel français: Les trois dernières années de la vie d'Albert Camus

par El Kébir A.

Jeudi dernier, s'est tenue au Centre culturel français d'Oran une conférence sur la vie d'Albert Camus. C'est José Lenzini, auteur d'un ouvrage qui vient de paraître aux éditions Berzakh, intitulé «Les trois derniers jours d'Albert Camus», qui a animé le débat.

 Constatant l'euphorie qui régnaient dans les rues d'Oran, du fait de la victoire des «Verts», José Lenzini a cru bon de commencer sa conférence en informant que Camus était un fervent admirateur de football, et que sans doute, le 18 novembre dernier, son esprit devait être avec les Algériens. Par la suite, entrant dans le vif du sujet, on apprend que la sortie de son livre en ces jours n'est pas le fait du hasard, puisque cette publication vient en prélude aux nombreux hommages qui sont attendus pour le mois de janvier prochain, où on commémorera les 50 années de la disparition de l'écrivain algérien.

 L'éditeur de l'ouvrage, qui était également présent, s'est plaint quant à lui du fait que «Gallimard», la maison d'édition française, ne veut en aucun cas «lâcher» les droits de l'édition, ce qui fait que les lecteurs algériens ne lisent du Camus qu'au gré des arrivages des importations, à des prix toutefois exorbitant. «Ce qui est dommage !», a-t-il dit !

 Lors de la conférence, José Lenzini est revenu longuement sur la vie de Camus, son enfance en Algérie, ses positions politiques et ses moments de doutes. En fait, le conférencier s'est surtout attardé sur les dernières années de sa vie, où il était l'objet de polémique eu égard à ses tergiversations face à la lutte armée menée par le FLN à cette époque. D'aucuns, sans mâcher les mots, n'ont pas hésité à le traiter de fervent partisan de «l'Algérie française», ce que José Lenzini s'est pressé de démentir : «je vous engage, a-t-il dit, de tenter de trouver, dans toute son oeuvre, ces deux mots accolés : Algérie-française !». Il a ensuite assuré que Camus, tout au long de la guerre, n'a fait qu'appeler à «la trêve civile», ceci dans le but d'épargner des civils des deux côtés. On a aussi reproché à Camus d'avoir eu cette phrase, à Stockholm, où il défendait son «silence» face à la Guerre de Libération en Algérie : «j'aime beaucoup la justice, mais je préfère quand même ma mère à la justice». Là, le conférencier a invité la salle à placer cette phrase dans son contexte d'alors : la mère de Camus vivait à Alger, en plein milieu de la guerre. La moindre parole de Camus peut valoir à sa mère un attentat lui enlevant la vie ; d'où le fait qu'il avait des appréhensions à s'exprimer librement sur les événements d'Algérie. «Avec cette phrase, dit le conférencier, il n'a fait qu'être pleinement algérien ! Il ne faut pas être hypocrite, bien sûr, de loin, tout le monde tient de beaux discours ; mais face au fait établi, je suis presque persuadé que tout Algérien préfère sa mère à la justice !».

 A cela, il est à ajouter qu'à cette époque, Camus était pratiquement «honni» des milieux dits «parisianistes», notamment par Sartre. «En plus de son silence sur la guerre d'Algérie, on l'accuse d'avoir eu le prix Nobel ; on l'accuse d'être, par l'écriture de l'homme révolté, un transfuge du PC ; et puis, bien sûr, on l'accuse d'avoir eu «l'indécence» de ne pas avoir fait «normal sup» et d'être né pauvre».

 Autre reproche qu'on a fait à Camus, celui d'avoir «légitimé» le racisme des colons français, avec l'écriture de «l'étranger», et du personnage principal Murceau. Ce qui n'en est absolument rien, selon le conférencier. «Avec l'étranger, c'est la première fois qu'on demande à un auteur d'être à la fois auteur et acteur. Au motif que ça se passe dans une proximité géographique, on veut que Camus soit Murceau, pourquoi ? Qui vous dit que Camus, pendant l'écriture, ne s'identifiait pas plutôt à l'Arabe ?».

 Enfin, revenant sur la fin de sa vie, José Lenzini nous a parlé de l'écriture du «premier homme» qui se voulait être son grand chef-d'oeuvre. Hélas, la mort a devancé le pas à l'achèvement de l'écriture de ce récit pour le moins autobiographique, lors d'un accident de la route, un certain 3 janvier 1960. «Ce qui fait que la version qu'on a du Premier Homme n'est que le tiers de la version que Camus s'apprêtait à nous écrire». Il est à signaler tout de même qu'un film tiré du premier homme est en ce moment même en tournage avec, entre autres, Claudia Cardinale dans le rôle de la mère dans le film. Pour finir, le conférencier a convié l'assistance, afin d'avoir une idée certaine sur le personnage, et sur le lien qui le lie à l'Algérie, de lire tout simplement «actuelles III».