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Le dilemme américain

par Akram Belkaïd, Paris

 Le malade est, dit-on, sur la voie de la guérison, donc toujours convalescent, mais voilà que les esprits les plus raisonnables se demandent s’il n’est pas en train de couver une nouvelle maladie. La semaine dernière, on apprenait ainsi que le produit intérieur brut des Etats-Unis a progressé de 3,5 % en rythme annualisé pour la période allant de juillet à septembre. C’est la première fois depuis un an que la machine économique américaine affiche de telles performances dues essentiellement à une reprise des dépenses de consommation des ménages.

 

Comment accompagner la reprise ?

 

 Les économistes, qui ont commenté les chiffres du Département américain du Commerce, sont optimistes pour la suite et tablent pour une croissance significative pour le dernier trimestre de l’année. En clair, la reprise serait donc de retour même si l’importance du chômage (près de 10 % de la population active) constitue un facteur d’inquiétude. Mais ce n’est pas tant le risque d’une croissance sans emploi qui fait débat aux Etats-Unis et par ricochet en Europe et au Japon. La véritable question concerne la manière dont va être gérée la sortie de crise en termes de politique monétaire. On le sait, les taux de la Réserve fédérale américaine, les Fed Funds, sont actuellement à des niveaux historiquement bas - entre 0 et 0,25 % - ce qui est compréhensible lorsque l’activité économique est en panne. Par contre, le redémarrage de l’activité peut générer de l’inflation ce qui oblige actuellement la Banque centrale américaine à s’interroger sur l’opportunité de relever ses taux. Et cette question divise ses instances dirigeantes.

 Contre l’avis de plusieurs membres du Conseil monétaire de la Fed, son président Ben Bernanke veut maintenir cette situation de taux faibles au moins durant deux années pour ne pas casser la reprise. De fait, cette politique favoriserait la croissance mais, dans le même temps, elle risque de contribuer à l’émergence d’une nouvelle bulle spéculative. On le sait aujourd’hui, l’argent injecté depuis plus d’un an, par la Fed et le gouvernement américain dans les circuits financiers, a en effet largement alimenté le marché des actions et celui des obligations d’Etat au détriment de la sphère économique. Continuer, pour la Fed, à proposer de l’argent « gratuit », c’est-à-dire à taux d’intérêt faible, pourrait générer un nouveau déséquilibre macro-économique qui débouchera fatalement sur une nouvelle crise financière. Un risque que reconnaissent Bernanke et ses partisans, mais ces derniers estiment que le rôle de la Reserve fédérale est d’abord de défendre la croissance économique fusse au prix de l’apparition régulière de bulles financières.

 

La question du dollar

 

 L’une des conséquences de la politique de taux faibles de la Réserve fédérale est la faiblesse du dollar. Si le repli du billet vert vis-à-vis des autres devises (euro, franc suisse, yen,...) est difficilement supportable par les Républicains du Congrès - qui y voient le signe de la baisse d’influence des Etats-Unis - la Réserve fédérale est loin d’y être opposée. Bien au contraire, dans une conjoncture où les ménages se remettent à épargner (et donc à moins consommer), l’une des manières de relancer l’économie est de doper les exportations. Et quoi de mieux qu’un dollar faible pour y arriver... Seul problème : la faiblesse du billet vert risque à terme de détourner les investisseurs internationaux des obligations américaines. Or, croissance ou pas, l’Amérique aura longtemps besoin quotidiennement de près de 2 milliards de dollars de flux financiers étrangers pour boucler ses fins de mois.