Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Permis aux uns, pas aux autres !

par Abdelkrim Zerzouri

Alors que les Américains et les Européens ne manquent jamais d'accuser de «régime totalitaire» tout pays qui se hasarde à modérer, perturber ou interdire l'accès à ses citoyens aux réseaux sociaux, ne voilà-t-il pas que les accusateurs recourent eux-mêmes au même procédé, ouvertement, sans cligner des yeux ! Comme d'autres pays, donc, qualifiés de «totalitaires» quand ils touchent à la sacro-sainte liberté d'accès à Internet, en interdisant ou parfois en restreignant momentanément, tout juste, l'accès aux réseaux sociaux, les Etats-Unis viennent d'interdire l'application TikTok. Une interdiction qui concerne tous les agents fédéraux, selon un mémorandum de la directrice du Bureau de la gestion et du budget à la Maison Blanche, Shalanda Young, à travers lequel il est demandé aux agences gouvernementales de «supprimer et d'interdire les installations» de l'application TikTok sur les appareils leur appartenant ou gérés par elles, et d' «interdire le trafic Internet» depuis ces appareils vers l'application.

Une décision similaire a été prise quelques jours plus tôt par la Commission européenne, qui a interdit TikTok à son personnel pour «protéger» l'institution, ainsi que le gouvernement du Canada qui a, lui aussi, annoncé, lundi dernier, qu'il allait bannir TikTok des appareils mobiles qu'il fournit à son personnel, évoquant «un niveau de risque inacceptable» pour la vie privée et la sécurité. Les Américains sont allés plus loin en votant une loi interdisant son usage sur les appareils des fonctionnaires, considérant l'application TikTok comme une menace à la sécurité nationale. Pourtant, cette application ne pointe qu'à la sixième place des plateformes sociales les plus utilisées, selon le dernier rapport de «We Are Social» sur l'évolution du numérique, publié au début de l'année en cours. Pourquoi alors cette levée de boucliers contre TikTok, qui n'est que le dernier-né des plateformes sociales, et rien contre d'autres réseaux sociaux de loin plus populaires ?

Mais, tout s'explique quand on connaît qui est le patron de l'application Tik Tok. C'est une entreprise chinoise, Byte Dance, qui est propriétaire de cette application, et qui peut de ce fait avoir accès aux données personnelles des ses utilisateurs. Voilà où se situe toute l'inquiétude des Américains et des Européens, en l'occurrence l'accès par les Chinois aux données personnelles des fonctionnaires de leurs gouvernements, qui offre toutes les possibilités d'espionnage des personnes ciblées et une pratique large de désinformation à travers des vidéos circulant via TikTok sur des sujets d'actualité. Soit tout à fait ce que peuvent faire ces mêmes gouvernements via d'autres plateformes sociales détenues par des entreprises américaines. Twitter a suscité également les mêmes inquiétudes au sein de l'administration américaine, parce qu'une compagnie saoudienne se trouve être la deuxième actionnaire après Elon Musk, qui se sont dissipées à cause, peut-être, des garanties présentées par l'actionnaire américain, numéro un de cette plateforme sociale. Ce qui est permis aux uns ne l'est pas aux autres !