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Bien triste, tout ça !

par Bouchan Hadj Chikh

La première constitution de la République Algérienne, adoptée par l'assemblée nationale le 28 Aout 1963, fut approuvée le 8 septembre par référendum et promulguée le 10 du même mois. Le peuple souverain, aurait-on cru, allait disposer d'un texte fondamentale pour les décennies qui allaient suivre. Ce ne fut pas l'avis des auteurs du 19 juin 1965 qui la suspendirent. Ce même pouvoir nous fit voter une nouvelle mouture en 1976. Qui fut abrogée en 1989, texte qui subit le même sort en 1992, mais qui ne nous réussit d'ailleurs pas davantage puisqu'il fut jugé caduque à son tour, donnant naissance à une nouvelle version en 1996. Puis à des retouches.

Franchement, je m'y perds.

Sept moutures en 51 ans. Otez 14 ans, période 1965 à 1979. Reste 37 ans. Donc 444 mois. Première conclusion, la durée de vie d'une constitution est, en moyenne, d'un peu plus de 63 mois. Soit 5 ans et des poussières. Nos constitutionalistes ont eu du pain sur la planche pour produire, et ensuite renier, des textes «au-dessus des textes». Au-dessus de tous. Tellement au-dessus qu'on arrive à les fouler aisément du pieds.

Pourquoi tiendrait-on tellement à la forme, à la votation d'un texte fondamentale qui proclame qu'il «est au-dessus de tous» si tous ceux qui sont en-dessous le minent régulièrement ? Son absence, dans l'arsenal législatif, entre Juin 1965 et 1976 ne nous a pas donné de crises d'urticaires. Paradoxalement, c'est durant cette période 1965 - 1979, sans constitution, que les choses allaient du mieux qu'elles pouvant sans que l'armée n'ait eu à affronter les jeunes en 1988, ou les hommes armés durant ce qu'il est convenu d'appeler la «décennie noire».

Une constitution ? Pour quoi donc faire ? Et pour qui ? Pour paraitre «démocratique et populaire» aux yeux de la communauté internationale ? Pour faire comme tout le monde ?

Je ne militerai certainement contre l'existence d'un tel repère, pour ne pas écrire repaire, dans l'arsenal juridique du pays. Mais qu'on cesse de le triturer, d'y ajouter tout et n'importe quoi, d'en retirer les articles qui ne sont plus à la mode, après l'avoir violé au quotidien. D'y revenir même, comme c'est le cas des discussions en cours, pour proposer les deux mandats exclusifs. Et si on se contentait, d'abord, d'appliquer le texte existant. Et qui nous assure que la révision suggérée ajoutera à notre bonheur ?

Un peu de respect pour ce document ne nous ferait pas de mal. Ce texte sur lequel jurent, solennellement, la main sur le coeur, les élus en prenant à témoin Allah.

Comment, dans ces conditions, espérer une adhésion des partis politiques responsables, de l'électorat, aux nouvelles propositions, dispositions ou amendements qui leur seront proposés quand ils n'auront pas vu l'ombre de l'application du contenu des successives lois fondamentales dont la plus importante est l'élection libre de la représentation nationale ?

Si cette assemblée était réellement représentative, il n'y aurait pas eu lieu d'inviter les partis à se prononcer sur le projet. Il aurait suffit d'en débattre en commission, auditionner des experts, des constitutionalistes, puis en session plénière où tous les courants politiques, toutes tendances représentées, ajouter peut-être la touche finale avant sa soumission à l'examen et à la sanction populaire.

Ca aurait été trop propre, sans doute. Impossible même puisque le principal ingrédient à cette démarche est la représentation réelle de la «représentation nationale».

Reste la seule voie choisie et dont nous sommes les témoins: passer par la fenêtre. Eviter la grande porte blindée par un désintérêt populaire. Et entrainer, à sa suite, les partis, certaines organisations et personnalités qui auront accepté d'être les complices de l'effraction. Les alibis pour présenter un projet prétendument discuté, «enrichi».

Triste.

Pour dire mon pessimisme quant à l'avenir, je ne vois franchement pas un chef d'état se retirer au bout de deux mandats si le retour à deux mandats est retenu. L'atavisme l'interdit. A moins d'être chassé du pouvoir. Par ceux qui les y ont mis.

Le va et vient entre deux mandats et mandats se succédant, nous n'en sommes pas sortis. Je ne vois pas d'hommes d'état retiré dans sa région natale, cultivant ses rosiers, veillant à l'éducation de ses petits enfants, recevant des politiciens, des chefs de partis et d'institution pour leur faire part de son expérience, pour leur prodiguer des conseils de sagesse afin de leur faire l'économie de bévues.

Je les vois encore moins donner des conférences à travers le monde. Qu'auraient-ils à dire, de ce qu'ils ont initié durant leurs mandats, qui ne leur fut pas dicté ?

Je me souviens d'une Algérie qui n'aurait pas autorisé le survol de son territoire sacré par des appareils militaires étrangers pour porter une assistance de survie à d'autres pays.

Je me souviens d'une visite d'un secrétaire d'état US, Henry Kissinger, pour ne pas le nommer, contraint à faire escale dans un pays tiers pour ne pas faire le vol direct sur Alger en provenance de l'entité sioniste.

Je me souviens d'un pays dont la voix portait loin dans les fora. Je constate, aujourd'hui que nos oreilles sont attentives à ce qui leur est dit de loin. De Washington, Paris et même du Qatar pour nous faire entrer dans la danse de sous traitant.

Mais.

Je me souviens aussi d'une Algérie qui n'a pas écouté ses enfants et ne leur a pas permis de s'organiser en courants politiques trans-régions, nationaux que leur permettait de d'établir une éducation à marche forcée. Pour assurer et construire, ce que l'on appelait, un système, un état qui survit aux hommes.

La preuve, ces zigzags qu'aucune doctrine politique ne soutient.

Bien triste cet acharnement à entrer dans le jeu de rapports de vassalité, pouvoir-peuple, état-ensembles stratégiques, sécurité-répression quand le dialogue et la coopération mieux comprise doivent toujours être nos fondamentaux pour honorer ceux qui sont sacrifié leur vie pour l'homme libéré. Aux Caraïbes, en Afrique, en Palestine, au Sahara occidental et au Vietnam.

Autres temps. Autres meurs.