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La rente, la grève et la baraka

par Bachir Ben Nadji

Que se passe-t-il actuellement en Algérie ? Certains vous diront qu'il se passe beaucoup de choses, d'autres vous diront qu'il n'y a rien

à gratter. Et dans la réalité qu'en est-il ?

Hé bien mes chers lecteurs, il se passe beaucoup de choses en Algérie.

A voir l'actualité nationale, il y a à boire et à manger. Il n'y a qu'à lire la presse nationale, et le nombre de ses titres avoisine ou dépasse la centaine dans les deux langues, qui s'affole à travers des comptes-rendus assez fournis sur ce qui se passe, notamment sur le front social. Et là vous avez le choix entre les boulangers, les jeunes du pré-emploi et du filet social, les enseignants, les fonctionnaires des corps communs de l'Education, de la Fonction publique, de la Solidarité nationale, de l'Enseignement supérieur, des Assurances du secteur public, de la Santé, et la liste est encore longue.

Tous ces gens qui observent des grèves et des sit-in, organisent des marches et diverses autres actions devant leur permettre de faire parvenir leurs doléances et se faire entendre, ont des objectifs pour les uns sains, et pour d'autres des desseins cachés. Allez savoir qui va pour le premier choix, et ceux qui ont opté pour le deuxième.

Les grèves, sit-in, marches et autres formes de manifestations syndicales ne sont pas le propre des algériens. Dans le monde entier, les travailleurs, les fonctionnaires, les chômeurs, et j'en passe sur la liste de ceux qui occupent les rues et places publiques pour un rien ou pour une revendication objective, il n'y a que cela notamment depuis le début de la crise économique qui a secoué les USA en premier en 2007, jusqu'aux récentes secousses dont sont victimes les pays européens, surtout du Sud de l'Europe et du bassin méditerranéen.

Donc, il n'y a pas de quoi s'étonner sur ce qui se passe en Algérie. Et si pour les grévistes du monde entier, la situation est grave, chez nous les revendications sont toutes autres. Jusqu'à présent la crise économique, touchons du bois, ne frappe pas à nos portes. Les algériens observent grèves, sit-in, manifestations diverses pour améliorer leur situation sur le plan professionnel, mais beaucoup plus sur le plan salarial. Le matelas financier a tenté tout le monde. Après les médecins, les enseignants et autres qui ont vus leurs salaires augmenter, et qui ont perçus des rappels alléchants, tout le monde voudrait en bénéficier. Même les trabendistes, en mal de pouvoir mener à bien leurs activités illégales pour des raisons de sécurité au niveau des frontières, demandent eux aussi leur part. Ils revendiquent des emplois bien rémunérés, ceux de cadres. Ils veulent des postes de chauffeurs ou d'agents de sécurité, ça paye et ça ne se fatigue pas beaucoup !

En Algérie vous ne verrez jamais quelqu'un revendiquer son devoir d'arriver à l'heure ou avant l'heure au travail. Cet état de fait a même touché le secteur privé dont les employés, eux aussi arrivent en retard à leurs postes de travail.

En Algérie vous ne verrez jamais quelqu'un se priver de son gobelet de café ou de thé (jetable, excuser l'expression) avant d'arriver au travail. Vous ne verrez jamais quelqu'un se priver de son journal, et gare à celui qui fera la remarque à ce lecteur assidu des titres et articles qui l'intéressent de bon matin. Laissez-lui sa première heure pour son café, son journal et aussi pour les nouvelles « fraiches » sur son club chéri, sur ce qui se passe tout autour de lui, ses collègues, ses chefs, sur ceux promus, sur ceux dégradés, sur ceux sanctionnés. Et là, il défendra les causes indéfendables et il « sanctionnera » en termes durs ceux qui se seront donné la peine de se mettre en travers son chemin ou du chemin de ceux qu'il considère qu'ils sont dans leur « droit ».

Dites au travailleur ou au fonctionnaire algérien de faire convenablement son travail, certes il y en a ceux qui le font et ils ne sont pas nombreux, il se révoltera contre vous et vous dira qu'il ne « fonctionne » qu'en fonction de son salaire, donnez lui des millions et il se plaindra toujours d'être mal payé. Il ne vous dira jamais qu'il est mal utilisé parce que lui ne veut pas « esquinter » ses neurones. Il ne revendiquera jamais du travail, laissez-le tranquille, il vous coulera sans aucun doute, et c'est ce qui se passe dans la majeure partie des institutions et entreprises publiques. Je vous attends au tournant, vous allez me dire et qui réalise. Pensez-vous qu'il y a des résultats ? Certes, il y en a, mais en deçà des normes. Les entreprises étrangères activant en Algérie l'ont appris à leurs dépens parce que chez eux les normes de résultats sont toutes autres. Le travailleur ou le fonctionnaire chez eux a un cahier de charges avec des objectifs à atteindre, et quand il ne fait pas l'affaire, il est remis à l'ordre ou appelé à choisir entre son rendement ou celui de son employeur.

Dans le temps, dans les années soixante dix qui ont failli nous emmener à la ruine dès les premières secousses de la crise pétrolière des années quatre vingt, une blague circulait en Algérie. On disait qu'un étranger ayant vu que le nombre de personnes se trouvant dans la rue par rapport à ceux devant être à leurs postes, dans les usines et les administrations, a dit qu'il croyait en la Baraka. Pour lui, c'est une puissance extra humaine qui fait fonctionner le pays. En réalité c'est cette situation négative qui a fait basculer le pays qui s'est retrouvé un jour à demander des prêts à droite et à gauche pour manger et faire tourner la machine. Ce fut la période de fermeture des usines, des entreprises publiques qui ont disparues et de l'impossibilité du pays à faire face à ses besoins.

Actuellement, il se dit que les chinois qui viennent chez nous pour nous apprendre à travailler, à aimer le travail, à construire nos logements et nos routes, etc. ? pensent que la seule journée de travail des algériens est le vendredi, car ils ne voient personne dans la rue, pensant que la population vaque à ses occupations professionnelles.

Voilà comment les gens nous voient, et nous sommes fiers de nous voir ainsi semble-t-il, cela peut-être pour faire l'exception dans la sphère régionale ou internationale. Nous n'avons jamais vu un travailleur ou un fonctionnaire se remettre en cause quand on lui fait le reproche de ne pas avoir fait son travail. Il hochera les épaules et vous dira qu'on n'a vu que moi. Les autres sont épaulés et c'est pour cette raison qu'on ne les contrôle pas. Il trouvera mille et une excuses pour se justifier, justifier un retard, une absence ou une défaillance. Il y a même eu des cas ou des gens indispensables vous laissent sur le carreau, alors qu'ils sont tenus d'assurer un service public.

Avons-nous une conscience ? Que dis notre religion, celle de la majorité des algériens. Est-ce que le travail n'est pas un des piliers de la pratique de l'Islam ? Il en constitue un et allez lire ce que dit le Saint Coran et le Prophète de l'Islam (que le salut soit sur lui). Tout le monde le sait, mais dans la pratique tout le monde fraude, pensant se révolter contre leurs chefs ou leurs employeurs.

Pour le travail, tout le monde en cherche mais faudrait-il l'aimer ou aimer ce que l'on fait. Les gens aiment leur salaire, ils n'attendent que la fiche de paye et le moment du virement mensuel. Ils attendent le reclassement, le relèvement de leurs indemnités et des avantages, mais n'aiment pas qu'on les bouscule. Cependant, je vous dirais que le mal n'est pas là, il est ailleurs. Quand tout le monde fera son travail, du premier responsable au dernier travail, les choses iront bien. Pour le moment ça patine et nul n'a pu prendre ses responsabilités.

Quand nos décideurs mettront des garde-fous pour tout un chacun en matière de résultats, et ça dès le départ, dès le recrutement, ça marchera. Quand nos décideurs appelleront les gens à travailler et aux rendements, là ça ira certainement mieux. Des exemples existent ailleurs, et allez demander aux algériens installés à l'étranger et y travaillant comment cela se passe dans ces pays-là, ils vous le diront et de manière amère devant ce qui se passe chez nous.

Vous allez me dire que les conditions ne sont pas les mêmes, vous allez me dire que les commodités qui existent ailleurs, n'existent pas chez nous. Et chez les autres qui a mis ces conditions, qui a créé ces commodités, ce n'est pas l'Etat, mais c'est le travailleur et le fonctionnaire lui-même qui y a participé pour son propre confort.

Quand quelqu'un vous dira que le travail c'est la santé, que le travail crée la richesse, vous n'allez pas me dire le contraire. La richesse des grandes nations a été construite par le travail, celle des individus l'est aussi, et si l'on ne se met pas au travail, si on ne fait pas aimer le travail à nos enfants, ils partiront ailleurs ou ils se feront exploiter et écraser, et là nous continueront à importer de la main d'œuvre étrangère qui nous construira des logements, des routes et autres infrastructures qui ne profiteront pas aux algériens, car ceux-ci auront disparus quelque part sur la planète terre, qu'ils se feront australiens, anglais, américains et autres et qu'ils reviendront en mission ou en touristes. D'autres peuples auront su profiter de ce pays qu'envient des nations entières, un pays qui a nourri Rome et l'Europe dans l'histoire ancienne et contemporaine.

Alors qui appellera les algériens à allez travailler, à aimer ce qu'ils font, à construire leur pays et à jouir de ses réalisations. Qui osera ? Qui aura le courage de lui dire qu'il n'a pas de pays de rechange à enrichir. Les algériens ne sont pas dupes, la technologie de l'information et de la communication leur a permis de voir ce qui se passe à travers le monde, mais n'ont pas appris la leçon. Vont-ils le faire ? Il le faut bien pour leur survie, pour celle de leur pays qu'envient beaucoup d'états miniatures, beaucoup de fantoches qui veulent tester et réaliser leurs lubies, qui aspirent à créer ou installer un printemps en automne ou en hiver, installer le chaos qui détruira l'Algérie et les algériens.

Il est nécessaire que les algériens reprennent leurs esprits, prennent conscience des dangers qui les guettent, qui guettent leur pays qui fait cinq fois, dix fois, cent fois que la superficie de plusieurs de ces pays qui viennent nous faire la leçon, pas la bonne, mais la mauvaise, celle qui tend à notre destruction, et à travers ils gagneront, eux qui tels des charognards attendent que le lion tombe, que l'éléphant trébuche pour venir l'affaiblir et l'achever.

A bon entendeur salut ! Citoyens et décideurs, vous êtes, nous sommes, tous dans le même sac, un sac qui nous permettra de nous libérer, qui nous permettra d'émerger, d'aller de l'avant dans la construction de notre pays, pas un sac qui nous étouffera ! Le peuple algérien en a assez vu durant son histoire, il aspire à mieux ! L'aura-t-il, ce mieux. Oui il en est capable, lui dont les enfants font le bonheur de beaucoup d'autres pays qui s'enorgueillissent d'en disposer, eux qui n'ont pas mis le moindre centime pour les avoir formés, pour en faire ce qu'ils sont actuellement et ce dont ils sont capables de faire sous d'autres cieux.



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