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Jeux de hasard et de sang

par Ali Brahimi

Le jeu politique actuel dans notre pays, et dans bien d'autres contrées similaires, est comparable à celui du hasard : la baraka ainsi perçue par certains illuminés spéculant qu'elle à un rôle décisif tant au niveau de la conception de l'Etat, que de la manière d'accéder à sa direction, de se maintenir et, enfin, d'appliquer des « stratégies » de développement inscrites dans ce genre d'état d'esprit? hasardeux.

 Celui-ci est basé sur des postures aléatoires car puisant, d'une façon ou d'une autre, sa raison d'être d'une ancienne mentalité typiquement précoloniale, après pourtant tout ce décalage dans le temps et une lutte de libération nationale ardue et prometteuse aboutissant hélas aux solutions de facilité voire populistes, reproduite donc actuellement en comportement postcolonial caractérisé par une nouvelle forme d'aliénation existentielle ou le sens de l'Etat ainsi que celui de toutes ses actions de développement sont confondus avec le destin voire le bon vouloir d'un individu, d'une famille, d'un clan, d'un parti, d'une politique ? Enfin, seul le sens du « barakisme » prévale et régit les relations entre les individus de la base au sommet de l'édifice sociétal, ou plutôt de ce qui semble l'être, ainsi soumis à toutes sortes de pouvoirs le plus souvent imposés à contresens des espoirs des gens pourtant, pour leur plupart, actuellement assez instruits et informés . Hélas vainement, affichent-t-ils, du moins pour le moment !

 Ainsi, pour les théoriciens de l'absurde voire de la facétie politicienne prospérant au sein des sociétés en mal d'inspiration, tout n'est que jeux de hasard y compris dans le domaine de l'édification d'un Etat solide et moderne expurgé des scories du passé lesquelles, malheureusement, restent vivaces voire actives au sein de certains peuples anciennement occupés et aujourd'hui préoccupés, quand à l'issue de leur nouvelle condition, du fait que leurs élites s'éclipsent souvent du champ d'actions, insiste-t-on, à cause d'une certaine forme de? «Colonisabilité» interne qui débute par leur démission voire leur manque d'imagination générant des effritements des efforts émancipateurs ouvrant par ce fait, selon le degré de maturité de chaque société, la voie à celle externe telle que décrite par le défunt érudit Malek Bennabi, et mise en exergue selon un autre point de vue exprimé par le philosophe français anticonformiste Jean Paul Sartre, et le militant révolutionnaire le psychiatre Frantz Fanon mort pour la libération de l'Algérie des damnés.

 Aux temps actuels et sur un autre plan, des laudateurs imposent par des chiffres fluctuants au gré des humeurs politiciennes, de l'autosuffisance en certains besoins sociaux et matériels dont alimentaires, balisées de surcroît à sens unique par le biais de discours claniques, rivales en sourdine jusqu'a l'exaspération des gens révulsés par leur clientélisme borné, souligne-t-on, sans qu'ils en tiennent compte d'aucune retenue, réalité ni logique, encore moins d'une approche réfléchie et structurée liée a de la bonne gouvernance, notamment socioéconomique, imaginée sereinement et mise en œuvre dans la durée par étape, planifiée sur 25 ans et plus dans les pays avancés, tout en être paré autant que possible contre les imprévus . En anticipation !

 Par contre dans des contrées comparables au notre, à l'image des pays arabes pour ne citer que ceux-là, seule la conjoncture et l'immédiateté voire la précipitation, au gré des sautes d'humeurs conjuguées aux convenances internes et externes du moment, régissent les politiques aussi bien liées à l'alternance du pouvoir dans lesdits pays arabes en général en mal d'inspiration, que celle du développement dans toutes ses composantes au profit de leurs contrées judicieusement aménagées dans ce sens et dans bien d'autres liés à la bonne gouvernance et non à celle de la mauvaise !

 « Sans l'aération et l'oxygénation qui apporte l'existence de vrais contrepoids, l'obligation d'avoir à rendre des comptes et des électeurs vraiment libres de choisir entre des offres multiples, ce pouvoir tourne au morbide et la régression guette ». Et plus loin : « Il y a bien quelque chose qui ne tourne pas rond dans ces républiques arabes. Un mauvais départ qui n'aboutit pas seulement à une mauvaise arrivée?, mais à une dangereuse tournure. Dans ces contrées soumises ou la démocratie et la diversité politique et idéologique sont neutralisées ou combattues, l'émergence de républiques héréditaires fait immanquablement le lit à l'islamisme politique et de lui seul. L'islamisme a été déjà la réponse à des décennies de régimes républicains à parti unique. Il le sera encore plus pour ces nouvelles républiques monarchiques. La logique est connue : un système totalitaire peut étouffer tout le monde, il n'étouffera pas la réaction par la religiosité : il confortera à lire et à répondre en termes religieux. Car il est clair que face à une fausse « offre » politique, ou les liens de sang servent de tremplin pour accéder au pouvoir, l' offre religieuse pourra paraître singulièrement plus large, voire plus «moderne». Extrait de l'éditorial de M. K. Selim, intitulé révolutionnaire et « réac », paru au Quotidien d'Oran du lundi 19/10/2009. En milieu de cette semaine, des émeutes se sont déroulées dans un quartier d'Alger - Diar Echems - ou des meneurs ont scandé les slogans intégristes des années de sang. Lors des événements d'octobre 1988 le mouvement de protestation des jeunes dépités par toutes sortes d'injustice fut, également, récupéré le 10 octobre par la grande manifestation, du courant islamiste avec toutes ses «tendances», violemment réprimée par un bain de sang : Un double piége redoutable en action jusqu' à l'heure actuelle avec d'autres «mécanismes» non moins dangereux comme signalés dans ledit éditorial ci-dessus mentionné.

 Le monde arabe est traversé actuellement par des extrémismes liés aux pouvoirs régnants ayant, paradoxalement, des similitudes frappantes. Tous sont arrivés à avoir des convictions que la continuité de leurs politiques - en vérité des pratiques rédhibitoires - ne pourraient être assurées que dans l'esprit du clanisme le plus étroit. En d'autres termes, celui des liens de sang et autres vaisseaux liés ! En effet, tout semble indiquer que les soi-disant républiques, bâties pourtant sur des bases autres que monarchiques, se rapprochent voire être irrésistiblement tentées par cette ambivalence des plus alambiquée.

 La prochaine décennie va être riche en événements liés à ces absurdités ! Enfin, de quelle nature est cette mouche qui les à piquer pour qu'ils s'engouffrent dans cette voie de tous les risques ?