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Financement des porteurs de projets innovants: Création d'un Fonds d'investissement universitaire

par El-Houari Dilmi

Initiative inédite dans le paysage universitaire algérien, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (MESRS) a annoncé, le 30 octobre dernier, la création du premier Fonds d'investissement universitaire, placé sous la tutelle de l'université d'Alger 3.

S'exprimant, hier mardi, sur les ondes de la Radio nationale, Khaled Rouaski, recteur de l'université Alger 3, a souligné l'importance de ce projet structurant, affirmant que «c'est le premier fonds d'investissement 100% universitaire, créé à travers le regroupement de plusieurs filiales économiques de l'université d'Alger 3». Le même responsable, a indiqué que le capital initial du Fonds est fixé à 120 millions de dinars, avec pour objectif d'atteindre 330 millions de dinars avant la fin de l'année, précisant que «ce fonds vise avant tout à accompagner et financer les porteurs de projets innovants issus de l'université, mais aussi à soutenir les acteurs économiques opérant dans le secteur de l'enseignement supérieur». L'invité de la Radio a également précisé que «le fonds fonctionne selon deux modes, comme fonds d'investissement direct et comme fonds de fonds, c'est-à-dire qu'il pourra gérer d'autres fonds, dans le secteur universitaire mais aussi, pourquoi pas, à l'échelle internationale».

Le recteur d'Alger 3 a rappelé que le secteur de l'enseignement supérieur connaît une véritable effervescence entrepreneuriale : «Nous comptons plus de 2.200 projets innovants labellisés à l'échelle nationale, dont plus de 200 startups déjà créées et actives, certaines même à l'international (…). A cela s'ajoutent 20.000 micro-entreprises universitaires portées par des étudiants formés dans les Centres de développement de l'entrepreneuriat (CDE), dont plus de 2.000 sont déjà en activité.

Pour l'hôte de la Radio, «le taux actuel de financement et de réalisation se situe entre 10 et 12%, mais notre objectif est d'atteindre 80% grâce au fonds d'investissement et aux nouveaux mécanismes d'accompagnement», a-t-il souligné.

Toujours selon ce dernier, l'université d'Alger 3 a mis en place une structure à deux volets : «le fonds se charge du financement et de l'investissement, tandis que l'incubateur universitaire assure le suivi administratif et juridique des porteurs de projets», a-t-il déclaré, ajoutant que l'objectif est celui «d'accompagner les étudiants de la conception à la commercialisation, en passant par la formation et la mise sur le marché». Un exemple concret illustre cette dynamique, selon lui. Il s'agit d'un projet de chimie industrielle issu de l'incubateur d'Alger 3 «qui a décroché un contrat de coopération avec le Nigeria d'une valeur de six millions d'euros, après avoir reçu le prix du président de la République», a-t-il révélé.

Un guichet unique et une simplification des démarches

Pour renforcer cet écosystème, le ministère de l'Enseignement supérieur prévoit la création d'un guichet unique au niveau de chaque université : «ce dispositif vise à centraliser toutes les démarches administratives pour les porteurs de projets, à l'image de l'Agence algérienne pour la promotion de l'investissement (AAPI)», a encore expliqué le recteur. «Chaque université disposera de son guichet unique, qui concernera à la fois les incubateurs et les CDE, cela permettra de faciliter le parcours administratif des porteurs de projets innovants et des micro-entreprises universitaires», a-t-il indiqué. Estimant que les chiffres «témoignent déjà de l'impact économique du secteur», les startups et micro-entreprises universitaires actives «génèrent plus de 6.600 emplois directs, avec une moyenne de trois postes par structure», a-t-il expliqué, ajoutant que le secteur de l'enseignement supérieur «devient un véritable secteur économique à part entière».

L'université d'Alger 3 se positionne également comme un établissement pilote du numérique et de l'innovation : «Nous avons développé le concept d'université 4.0 avec des salles entièrement équipées, des Data Centers et des plateformes interactives.

La digitalisation fait désormais partie intégrante du processus d'apprentissage», a affirmé Khaled Rouaski. La spécialité FinTech illustre cette mutation, «lancée il y a trois ans, elle connaît un succès remarquable», a-t-il déclaré. «C'est une formation double compétence, entre finance et informatique, très demandée par les banques et les compagnies d'assurances, les majors de promotion trouvent presque immédiatement un emploi», a-t-il expliqué.

Et d'ajouter : «sur le plan national, 24 universités ont déjà entamé la transformation vers le modèle 4.0, avec un taux d'avancement de près de 80%. Parallèlement à cela, le pays compte 139 incubateurs universitaires et 412 filiales économiques actives, toutes impliquées dans la valorisation du savoir et la création de richesse», a-t-il argumenté. «L'université algérienne entre dans une nouvelle ère : former, accompagner et financer au sein même de l'institution universitaire, c'est donner à nos étudiants les moyens de devenir des acteurs économiques pour passer d'une université de formation à une université de création et d'innovation», a-t-il estimé. Avec ce premier fonds d'investissement universitaire, l'université d'Alger 3 ouvre la voie à une réforme structurelle ambitieuse, plaçant l'étudiant, l'innovation et l'entrepreneuriat au cœur de la mission de l'enseignement supérieur. «Si cette expérience s'avère concluante, elle pourrait être étendue aux 119 établissements universitaires du pays, faisant de l'université algérienne un moteur économique à part entière», a-t-il indiqué. «C'est une révolution silencieuse mais déterminante», a conclu Rouaski, soulignant que «l'université ne se contente plus de former, elle investit, crée de la valeur et participe directement au développement économique national».