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La recherche et l'innovation au cœur du développement économique et social global : de la vision à l'action: Appel au président de la République

par Mohand Tahar Belaroussi*

«La vision sans action n'est qu'un rêve. L'action sans vision ne fait que passer le temps. La vision conjuguée à l'action peut changer le monde.» JOEL A. BARKER

Dans le monde contemporain, la recherche et l'innovation constituent aujourd'hui la pierre angulaire de la croissance économique et de la prospérité du fait qu'elles représentent les facteurs clés de la compétitivité, la croissance et l'emploi. Dès lors, les politiques de la recherche, et plus largement le triangle de la connaissance «recherche, enseignement supérieur, innovation» revêtent une importance déterminante pour le développement économique et social global.

Dans ce contexte, les plus hautes autorités politiques, et à leur tête le président de la République dont je ne doute de sa bonne foi, ambitionnent de bâtir une économie diversifiée, plus productive et moins dépendante des hydrocarbures, fondée sur la connaissance. Cependant, l'édification d'une économie compétitive et dynamique, basée sur la connaissance, capable d'une croissance économique durable, l'Algérie doit renforcer son aptitude à produire des connaissances par la recherche (avec ce qu'elle implique le cas échéant, de démonstration de faisabilité économique), à les diffuser par l'enseignement et à les appliquer grâce à l'innovation (et son instrument privilégié le transfert de technologies) qui permet de créer des entreprises rentables, notamment dans le secteur privé. L'innovation technologique, à titre de rappel, consiste à partir du concept d'une technologie nouvelle, considérée comme étant un résultat d'une activité de recherche, pour créer un produit ou un procédé qui fonctionne et l'entreprenariat technique consiste à créer une entreprise rentable fondée sur l'exploitation commerciale d'une innovation technologique. C'est donc là un sujet fondamental qui constituerait, dans le volet de la diversification de notre économie, une des alternatives stratégiques de développement économique hors hydrocarbures.

C'est sur cette toile de fond que s'inscrit la présente contribution qui se veut une réponse aux attentes de la société, lesquelles sont énoncées ci-après dans les grandes orientations de politique économique des plus hautes autorités politiques du pays et celles les plus récentes de la politique de l'investissement, notamment en : - affirmant une volonté politique pour s'appuyer sur la recherche scientifique, l'innovation technologique et l'économie de la connaissance, comme facteurs-clés d'impulsion du processus de développement économique et social ; - s'attelant à l'élaboration et à la mise en œuvre d'un modèle économique productif moins dépendant des exportations d'hydrocarbures, et qui favorise l'exploitation des ressources locales ; - mobilisant les compétences nationales en Algérie et celles établies à l'étranger ; - développant les secteurs d'activités prioritaires à forte valeur ajoutée ; - favorisant le transfert technologique et développant l'innovation et l'économie de la connaissance ; - généralisant l'utilisation des technologies nouvelles ; - dynamisant la création d'emplois pérennes et de promouvoir la compétence des ressources humaines ; - renforçant et améliorant la compétitivité de l'économie nationale et sa capacité d'exportation.

Ces orientations de politique économique sont dignes d'éloge. Néanmoins, ce qui fait défaut, c'est un véritable changement d'attitude de la part de tous les milieux intéressés à la recherche et l'innovation dans notre pays, y compris les acteurs, les chercheurs et enseignants-chercheurs eux-mêmes, enfermés dans un mutisme presque totalqui compromet notre avenir et celui des générations futures. Plus particulièrement encore, dans ce secteur, nous considérons que nos décideurs doivent également faire montre d'une volonté politique manifeste s'agissant de la définition de mesures concrètes et efficaces qui leur permettent de s'attaquer aux causes profondes dudysfonctionnement de notre Système National de Recherche (SNR), bien connues et souvent citées, pour imaginer ensuite des solutions à la mesure des défis spécifiques dans le cadre de cette action, notamment la nécessité de traduire les dites orientations en stratégies et objectifs opérationnels, accompagnés des ressources pertinentes et de résultats clairement définis, autrement dit un Plan stratégique national multisectoriel et opérationnel. Par SNR, nous faisons référence ici au modèle de triangle déjà présenté illustrant l'interaction entre les trois secteurs clés, à savoir l'Etat, l'Université et l'industrie, caractérisé par des défis très importants en matière de coordination et d'élaboration d'une politique commune de recherche susceptible de conduire à l'élaboration d'une véritable stratégie commune, intégrée et adaptée aux contextes national et international en matière de Recherche-Développement (R&D)1.

Présentement, comme nous l'avons déjà signalé, notre SNR au niveau politique souffre véritablement de la multiplicité des cas de chevauchements entre les missions des départements ministériels et des institutions, de la confusion et de l'incohérence des politiques suivies dans le chapitre de l'économie de la connaissance aux conséquences néfastes : mal gouvernance, incompétence, corruption, gaspillage de ressources, obstacles au véritable développement économique, social et politique2. Cette situation est imputable avant tout à une vision incomplète et fragmentaire, pour ne pas dire à l'Etat. C'est donc une nouvelle vision commune de l'avenir de notre pays qu'il convient de développer.

La nécessité de développement d'une vision stratégique

Dans cette perspective, il est primordial de développer une vision ambitieuse et globale qui constitue une étape cruciale dans l'élaboration d'un Plan stratégique national multisectoriel ou d'une stratégie nationale de développement global pour reprendre l'expression utilisée à l'article 9 de la Loi 15-21 du 30 décembre 2015 portant loi d'orientation sur la recherche scientifique et le développement technologique qui, hélas, n'existe pas. Développer une vision stratégique et intégrée exige cependant une connaissance approfondie des facteurs de la croissance et de la transformation actuels et passés et les tendances de l'évolution de la R&D au niveau mondial.

Dans cette perspective, comme première étape de ce processus, nous avons proposé une nouvelle approche de l'élaboration d'une vision stratégique. Celle-ci vise à développer, dans des secteurs d'activités porteurs, une masse critique et un niveau d'excellence permettant de générer une dynamique de croissance nouvelle et un positionnement sur le plan international. Cette vision se fonde sur une compréhension claire et approfondie du contexte international actuel et passé dans lequel évolue le secteur R&D en matière d'innovations technologiques, notamment celui de l'économie fondée sur la connaissance et les opportunités qu'elle offre en termes de développement d'activités à très forte valeur ajoutée(A titre d'exemple, dans le secteur de la micro-nanoélectronique, les coûts de développent de puces en technologies de 65 nm et 7 nm sont respectivement 50 millions de USD et 300 millions de USD). En effet, si l'on examine ce qui se dissimule derrière les changements de plus en plus rapide intervenus dans les produits, les services, les biens d'équipement, les procédés de production et les profonds changements intervenus dans les secteurs des télécommunications, des médias et des technologies de l'information, etc., nous voyons que les technologies dites de pointe ou universelles selon l'OCDE en l'occurrence les matériaux nouveaux, la micro-nanoélectronique et la biotechnologie, sans parler de l'énergie qui constitue un atout majeur pour notre pays, sont, comme nous l'avons illustré ailleurs, à la base de ces mutations et les innovations technologiques et constituent de véritables leviers sur lesquels s'appuie la croissance économique mondiale et sur lesquels reposent toutes les technologies actuelles et à venir3.

Cependant, en Algérie, nos ministres, ceux concernés au premier plan par le chapitre de l'économie de la connaissance, sont plus enclins à effectuer des sorties de terrains, à titre individuel ou conjointement, à organiser des évènements ou à être à l'écoute des entreprises déficitaires, notamment du secteur public. Tout ce qu'ils savent faire, c'est organiser des spectacles et faire des promesses qui se limitent aux effets d'annonce avec du réchauffé, plutôt qu'à élaborer une véritable politique commune et d'une stratégie nationale de promotion et de développement en la matière conformément aux missions et pouvoirs qui leur sont conférés. Pour preuve de ces improvisations, la tergiversation depuis plus d'une année et demie autour d'un projet de loi-cadre sur l'économie de la connaissance, sans aboutissement. Mais pour qu'une telle politique soit crédible, cela suppose qu'elle soit fondée sur un état des lieux précis, sur une méthodologie de conception de stratégies et sur la base des consultations nationales avec des personnalités scientifiques et industrielles nationales et expatriées qui ont des connaissances du niveau le plus élevé et qui sont des autorités reconnues sur le plan international dans le domaine spécialisé concerné. Ce n'est que par l'existence d'une telle politique que les sorties de terrain pour les ministres auraient un sens de par leurs fonctions et responsabilités de suivi et d'évaluation des réalisations des programmes et des projets y afférents4,5.

Sur ce chapitre, les plus hautes autorités de l'Etat veulent faire du développement des start-ups un levier majeur de développement de l'économie numérique et un instrument de diffusion de la culture de l'entreprenariat et d'innovationen créant un nouveau ministère dédié à l'économie de la connaissance, lequel a accordé un ensemble de mesures telles que l'exonération de TAP, d'IRG et d'IBS, la création d'un Fonds algérien pour l'innovation, la création d'incubateurs et d'accélérateurs de start-up, label start-up, etc. Cet ensemble de mesures est cependant conforme aux principes généraux visant la promotion des start-ups, mais ne suffisent pas pour satisfaire les besoins des jeunes porteurs de projets en matière de formation, de qualification, de plateformes scientifiques, techniques et technologiques, d'entreprises performantes et d'un environnement économique favorable dans lequel ils peuvent s'épanouir et dans lequel ils sont appelés à innover, autrement dit, un «écosystème national de l'innovation» qui, malheureusement, n'existe pas à l'heure actuelle.

Il est illusoire, voire même trompeur, de faire croire quel'attribution du label «Start-up» à un millier d'entreprises qui existaient déjà auparavant, pourrait éclipser la nécessité préalable de la mise en place de cet écosystème. Ce n'est là qu'une fuite en avantaux conséquences désastreuses. Il en est de même que la création de quelques écoles en High-Tech (Intelligence artificielle, nanotechnologies, robotique et drones,?), au sein du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, ne remplaceraient pas l'élaboration d'une véritable stratégie de R&D qui représente l'ossature du SNR. Là également, il s'agit d'une autre fuite en avant.

Ce sont là des conditions qui devraient avoir une incidence certaine et positive sur le classement de l'Algérie, qui en matière d'innovation, faut-il le signaler, occupe la 115e place sur les 132 économies classées, comme rapporté dans l'édition 2022 de l'indice mondial de l'innovation, loin derrière des pays considérés comme des pays les moins développés. Le classement des pays selon l'indice de la capacité d'innovation est basé sur sept piliers suivants : Produits de la créativité, Infrastructure, Perfectionnement des entreprises, Capital humain et recherche, Production de connaissances et de technologies, Perfectionnement des marchés, Institutions6.

Il en est de même quant au classement des universités au niveau mondial, «Shanghai Ranking» vient de publier son classement des 1000 meilleures universités au monde pour 2023 sur la base de quatre critères : Qualité des enseignements, Qualité du corps professoral, Recherche, Nombre d'articles scientifiques publiés dans Nature et Science et nombre de papiers indexés au sein du Science Citation Index Expanded et du Social Science Citation Index, Performance académique des institutions. Et dans ce top 1000, aucune université algérienne n'y figure7.

Sur ce chapitre également, le gouvernement aurait dû conserver le Fonds National de la Recherche Scientifique et Développement Technologique (FNRSDT) au lieu de le supprimer sans aucune évaluation au préalable qui devait passer par la présentation de bilan devant l'assemblée nationale. Il convient plutôtde l'instituer en tant qu'organe indépendant, doté de la personnalité juridique, dont les objectifs sont de promouvoir la recherche fondamentale, de soutenir les jeunes chercheurs, de créer de jeunes entreprises «spin-off» par des universités, des centres de recherche et des entités de R&D d'entreprises, de stimuler l'innovation et la compétitivité économique, de renforcer la collaboration. Le meilleur exemple parmi tant d'autres est le Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique. Il convient toutefois de signaler que la Suisse occupe la tête du classement de l'indice mondial de l'innovation depuis quatre années consécutives.

En tout état de cause, il y a lieu d'insister sur cet état de fait que ce n'est pas faute de moyens financiers et de ressources humaines, mais une simple carence d'idées claires et adaptées et une vision clairement définie, pouvant aider nos ministres à traduire les grandes orientations de politique économique susmentionnées en programmes nationaux viables et projets novateurs disposant d'une structure appropriée de gouvernance.

Par conséquent, il est capital que nos gouvernants accordent une plus grande attention à ces technologies universelles qui nécessiteraient une réflexion plus approfondie et devraient être plus explicitement intégrées dans les politiques économiques et sociales en cohérence avec les grandes orientations susdites. Elles devraient les inciter à réviser leur attitude passive à leur égard et leurs pratiques afin de favoriser une interaction plus dynamique et plus entrepreneuriale entre la technologie et l'activité commerciale. Elles devraient aussi inciter les hommes d'affaires, les chercheurs, les ingénieurs et les techniciens à prendre conscience des possibilités et les opportunités réelles qui s'offrent à eux en matière de création de nouvelles entreprises fondées sur ces technologies. En effet, la désagrégation des chaînes de valeur mondiales de ces technologies offre une formidable opportunité d'innovation en opérant des choix de positionnement dans les maillons de ces chaînes à fort rapport économique et en saisissant les nouvelles possibilités de partenariat, nécessaires pour réussir à pénétrer les marchés mondiaux, et de cofinancement à l'international et de système de protection de la propriété intellectuelle. L'attrait de notre pays pour les investisseurs étrangers dépendra donc beaucoup de sa capacité de production des connaissances par la recherche et l'innovation dans les domaines des technologies de pointe.

Cette nouvelle approche ouvre la voie à de nouvelles idées novatrices dans les domaines technologiques de pointe, qui pourraient ainsi établir les domaines spécifiques sur la base desquels reposera la stratégie nationale de développement global comme une condition nécessaire à l'innovation, préalable à la croissance économique et à la création d'emplois.

La stratégie nationale de développement global

Considérant tous les éléments susmentionnés, la stratégie que nous proposons s'inscrit dans le prolongement des contributions précédentes pour affirmer la place centrale que doit occuper le secteur de la recherche et l'innovation dans nos politiques économique et sociale aux niveaux sectoriel et intersectoriel.

Elle est fondée sur une approche intégrée permettant aux trois secteurs du SNR de savoir sur quelles priorités faire porter les efforts sur lesquels se bâtiraient les différentes réformes de la politique scientifique et technologique, lesquelles doivent, au préalable, miser sur la recherche scientifique et l'innovation dans les domaines suscités comme éléments moteurs d'un nouveau modèle de développement économique fondée sur la connaissance. Cette stratégie vise, entre autres, à atteindre des conditions favorables à l'intégration des activités scientifiques et technologiques dans le processus de développement social, économique et politique au profit de l'ensemble de la société. Elle s'appuie sur un processus, qui sera réalisé par étapes successives, dont le passage d'une étape à l'autre se fera après une évaluation approfondie des résultats de l'étape précédente.

La stratégie nationale de développement global proposée, fondée sur les technologies de pointe et une approche plus holistique et intégrée, s'articule autour d'un ensemble d'objectifs pour chacun des trois secteurs de notre SNR à savoir : - doter notre SNR, en matière de politique scientifique et technologique, d'un grand ministère de la recherche et de l'innovation rassemblant les moyens dispersés et émiettés entre plusieurs ministères ; former à cet effet des cadres qualifiés possédant des connaissances spécialisées dans le domaine de l'élaboration de la politique scientifique et technologique, la collecte, l'analyse et l'exploitation de données statistiques, la planification, la programmation budgétaire et autres méthodes de management, en particulier dans le domaine de la Science et Technologie (S&T) ;- Créer une institution d'enseignement et de recherche en matière de management scientifique et technologique conformément au Programme de l'UNESCO adopté lors de la 25ème Session de la Conférence Générale de l'Organisation visant à créer dans les diverses régions du monde des réseaux d'institutions en cette matière ; - Commencer à créer un potentiel national dans les domaines spécifiques des technologies de pointe, avec la participation des compétences académiques expatriées, de manière à jeter les bases des futurs points forts sur lesquels se fondent les systèmes de production, les produits et les services ; faire évoluer pour chaque secteur d'activité un réseau transrégional reliant entre eux des organismes de même nature, un réseau de formation, un réseau de recherche fondamentale, un réseau d'innovation technologique, etc. - Accélérer le transfert de technologie, tout en respectant les mécanismes appropriés de transfert, pour édifier une première génération d'industrie branchée, par ses achats et ses ventes, et d'entreprises sous-traitantes des grandes compagnies commerciales à l'échelle mondiale, avec la participation des personnalités industrielles expatriées de très haut niveau8 ; créer à cet effet un potentiel d'innovation technique et technologique local ; - Réorganiser et réhabiliter l'infrastructure de services scientifiques et technologique, notamment les services d'information et technique de manière à éviter le double emploi et le gaspillage de ressources.

Plan stratégique national multisectoriel

Cette stratégie nationale de développement global devrait servir à formuler des plans et des programmes sectoriels dans le but de fixer les objectifs spécifiques et de définir les priorités sectorielles en matière de recherche scientifique correspondant aux objectifs et orientations du développement national. L'élaboration de ces plans devrait impliquer et faire participer à ce processus des spécialistes de tous les secteurs concernés afin d'aboutir à des plans d'ensemble adéquats et cohérents détaillés assortis d'indicateurs de mesure des progrès accomplis. Elle devrait également impliquer les commissions intersectorielles de promotion, de programmation et d'évaluation de la recherche scientifique et technique (CIS) et les comités sectoriels permanents (CSP) sur les diverses questions liées au secteur de la recherche.

Ce processus est absolument nécessaire si l'on veut promouvoir une gouvernance efficace, une gestion axée sur les résultats et un programme de travail répondant aux grandes orientations de politique économique du pays. Il serait donc illusoire de vouloir promouvoir une bonne gouvernance politique et économique et de jeter les bases d'un développement durable sans réformes structurelles substantielles, en particulier celles qui seront destinées, faut-il encore une fois le souligner, à faire unir plus étroitement recherche académique et recherche en entreprise. Cette dernière, en tant que locomotive de la croissance économique, est le lieu d'élection du transfert technologique et d'innovation et est, comme nous l'avons signalé ailleurs, quasiment absente de notre SNR. Le processus peut sembler long et compliqué, voire alambiqué, et on ne sait pas par où commencer.En cette matière, il vaut mieux anticiper l'évolution économique et sociale, plutôt que de se laisser acculer à de fausses solutions aux conséquences désastreuses

Par où commencer ? Il faut absolument opérer en priorité les changements structurels suscités et mettre en œuvre leurs dispositifs de fonctionnement.

Nous n'insisterons jamais assez pour dire que ce qu'il faut à ce stade, susceptible d'amorcer un processus de transformation économique et sociale, c'est de rechercher des gagnants parmi nos élites, nationales et expatriées, animées d'intentions les plus nobles et de les impliquer dans la mise en œuvre de cette stratégie nationale de développement global. Car en fait, rien ne réussit pour les uns autant que le succès des autres. Si l'on peut impliquer quelques-uns de ces gagnants dans l'exploitation des technologies de pointe à des fins commerciales, il faut les mettre en évidence par une action énergique de communication pour discuter et faire connaître les idées émises aux utilisateurs finaux, appartenant à l'industrie, à l'administration, aux centres de recherche et aux universités. Ce n'est que par ce processus de discussion des différentes questions liées au secteur de la recherche, des opportunités, des possibilités et des mécanismes liés à la stratégie développée que les idées prendront racine et auront des effets à la mesure de leur potentiel. Alors, et alors seulement, on verra apparaître une véritable demande de mise en place d'une stratégie telle que celle proposée dans cette présente contribution et d'une politique de soutien à l'innovation, à laquelle répondront donneurs et gouvernement.

En conclusion, dans un pays comme le nôtre, il s'agit donc plutôt d'amorcer un nouveau processus de développement qui constituerait le commencement d'un nouveau chapitre de notre histoire où l'Etat, au départ, animé d'une volonté politiquequi se fonde en raison et jouissant d'une gouvernance forte et visionnaire, aura un rôle essentiel à jouer dans l'évolution et l'accompagnement de ce processus de réformes adapté aux progrès scientifique et technique et aux nouvellesconditions du décollage de notre pays.

Les défis de l'Algérie nouvelle, reflétés dans les grandes orientations de politique économique, ne représentent-ils pas une occasion rêvée pour entamer sans plus attendre une réorganisation d'ensemble du SNR pour mieux l'adapter à l'évolution actuelle de la R&D dans le monde ainsi qu'au nouveau contexte d'ouverture de notre économie sur l'extérieur ? La demande de l'Algérie de faire partie des BRICS n'ayant pas été retenue, ? Cela nous pousse à êtreconformes à ce principe coranique «Or, il se peut que vous ayez de l'aversion pour une chose alors qu'elle vous est un bien» Sourate 2, Verset 216 ou comme le dit le proverbe «à quelque chose malheur est bon» ?, et cela doit nous faire réfléchir, mais surtout agir en vue d'adopter une politique de la recherche plus complète et plus rationnelle pour qu'à court, moyen et long terme notre pays puisse tirer entièrement parti du potentiel des technologies de pointe. Dans ce cadre également, les accords de coopération conclus avec la Chine pourraient profiter à notre pays pourvu que leur contenu soit établi en réponse aux besoins réels bien définis et exprimés.

Mais à qui, cependant, incombe la prise en charge d'une telle action ? Malheureusement, les pouvoirs publics sont loin de cette démarche qui consiste à entreprendre une action urgente et concertée de ce genre. Une réorganisation de l'ensemble ne peut donc être que le résultat d'une réaction en chaîne basée sur un plan stratégique par étapes, supervisé au plus haut niveau. Mais pour qu'une telle volonté de planification ait une chance de se mettre en place, animée d'une volonté suffisante de changement, il serait évident que l'initiative émane du président de la République.



* Docteur en microélectronique, Directeur de recherche à la retraite

Ex-directeur de la DPREP/DGRSDT/MESRS



Références :

1. Formation-Recherche-Démonstration-Production : Des articulations difficiles, mais absolument nécessaires, Le Quotidien d'Oran, 26 juin 2022

2. L'économie de la connaissance en Algérie entre savoir et illusion, Le Quotidien d'Oran, 16-18 mars 2023

3. Quels sont les leviers potentiels pour le développement économique et social ? Le Quotidien d'Oran 03-04 janvier 2022

4. Méga-centrale technologique au ministère de l'Enseignement supérieur : entre l'annonce et la réalité, Le Quotidien d'Oran, 7 mai 2015

5. Les annonces de notre ministre de l'Enseignement supérieur : innovations ou trompe-l'œil ? Le Quotidien d'Oran, 04 mai 2023

6. wipo-pub-2000-2022-en-main-report-global-innovation-index-2022-15th-edition.pdf

7. Shanghai Ranking's Academic Ranking of World Universities

8. Les errements de nos politiques industrielles !, Le Quotidien d'Oran, 21avril 2011