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Sortir du mal-développement touristique: Comment s'ouvrir au tourisme international ? (2ème partie)

par Said Boukhelifa*

LE PRODUIT CULTUEL SAINT AUGUSTIN

Le produit unique et exceptionnel basé sur la figure emblématique et millénaire de Saint-Augustin, Hippone et Madaure/Mdaourouch, doit être judicieusement exploité et commercialisé. Vers l'étranger, notamment vers les USA, où il existe plus de 400 associations augustines, adeptes de la philosophie religieuse de Saint-Augustin. Le Président américain Joe Biden l'avait évoqué, le jour de son investiture. Et il existe un grand salon de tourisme, le Pow How de Chicago, Illinois., qui mériterait que l'ONT Algérie, aille promouvoir ce produit cultuel, la civilisation romaine et le Hoggar et le Tassili, etc. Seule une équipe compétente anglophone maîtrisant le produit Saint-Augustin, et les autres sites, devrait partir en mission.

La méritocratie doit prendre le dessus sur la médiocratie. Cela n'a pas été du tout le cas, ces 20 dernières années. Et les salons, cela se prépare, 6 mois à l'avance, décor du stand, thématique, fiches à établir par produits pour les missionnaires qui doivent les apprendre et les maîtriser dans la langue du pays d'accueil de la foire ou du salon du tourisme. Nous pourrons envisager de recevoir 100 groupes de 30 participants américains en moyenne par an, soit 3.000 au total.

LE PRODUIT MICE ET LE TOURISME CYNEGETIQUE

En appoint aux deux produits phares cités plus haut, il y a le tourisme de congrès et d'affaires, repris sous le concept MICE, meeting, incentives, congrès, events.

Le MICE, exige des destinations attractives, possédant des centres adaptés aux congrès, et des hôtels de grands conforts 4 et 5* étoiles. L'Algérie en possède 4 villes concernées par le MICE, mais qui ne savent pas comment amortir ou rentabiliser les centres construits. Manque flagrant de communication interne et externe. Notamment, le Centre international de Club des pins CIC, adossé au Sheraton pour l'hébergement et la restauration. Les visites touristiques, post-congrès qui sont toujours prévues, dans les programmes des villes organisatrices, ici, concerneront les ruines de Tipaza, le petit musèe antique, le tombeau Cléopâtre Séléné, la Basilique notre Dame d'Afrique, panorama sur la baie d'Alger du Makkam Echahid. La Casbah à éviter, tombant en ruines et ruelles sales. Oran, le Centre des conventions adossé au Méridien. Visites touristiques, Santa Cruz et le Murdjado, et en allant plus loin Tlemcen, El Mechouar et le Palais des rois musulmans, le Centre culturel et le mini-Alhambra, des joyaux. Constantine, le Centre Ahmed Bey, un zénith, adossé aux Mariott, Novotel, Ibis, Tropea/Panoramic et au Cirta/Mariott. Les visites touristiques au musée Palais Ahmed Bey, le monument/arc de la victoire, les ruines de Tiddis, le tombeau de Massinissa au Khroub. Setif, son Marriot, sa salle des conférences, pour les visites, les ruines de Djemila. Par le biais de salons dédiés au tourisme d'affaires, à Paris, Genève, Amsterdam, Vienne, l'Algérie pourrait recevoir, bon an mal an, des congrès de 200 à 400 participants, une dizaine annuellement. Soit 2.000 à 4.000.

LE TOURISME CYNEGETIQUE OU CHASSE TOURISTIQUE

Autre produit haut de gamme, très prisé par la jet-société et par les gros patrons d'entreprises, qui paient chers leurs voyages. Ils viennent à condition que le gibier foisonne. Chez nous il déborde, les sangliers prédateurs, visitent même les poubelles communales de certaines cités. Et ils exigent des hôtels très confortables qui existent partout dans les environs des forêts de chasse. En général ce sont des groupes de chasseurs de 10 à 15 personnes, qui seraient heureux d'abattre une vingtaine de sangliers. Dans les années 80, l'ONAT avait reçu, en une année 340 chasseurs, répartis en groupe de 20 personnes. L'Algérie est en mesure aujourd'hui de recevoir 3.000 chasseurs sur l'année, soit 250 groupes répartis sur les forêts de l'Est, du Centre, de l'Ouest et du Sud, les palmeraies d' Ouargla/Touggourt. Donc, un total général, de 260.000 touristes, pour tous les produits cités, en voyages organisés , à recevoir, entre 2024 et 2026, si on se décide sérieusement à relancer notre destination, en faisant appel aux nombreuses compétences marginalisées, ici et parmi la diaspora. L'économie du tourisme est basée sur des services, il lui faut impérativement, à tous les niveaux, un personnel formé et qualifié. Aurions-nous toujours des appréhensions à recevoir des touristes étrangers? Et nous complaire dans notre peu reluisante dernière place depuis plus de 30 ans dans le pourtour méditerranéen, sur 22 pays. Ces 260.000 touristes, ne sont qu'une projection chiffrée. Si nous les recevrions dans de bonnes conditions, nous quitterons cette place peu envieuse de lanterne rouge.

LE CONSEIL NATIONAL DU TOURISME

Sa réanimation en 2021 est applaudie, autant par l'administration centrale que par les opérateurs en tourisme, les partenaires sociaux. Mais ce CNT installé par le Premier ministre Ali Benflis en 2003, ne s'est jamais réuni 2 fois par an, à ce jour. En 2021, on a rajouté à leur demande les ministères de la Culture et de l'Environnement ! Le comble, ils ne figuraient pas en 2003. En octobre 2021, sa première réunion allait se tenir à Annaba, sous la présidence du Premier ministre actuel, elle fut annulée la veille parce que la visite prévue du complexe d'El Hadjar fut reportée ! A notre avis, ce CNT ne se réunira jamais dans sa lourde composante de 17 ministres, un mini-gouvernement pour un secteur économique important du tourisme mais peu considéré par les pouvoirs publics. Il faudrait le faire dissoudre et le faire remplacer par un Comité interministériel, moins lourd, composé du tourisme, de la culture, de l'environnement, du transport, des affaires étrangères, et de l'intérieur et des collectivités, soit 6 ministères qui se réuniraient tous les 3 mois.

Création d'une agence nationale d'ingénierie touristique (ANIT)

Il serait temps de créer une Agence nationale de l'ingénierie touristique (ANIT), rattachée directement au Premier ministre. Elle s'occupera à analyser et synthétiser les rapports d'activités des DTA. Préparer et fournir les documents au comité interministériel pour ses réunions périodiques. Elle devrait également reprendre le SDAT (Schéma directeur d'aménagement touristique). Le faire actualiser pour sa mise à jour. Notamment au niveau des chiffres et des projections. Et en faire une synthèse pour le CNT. Mais avant, ce SDAT devra être repris, le faire approuver par un texte de loi, puis un autre texte pour son application, enfin, le budgétiser. Car c'est une véritable boussole, un phare éclairant, que l'on attendait depuis plus d'un quart de siècle ! Avant, on naviguait à vue entre 1988 et 2008, année de la publication du SDAT, 250 pages. Ce précieux document est le meilleur depuis la charte du tourisme établie en 1966.

Les directions de tourisme de wilayas, peu de promotion

Depuis leur création en 1995, elles ne font pas la promotion de leurs wilayas, par les médias, presse, TV, faute de budget de promotion attribué.

Alors, comment inciter les nationaux à venir visiter et connaître leurs wilayas et régions. Nous sommes désolés de souligner que nos DTA sont les seules, au niveau méditerranéen, sur 22 pays, à ne pas faire la promotion de leurs destinations respectives. A part quelques dépliants, posters, plus ou moins bien faits, selon le «savoir-faire» des «agences de communication».

En effet, la majorité des 58 DTA ne possèdent pas de portails promotion tourisme, les rares qui le possèdent, il est indigent, pas attractif. Ni actualisé. Deux ou trois qui viennent de créer en 2023, un site Visit Algeria, par maladresse et incompétence en marketing touristique, l'ont établi seulement en arabe et en anglais. Excluant de facto les marchés potentiels touristiques francophones, Suisse, Belgique, France, Québec, qui représentent 70% des touristes reçus par le passé.

Tourisme réceptif international, très peu de touristes reçus depuis 1970

Il faut souligner que l'Algérie a reçu moins de 500.000 vrais touristes depuis 1970, soit un demi-siècle. En effet, moins d'un demi-million de visiteurs, dans le cadre du tour-opérating, le monde des voyages organisés, à partir de l'étranger par les agences touristiques vers notre pays. Des forfaits/packages touristiques, circuits, expéditions, séjours, payés en devises. L'Algérie touristique demeure une terra incognita, une terre méconnue, car absente sur la carte touristique mondiale depuis plus de trente ans. Il est admis que sur le 1 milliard 400 millions de touristes recensés par l'Oganisation mondiale du tourisme en 2019, avant le Covid, 70% ne sont pas cultivés et peu connaissent la géographie du monde. Notamment les Américains.

Depuis 1992, plus de 30 ans, les flux touristiques faibles ont baissé pour devenir insignifiants. Durant cette longue période, la destination Algérie n'a pas reçu plus de 60.000 touristes étrangers, soit 2.000 par an, via le tour-operating, dans le monde, Europe, USA, Asie, Australie, des tour-operators qui publiaient les programmes touristiques de l'ONAT et des ATV, notamment celles du Grand Sud, Hoggar et Tassili. Et de la Saoura, Adrar/Timimoun. Les Australiens et Américains venaient pour des circuits culturels/archéologiques, saint Augustin et les nombreux vestiges romains, Tipasa, Djemila/Sétif, Timgad/Batna, Hippone/Annaba, Madaure/Mdaourouch, Taghaste/Souk Ahras, Théveste/Tébessa.

Les Japonais et Chinois pour les peintures et gravures rupestres du Tassili N'ajjer.

Et c'est le tour-operating qui détermine si une destination est prisée, affirmée, attractive. Ce ne sont pas les entrées aux frontières, sources de la PAF/DGSN, qui englobent les Subsahariens, les Chinois, Turcs, Syriens, Tunisiens, nationaux résidant à l'étranger qui déterminent la bonne santé d'une destination.

L'approche canadienne est plus pragmatique et réaliste. Elle se base sur les arrivées aux hôtels et sur les nuitées engendrées. Dans cette optique, la SIH, HTT et ses EGT devraient mettre en place un canevas de saisies de statistiques touristiques, au niveau des hôtels, sous leur tutelle. Nombre par nationalité, hommes d'affaires, touristes de circuits, long séjour, week-end, une nuitée. Il est à souligner que ce travail se faisait convenablement et régulièrement par Altour et l'ONAT, de 1975 jusqu'en 1991. Sans ces statistiques établies par SIH, HTT, EGT, ONAT, TVA, FNH, DTA/ATV..., nous resterons dans la situation de non visibilité et de non lisibilité. Et par conséquent, aucune projection ne pourrait se faire, afin de relancer correctement, au moment opportun, le tourisme réceptif international.

Procédure de délivrance de visas aux touristes potentiels

Si on veut absolument relancer la destination Algérie, il faudrait revoir et alléger la procédure bureaucratique, lourde, longue, aléatoire, mise en place en 2011, avec le concours de la DG Tourisme du MTA !

Qui est dissuasive à souhait, décourageante, pour certains touristes, qui ne sont pas venus chez nous, mais malheureusement partis ailleurs. Et ce sont également les échos des tour-opérateurs étrangers qui se posaient la question : «L'Algérie veut-elle réellement recevoir des touristes» ?

Cette maladroite, voire aberrante décision, arrêtée conjointement par les AE, les Services de sécurité et le MTA, est celle-ci, toujours en vigueur.

Le partenaire étranger transmet, trois semaines à un mois, à son partenaire algérien la liste nominative de ses touristes, avec toutes les informations demandées. Noms, prénoms, lieu et date de naissance, nationalité, fonction, N° de passeport..., jours d'arrivée/départ.

Commence alors une véritable expédition bureaucratique, inutile, l'ATV algérienne devra la faire viser par la DTA locale, les services de sécurité, les trois corps, surtout pour le Grand Sud, Hoggar et Tassili, Donc, 4 visas, signatures, cachets. Quant un ou deux responsables désignés sont absents, en mission, maladie, il faudrait attendre leur retour. Puis transmettre cette liste nominative, au MTA, dont le DG tourisme doit la viser à son tour, puis la transmettre aux services des AE. Qui, enfin, la visera et la transmettra à son consulat pour délivrance des visas demandés. Soit six signatures pour recevoir des touristes ! Alors qu'une procédure simple, souple, pourrait combattre cette effarante bureaucratie. Celle que je propose :

A-Entre l'ATV étrangère et l'ATV algérienne, il y a une convention de collaboration, qui est ou qui doit être arrêtée. Elle comprend, en annexe, toutes les infos nécessaires. Les programmes touristiques prévus avec les villes et sites à visiter, les dates et périodes, à travers un calendrier, les groupes prévus, 10 à 15 personnes pour les expéditions dans le Grand Sud, 30 à 50 personnes pour circuits en bus.

B-Cette convention signée entre les deux ATV partenaires, entre deux et six mois, est déposée dans les mêmes délais, à l'avance, au consulat concerné. Avec copies aux AE, MTA, DTA, services de sécurité, juste pour information.

C-Deux à trois semaines, parfois un mois, la liste nominative des touristes, pour l'obtention des visas, est déposée au consulat, selon les termes de la convention, et en conformité avec son contenu. Par exemple, circuit des Oasis, 7 nuits, 8 jours, groupe de 40 personnes, dates arrivée/départ. Villes de passage prévues dans l'annexe du contrat, Alger-Bou Saada, Biskra-El Oued- Touggourt-Ouargla-Ghardaïa-Laghouat, Bou-Saada-Alger. Avec les dates de passage dans les hôtels par ville/wilaya.

A suivre

*Président du Snat, syndicat national des agences de tourisme - Expert international afest/amforht