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Un processus d'intégration des compétences...: Clé d'une réforme majeure dans la fonction publique (Suite)

par Noureddine Mebarki*

Après la recherche, le recrutement et la sélection des meilleurs candidats des futurs fonctionnaires publics, l'administration doit faire face à une deuxième étape plus difficile que la première (recrutement), C'est une étape cruciale qui détermine le parcours du nouveau recruté ainsi que son engagement et son attachement. Afin de réussir cette mission d'intégration, il y a lieu d'élaborer un programme et toute une stratégie. Certes l'attractivité et la fidélisation des personnes compétentes n'est pas une action facile à réaliser mais elle n'est pas impossible. A cet effet, nous poursuivrons, dans cette partie, l'étude de la phase d'intégration à travers trois éléments : les objectifs de l'intégration, les pratiques de l'intégration et la fidélisation des compétences.

Les objectifs de l'intégration

L'objectif de la phase d'accueil et d'intégration est de susciter l'attachement et l'engagement des fonctionnaires envers leur administration en les rassurant et en les confortant :

- Rassurer : le nouvel arrivant s'engage dans un environnement nouveau afin de relever un nouveau défi professionnel. même s'il a reçu une description de fonction détaillée de son emploi, il ne connaît pas l'environnement relationnel dans lequel il arrive, il peut avoir besoin d'être rassurer ;

- Conforter : puisque le nouvel arrivant a accepté de rejoindre l'administration sur la base de ce qui lui a été présenté lors du recrutement. Il ne saura qu'après plusieurs jours ou même plusieurs semaines si sa décision a été bonne.

Le premier rôle de l'intégration est de supprimer les doutes qui pourraient subsister après l'embauche grâce à un accueil personnalisé mémorable. Tant que le nouveau recruté n'est pas à l'aise (rassuré) et sûr de sa décision (conforté), il ne sera pas dans les meilleures conditions possibles pour s'impliquer dans son service (administration) et s'engager dans sa fonction (1). Alors, une intégration soignée augmentera nécessairement les chances de l'administration de voir le nouveau recruté rester.

La phase d'intégration doit permettre d'expliciter les règles de fonctionnement de l'administration, qu'elles soient relatives à la promotion, à l'accès à la formation, au développement des compétences ou à la gestion des carrières. La personne à fidéliser est celle qui prend en main sa carrière pour développer ses compétences au fur et à mesure de ses besoins et non celle qui attend d'avoir atteint le délai requis sans faire de vagues (2). Une intégration réussie offre de nombreux avantages.

D'une manière générale, les conditions de succès de l'accueil et l'intégration :

? Préparer l'arrivée des recrues ;

? S'assurer du bon déroulement des premiers jours, notamment de la première journée ;

? Sensibiliser le supérieur immédiat à l'importance de son rôle ;

? Mettre en place un programme d'accueil structuré ;

? Encourager le nouvel arrivant à être proactif.

Choisir le meilleur candidat ou le plus motivé à s'investir dans l'administration ne suffit pas si les pratiques de cette dernière ne suscitent pas sa motivation. Si le nouvel arrivant est accueilli dans la plus complète indifférence, les efforts déployés par l'administration tombent à l'eau. Pour éviter cela, le nouveau recruté doit être considéré comme quelqu'un qui a librement choisi de confier son avenir professionnel à l'administration et pas un vague candidat à qui on avait fait une faveur en le recrutant. La mise en place d'une stratégie d'accueil et d'intégration a généralement un impact important sur la durée et l'engagement du nouveau recruté au sein de l'administration ainsi que sur sa mobilisation et sa motivation (3). L'accueil et l'intégration des nouvelles recrues et/ou nommées au poste est primordiale, et a une influence directe sur la rétention et la fidélisation.

Les pratiques d'intégration

S'adapter à une fonction dans un collectif de travail ne va pas de soi, même dans les meilleures conditions. Délivrer un livret d'accueil ne suffit pas, il faut aussi donner les clés de l'organisation et assurer un accompagnement personnalisé pour apprendre à s'en servir et à se considérer comme faisant partie d'une communauté partageant les mêmes objectifs. Les pratiques d'intégration varient d'une administration et d'une organisation à l'autre, en fonction de leur taille et de leur culture.

A ce titre, trois pratiques peuvent être envisagées. Ces pratiques peuvent être inscrites dans deux grandes familles : pratiques de socialisation et pratiques de ritualisation.

Intégration individuelle :

Le processus d'intégration se fait au cas par cas et le plus souvent de façon informelle. Le nouvel arrivant est directement intégré à son équipe de travail sans planning précis, la qualité de l'intégration dépendant directement des capacités pédagogiques de la personne chargée de le recevoir et de la disponibilité de ses collègues. A cet effet, le nouvel arrivant doit d'abord se familiariser avec son travail et avec le fonctionnement de l'administration (service), puis prendre connaissance des responsabilités qui lui incombent en vue de produire une bonne performance (4).

Intégration collective :

Accueil personnalisé ne signifie pas forcément accueil individuel. L'intégration en groupe est plus efficace pour la satisfaction et l'engagement du nouveau collaborateur, mais aussi pour limiter son stress, lors de ses premiers pas dans un nouvel environnement. Le fonctionnaire est intégré collectivement et fait donc déjà partie d'un groupe : celle des nouveaux avec lesquels il tissera un premier lien (5). L'individu cherche de l'information à propos du groupe, de ses membres, des rôles qu'il pourrait y jouer et des contributions qu'il pourrait apporter. De leur côté, les membres du groupe cherchent des renseignements sur l'individu, sur sa personnalité, son histoire personnelle, ses qualités, les ressources dont il dispose, etc. Lorsque les deux parties estiment qu'il serait intéressant d'établir la relation, l'individu est alors admis dans le groupe (6).

Le questionnaire d'Intégration :

Le questionnaire d'intégration est l'occasion pour le responsable d'écouter et de mesurer le niveau de satisfaction et d'attachement du nouvel arrivant. Ce questionnaire est le point d'orgue d'un programme d'intégration réussi qui a atteint son objectif, à savoir : l'attachement durable du fonctionnaire à son administration qui a su le conforter dans sa décision de venir la rejoindre (à travers le recrutement). Il (le questionnaire) doit être présenté au nouvel arrivant en lui précisant qu'il reste libre de répondre à tout ou partie de ces questions. À lui de prendre l'initiative d'y répondre ou non.

 Vu que le Rituel est une séquence d'activités mise en place par une personne ou un groupe dans le but d'obtenir d'autrui des réponses. On a inscrit le questionnaire parmi les actions du rituel. Exemple de rituels : cérémonie d'accueil organisée, réunions, assemblée, entretiens,...etc.

Le premier objectif du questionnaire d'intégration est d'obtenir des informations qui permettraient d'identifier de nouveaux candidats et d'assurer un « benchmark » de vos pratiques de recrutement. Le deuxième objectif est de souligner certains concepts importants que les responsables et les managers devraient prendre en compte de façon à créer un programme d'intégration efficace. Le troisième est de cerner la motivation du nouveau fonctionnaire à avoir une première approche constructive de son recrutement et de mesurer ses capacités d'initiative s'il participe au recrutement des personnes de son entourage ou d'anciens collègues.

La fidélisation des compétences

Que ce soit une nouvelle recrue ou un fonctionnaire qui vient d'être désigné pour occuper un poste et/ou une fonction, la fidélisation des compétences dans l'administration publique, en vertu de la loi de la fonction publique n'est pas aussi simple et facile. La fidélisation des fonctionnaires publics représente un enjeu important pour l'administration publique. Cette dernière est connue pour ses diverses activités et son environnement de travail changeant et instable qui se développe et évolue d'une façon accélérée suivant le rythme de développement technologique.

 Si on veut donner une définition de la notion de fidélisation des fonctionnaires, c'est tout simplement «un ensemble de méthodes et mesures prises par l'administration permettant de stopper ou réduire les départs et donc la fuite des compétences ».

Il existe quatre pré-requis pour initier le processus de fidélisation :

? La cohérence : c'est l'implication de la personne à son travail et son environnement professionnel. Comment une personne peut-elle s'impliquer si elle ne comprend pas sa situation, ce qu'elle fait, quelle importance a son travail pour son administration ou ses collègues, bref de ne pas pouvoir donner un sens à son travail.

? La réciprocité : c'est un état d'un sentiment, d'une relation réciproque. Comment une personne peut s'impliquer dans une administration si ce sentiment n'est pas réciproque? Il ne s'agit pas forcément de la politique de rémunération ou d'avantages pécuniaires, mais plutôt de tous ces petits signaux qui témoignent de l'intérêt de l'administration pour la personne, et pour le travail qu'elle réalise. La reconnaissance, la prise en compte des attentes, la pertinence d'un feed-back contribuent à ce sentiment de réciprocité. L'absence de reconnaissance, fut-elle symbolique, est source de difficultés importantes de n'importe quel salarié.

? la motivation : le concept de motivation représente le construit hypothétique utilisé afin de décrire les forces internes et/ou externes produisant le déclenchement, la direction, l'intensité et la persistance du comportement.

? L'appropriation : c'est le fait que la personne s'adapte à son administration et la considérer un peu comme la sienne. L'appropriation renvoie au processus d'identification de la personne à son travail, dans son service, dans son bureau afin de réaliser ses objectifs.

L'administration publique doit instaurer et initier une culture de fidélisation. Cette dernière repose sur quatre actions :

- Améliorer l'attachement

- Encourager l'engagement

- Clarifier les règles de jeu

- Evoluer la culture de l'administration

L'administration publique est dans l'obligation de fidéliser ses fonctionnaires afin d'éviter la fuite des compétences qu'elle a longtemps et durement recherchés. Cela ressemble fort à une absence de retour sur investissement. Vu que le recrutement est compliqué notamment sur les compétences et coûte cher. C?est un véritable investissement pour l'administration qu'il s'agira de rentabiliser par un bon processus de fidélisation.

Le rythme d'intégration est variable d'une personne à une autre. L'intégration d'une personne nouvellement arrivée souvent peut prendre plus de temps car cette personne doit apprendre et comprendre comment fonctionne son environnement de travail mais aussi son environnement social. A partir de ce point, dans la prochaine partie nous examinerons les conditions internes de la Fonction publique et leur rôle dans la fidélisation des compétences et la réussite de l'intégration.

*Fonctionnaire d'Etat

Références utilisées :

1) Benjamin Chaminade, Attirer et fidéliser les bonnes compétences, France.

2) collectif EPBI, Guide pratique pour la gestion des ressources humaines, Algérie.

3) Caroline Aubé et Autres, Psychologie et management, Québec.

4) Benchmark : un ensemble d'actions qui consiste à évaluer et analyser les méthodes t techniques de gestion. D'autre manière, le Benchmark est un processus d'évaluation et d'analyse.

5) Fabien Fenouillet et Alain Lieury, Mécanismes cognitifs ; motivation et mémoire, in Montagner, H. (ed.) L'enfant : la vraie question de l¹école, Odile Jacob.

6) Annie Cornet et Philipe Warland, La gestion de la diversité des ressources humaines dans les entreprises et les organisations, Belgique.