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La faim dans le monde: Conscience et volonté humaines mises à rude épreuve

par Mohamed Khiati*

A l'instar des autres nations, l'Algérie célèbre le 16 octobre 2022, la Journée mondiale de l'alimentation, sous le thème retenu par la FAO : « Ne laisser personne de côté. Amélioration de la production, de la nutrition, de l'environnement et des conditions de vie ». L'objectif essentiel de cet évènement planétaire est de sensibiliser l'opinion publique aux problèmes de la faim et de la malnutrition et de mobiliser l'ensemble des secteurs d'activités et la société civile pour lutter contre ces fléaux redoutables pour l'humanité toute entière.

Pour l'histoire, le 16 octobre 2022 coïncide avec le 78ème anniversaire de la fondation de la FAO, au Québec (Canada), la ville qui a vu naître l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture en 1945, là où, jusqu'à l'heure actuelle, la plaque apposée au mur centenaire du célèbre château Frontenac, au centre de la ville, commémore cet événement.

Sur l'écriteau peut-on lire : « Ici, le 16 octobre 1945, dans le cadre des Nations unies, les délégués de 44 nations fondèrent l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture. C'était la première fois que des nations se groupaient pour tenter d'améliorer la production et de mieux répartir la distribution des produits agricoles, afin d'élever le niveau de l'alimentation ». A l'époque, après la guerre, après la peur, le désastre et la famine, il fallait nourrir le monde. Chose faite mais peu atteinte.

Aussi, le thème retenu pour la JMA de cette année n'est pas fortuit car, en dépit des progrès accomplis pour la construction d'un monde meilleur, des millions de personnes à travers le monde ne peuvent pas encore se permettre une alimentation saine et restent soumises au risque de l'insécurité alimentaire. « Mais éradiquer la faim et la malnutrition n'est pas seulement une question d'approvisionnement. Aujourd'hui, on produit suffisamment de nourriture pour nourrir tous les habitants de la planète », note la FAO, l'Organisation des Nations unies, spécialisée dans le domaine de l'alimentation et l'agriculture, dans sa brochure éditée à l'occasion de la JMA-2022.

Dans la foulée, la FAO mentionne par ailleurs que « le problème est l'accès à des aliments nutritifs et leur disponibilité, qui sont de plus en plus entravés par toute une série de défis, comme la pandémie de Covid-19, les conflits, le changement climatique, les inégalités, la hausse des prix et les tensions internationales. Les populations du monde subissent (alors) l'effet domino de ces défis qui ne connaissent pas de frontières ».

À l'échelle mondiale, note l'organisation, quelque 75% des personnes en situation de pauvreté et d'insécurité alimentaire dépendent de l'agriculture et des ressources naturelles pour leur subsistance. Ce sont ces personnes qui sont généralement touchées par les catastrophes naturelles et anthropiques. Pour elles, accéder aux formations, aux financements, à l'innovation et aux technologies est un combat.

Aujourd'hui, la faim et la malnutrition sont des fléaux dont souffre encore une grande partie de l'humanité et cela se passe à une époque où l'homme se lance à la conquête de l'espace, où il enrichit chaque jour ses connaissances et accroît son pouvoir sur la nature grâce à un progrès scientifique fulgurant. N'est-il pas alors scandaleux que tant d'êtres humains continuent à vivre dans des conditions intolérables. On dirait alors qu'aveuglé par sa soif de découvertes de mondes nouveaux, l'homme a oublié la véritable finalité de toute recherche et de tout effort scientifique : l'amélioration de la condition humaine et le bien-être de tous.

L'Algérie, membre de la communauté internationale, a pris garde et conscience en s'occupant et se préoccupant de la problématique de la lutte contre la faim, la malnutrition et la pauvreté, à travers la mise en œuvre de programmes et projets de développement économique et social, fondés sur une vision et une action opérationnelles pleinement soutenues dont les retombées sont perceptibles, à tout égard. Elle a déjà fait sienne de cette problématique, en ce sens qu'elle a exprimé, à plusieurs reprises, dans le concert des nations, l'importance cruciale que représente le développement du secteur agricole et rural dans la promotion économique et social des pays.

Ainsi donc et globalement, la lutte contre la faim et la malnutrition suppose, in fine, l'idée d'atteindre la sécurité alimentaire et répondre aux besoins de la population, à travers des systèmes alimentaires adaptés et pleinement raisonnés. Cette affirmation renvoie toutefois à décortiquer dans leurs « entrailles », les diverses acceptions formulées pour la notion sécurité alimentaire, un terme ayant pris de nombreuses significations et le consensus par rapport à cette notion n'a pas été vraiment et définitivement établi. Voyons donc certaines des acceptions décrites en la matière, à l'échelle mondiale.

Sécurité alimentaire : diverses acceptions

Selon le Comité de la sécurité alimentaire mondiale relevant des Nations unies, le concept de sécurité alimentaire est apparu dans les années 70, dans un contexte caractérisé par la flambée des prix des céréales sur les marchés mondiaux et lié à une succession de mauvaises récoltes, de diminution des stocks et de la hausse des prix du pétrole.

À l'époque, de nombreuses régions du monde souffraient d'insuffisance de production alimentaire pour nourrir leurs populations. Elles étaient particulièrement vulnérables aux aléas climatiques (sécheresses récurrentes, inondations et déprédations par les criquets pèlerins...).

Déjà dans la lignée des analyses de Thomas Malthus, économiste britannique de l'école classique et célèbre pour sa théorie de la « population stationnaire », fondée sur la « loi des rendements décroissants », les projections de production agricole et de population laissaient craindre un écart croissant qui serait difficile à combler sans un effort important. La définition adoptée par la Conférence mondiale de l'alimentation en 1974 reflète ce contexte. Il s'agit de « disposer à chaque instant, d'un niveau adéquat de produits de base pour satisfaire la progression de la consommation et atténuer les fluctuations de la production et des prix ».

Depuis, de nombreux travaux, en particulier ceux d'Amartya Sen, l'économiste et philosophe indien, spécialiste des problématiques de la pauvreté et du développement, détenteur du prix Nobel d'économie en 1998, pour «sa contribution à l'économie du bien-être», ont montré qu'il ne suffit pas de produire suffisamment de nourriture dans un pays ou une région pour vaincre la faim.

Des pays comme ceux bénéficiant de rentes pétrolières peuvent ne produire que peu de nourriture mais permettre à toute la population de manger en ayant recours aux importations de denrées alimentaires à partir des marchés internationaux. C'est ainsi qu'a été mise en avant, au cours des années 80, la notion d'accès à l'alimentation comme élément déterminant de la sécurité alimentaire.

Amartya Sen a également montré que les situations de famine ne s'expliquent pas forcément par des situations de pénurie alimentaire, mais par de mauvais choix politiques. Son analyse met en évidence les inégalités engendrées par les mécanismes de distribution et les « droits d'accès » à la nourriture.

En 1986, la Banque mondiale dans son rapport « la Pauvreté et la Faim », suggère de donner la priorité à la question de l'accès et donc à la pauvreté pour le concept de sécurité alimentaire. Il s'agit alors de « l'accès par chaque individu, à tout instant, à des ressources alimentaires permettant de mener une vie saine et active ».

En 1996, lors du Sommet mondial de l'alimentation, tenu à Rome, du 13 au 17 novembre, il fut établi que « la sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, la possibilité physique, sociale et économique de se procurer une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins et préférences alimentaires pour mener une vie saine et active ». Il s'agit alors de la définition formelle du concept de sécurité alimentaire selon le Comité de la sécurité alimentaire mondiale qui a été adoptée par un consensus international depuis le Sommet.

En 2012, figurait à l'ordre du jour dudit Comité, une proposition de faire évoluer la définition de la sécurité alimentaire pour lui intégrer la notion de sécurité nutritionnelle. Une telle proposition avait pour but de prendre en compte les acquis des sciences de la nutrition qui montrent que depuis des décennies, la malnutrition, notamment infantile, principale manifestation de l'insécurité alimentaire aujourd'hui, ne résulte pas seulement d'une insuffisance qualitative, voire quantitative de nourriture, mais aussi et souvent d'un état de santé (diarrhées, paludisme, etc.) et de soins insuffisants (par méconnaissance ou incapacité).

La proposition a donc été de parler désormais de « sécurité alimentaire et nutritionnelle », mais même si elle est déjà adoptée par plusieurs pays, elle n'a pas encore fait l'objet d'un consensus international.

Enfin, divers travaux sont en cours pour intégrer, dans la définition de la sécurité alimentaire, des préoccupations de durabilité environnementale et sociale des systèmes alimentaires relatives aux nouvelles pathologies nutritionnelles dites « de pléthore » (obésité et diabète associé, maladies cardiovasculaires, certains cancers, etc.) qui touchent tous les pays du monde. C'est ainsi qu'a été proposée la notion de « sécurité alimentaire et nutritionnelle durable ». Mais cependant, bien que l'on fasse de la sécurité alimentaire, diverses conceptions, à l'échelle mondiale, le résultat réside néanmoins, dans l'option à concrétiser ce concept dans la réalité pour satisfaire les besoins alimentaires des populations, d'une façon durable, étant donné que la faim, en dépit des efforts consentis, demeure de mise dans de nombreux endroits de la planète. D'après les estimations actuelles de la FAO, 3 milliards de personnes, soit 40% de la population mondiale, ne peuvent se permettre une alimentation saine et, en 2020, note le Fonds international du développement agricole (FIDA), 100 millions de personnes supplémentaires ont déjà basculé dans la faim et l'extrême pauvreté en raison de la propagation du Covid-19.

Paradoxalement, mentionne le FIDA, les personnes qui tirent leur subsistance des produits alimentaires et de l'agriculture comptent parmi celles qui courent le plus de risque d'être victimes de la faim. Les petits exploitants agricoles ont beau à produire la plus grande partie des denrées alimentaires dans de nombreux pays, force est de constater que, bien souvent, ces producteurs et leurs familles ne profitent pas de la croissance économique ou des avancées technologiques.

Le fonds international affirme par ailleurs qu'à l'heure actuelle, les systèmes alimentaires ne permettent pas d'assurer à tous une alimentation saine à un coût abordable. Les petits exploitants ont la possibilité d'améliorer la qualité et la teneur en nutriments des denrées qu'ils produisent et d'accroître durablement leur productivité tout en protégeant la planète. À cette fin, ils ont besoin d'aide pour renforcer leur résilience et participer sur un pied d'égalité au développement des filières agricoles.

Au cours de deux ans, l'étendue et la complexité de la pandémie du Covid-19 et ses séquelles, a mis à rude épreuve tous les systèmes de production et d'approvisionnement dans le monde y compris les systèmes agricoles, de telle sorte qu'aucun pays, ni aucune région ne sont épargnés, faisant basculer des dizaines de millions de personnes à la pauvreté, aux affres de la faim, de la malnutrition et de la pauvreté.

Exacerbants, la pauvreté en milieu rural et le dénouement des populations les plus vulnérables démunies des moyens pour l'affronter, la pandémie, les changements climatiques, les catastrophes naturelles, les conflits géopolitiques et la sècheresse ont néanmoins approfondi les inégalités et ont potentiellement perturbé les acquis et les gains de développement de la décennie écoulée.

Les risques d'un nouveau cycle potentiel de crise alimentaire et de récessions économiques constituent un grave obstacle à la réalisation des objectifs de développement durable en particulier à la lutte contre l'insécurité alimentaire en raison des perturbations des chaînes d'approvisionnement.

Il est clair qu'en raison de son rôle dans la politique de lutte contre la faim et la malnutrition, l'agriculture occupe une place prépondérante dans les politiques de développement économique des pays aussi bien développés que ceux en développement. Ainsi, prévenir la sécurité alimentaire, renforcer la résilience des populations rurales et mettre progressivement en place des pratiques agricoles durables et résilientes pour accroître la production alimentaire et sa diversification sont les gages majeurs de toute politique de développement responsable et efficace.

En Algérie, la sécurité alimentaire constitue un axe prioritaire des politiques économiques et sociales adoptées en matière de développement agricole et rural. La prise de conscience nationale est étayée par l'octroi à la question de la sécurité alimentaire nationale, le cachet de souveraineté alimentaire, faisant désormais de cette question un objectif stratégique pour le pays.

Défis à relever et espoir à concrétiser

Aujourd'hui, le défi à relever et l'espoir à concrétiser en matière d'alimentation et de lutte contre la faim et la malnutrition ne sont pas des tâches aisées. Faire en sorte que le présent millénaire soit libéré de la faim suppose que des mesures draconiennes soient prises d'urgence sur de nombreux fronts, non seulement pour nourrir ceux qui ont, mais aussi, pour éliminer les causes sous-jacentes de la faim dans le monde d'une manière rapide, durable et permanente. Aussitôt, le grand enjeu auquel sera confronté le monde de demain, pensons-nous, sera de savoir comment produire plus de nourriture en vue de permettre à la population mondiale toute entière de manger à sa faim et notamment celle la plus pauvre et vulnérable de la planète. Dans de nombreux parterres d'analyses, il est affirmé que la production mondiale permettrait déjà de nourrir toute la planète, si les vivres étaient équitablement répartis. Dans de nombreux pays pauvres, la moyenne énergétique des aliments disponibles est inférieure à 2.100 calories par personne et par jour, alors que dans les pays riches, la moyenne est de 3.200 calories par jour. Dès lors, la sécurité alimentaire devient un sujet de préoccupation mondiale.

Dans ce contexte, des menaces pèsent sur la sécurité alimentaire. Elles sont inhérentes, non seulement aux aléas climatiques et aux catastrophes et calamités naturelles, mais également à des causes plus structurelles telles que l'absence d'un soutien approprié et d'un environnement favorable et propice à l'agriculture, la prévalence de certaines maladies dévastatrices tel que le maladies et pandémies, l'augmentation du nombre de conflits, conjuguée à une mauvaise gouvernance, une gestion économique inappropriée et des difficultés liées au commerce et à l'approvisionnement en denrées alimentaires. Dans ce cadre conceptuel, les répercussions de la famine sont aujourd'hui très connues. La faim abrège la vie et réduit les espoirs individuels, entrave la paix et gâche la prospérité des nations. Des études entreprises à divers endroits de la planète ont montré que la faim et les carences en micronutriments réduisent de 10% les capacités d'apprentissage des enfants et coûtent aux pays en développement quelque 128 milliards de dollars par an, ne serait-ce qu'en perte de productivité.

La faim n'existe pas de façon indépendante; c'est à la fois la cause et la conséquence des autres fléaux qui affligent l'humanité tels que la pauvreté, les guerres, la dégradation de l'environnement, les calamités naturelles et la discrimination. La faim est également liée à d'autres problèmes d'ordre économique et social. Son éradication contribuera pleinement à la réduction et à la suppression de multiples autres causes de souffrances auxquelles sont livrées de nombreuses franges de la population mondiale.

L'Algérie œuvre inlassablement pour sa sécurité alimentaire

D'une manière globale, disons sans précaution oratoire aucune que l'Algérie s'est dotée aujourd'hui d'instruments institutionnels traduits, entre autres, par un recentrage des politiques économiques et sociales, avec une mobilisation accrue des ressources disponibles répondant à la nécessité d'accompagner, dans les meilleures conditions possibles, un processus de mutations fort laborieux qui englobe la société, dans toutes ses dimensions.

Les nombreux acquis obtenus et les programmes et projets de développement engagés ont mis à l'abri les retournements conjoncturels tout en permettant au pays d'accomplir les desseins de sa stratégie de développement multiforme. L'Algérie se pare ainsi de volontés de progrès, de modernité et de puissance, en puisant dans ses valeurs et ses ressources, les moyens de sa résilience et de sa promotion.

Les gisements de croissance et les réserves de productivité existantes sont suffisamment importants et variés pour permettre au pays de redynamiser son économie par une plus grande ouverture aux initiatives et aux alternatives offertes.

Dans le sillage de ce développement conceptuel, Monsieur le président de la République a baptisé l'année 2022, comme étant une année de « l'économie par excellence ». Il ne s'agit nullement de la démonstration spécialisée, mais du langage de bon sens, dans la mesure où aujourd'hui, c'est la « donne » économique qui repositionne les pays dans les concerts des nations. Ses fondamentaux ouvrent la voie à de profondes réformes pour conduire à son échéance, le complexe transitionnel et permettre au pays de faire partie du cercle des économies émergentes, car le pays a toutes les possibilités requises d'évolution.

C'est dans ce cadre, inspirée des fondements innovateurs de l'économie, qu'une nouvelle vision de l'agriculture appuyée par l'action s'est concrétisée.

- Les raisons d'importance de l'agriculture

Il est admis universellement que l'agriculture est la base de la sécurité alimentaire, laquelle dépend parfaitement des politiques agricoles et rurales adoptées traduites par l'exécution de programmes et projets de développement. Aussi, la priorité de l'agriculture vient du fait qu'elle produit des denrées alimentaires, seconde condition indispensable à la survie humaine après l'eau.

L'agriculture est bien évidemment la principale source de revenus et d'emplois en zones rurales, c'est même souvent le principal employeur tous secteurs économiques confondus. La croissance agricole constitue également la principale arme contre la pauvreté en zones rurales et urbaines. La lutte contre la pauvreté est universellement reconnue comme une préoccupation légitime et même une responsabilité à part entière, de toute politique de développement.

Il existe d'autres raisons de placer l'agriculture au centre de la politique économique. Aucun autre secteur n'est autant imbriqué au reste de l'économie. L'agriculture utilise (parfois à l'excès) des ressources cruciales limitées et épuisables, telles que l'eau, le sol et les forêts. Elle n'est pas seulement le principal employeur de la main-d'œuvre nationale, elle joue aussi un rôle important dans l'équilibre de la balance des paiements, la création de richesses et d'opportunités d'exportation.

Mais il existe une raison encore plus fondamentale qui explique la différence de l'agriculture par rapport aux autres secteurs de l'économie. Il est possible de déplacer, plus ou moins facilement, la main-d'œuvre et les capitaux d'une activité industrielle à une autre ou d'une activité de service à une autre et de revenir à la situation d'origine si les circonstances l'exigent. En revanche, une fois que la main-d'œuvre a quitté l'agriculture, faire machine arrière est coûteux et extrêmement difficile.

L'agriculture est une branche économique dont le développement passe nécessairement par l'utilisation de l'ensemble des ingrédients ou « d'inputs » constitués par les éléments d'intendance (les investissements, le financement, les crédits, les prix, les marchés, les soutiens, les mesures incitatives), et le système de connaissance (la formation, la recherche, la vulgarisation, l'appui conseil et quelques autres encore), ayant pour but l'amélioration du savoir, des aptitudes et des pratiques des concernés.

Une combinaison spécifique de ces éléments est primordiale pour amorcer un développement agricole, voire un développement rural harmonieux et durable. Cependant, dans une phase de mutations souscrite dans la sphère de l'économie de marché où les partenaires sont engagés à détenir les principaux ingrédients de développement, les pouvoirs publics sont, dans ce contexte, censés fournir la grande partie, voire la quasi-totalité des instruments de développement de l'agriculture et son soubassement le milieu rural.

Dans ce contexte, le secteur de l'agriculture et du développement rural, en tant que secteur économique de premier plan suggère l'idée de la bonne gouvernance laquelle, dans les entrailles demeure l'un des facteurs essentiels de croissance économique et de promotion sociale.

La bonne gouvernance et le management du secteur agricole et rural constituent un défi majeur de l'Algérie nouvelle, en vue de sa propension à améliorer la participation large, ouverte et inclusive de l'ensemble du corps social, en appui et en accompagnement des efforts des pouvoirs publics dont les retombées seront opportunes et de pleine mesure pour toute la nation.

L'autre défi de grande importance pour l'agriculture de demain sera de garantir la nourriture pour tous et d'une façon équitable, sachant toutefois que la population algérienne continue d'accroître à un certain rythme de croissance de 1,71% (ONS-2020), même si inférieur aux points des années 80 (3,1%). D'après certaines projections, l'Algérie atteindra une population de 51 millions en 2030 et plus de 70 millions d'habitants à l'horizon 2050, c'est dire qu'il y aura plus de personnes à nourrir pour le demi-siècle à venir et au-delà.

Par ailleurs, et en référence à certaines données statistiques relatives à l'emploi agricole, il est utile de noter qu'actuellement le 1/4 des Algériens exercent un travail pour nourrir les 3/4 de la population. Autrement dit, il y a 3 fois plus de bouches à nourrir que de force de travail. Cela signifie que les consommateurs surpassent de loin ceux qui œuvrent dans le domaine de la production alimentaire.

Mais quelle que soit la tendance, l'agriculture restera pour le pays la clé de la prospérité économique et sociale, son développement sera donc le meilleur atout pour satisfaire les besoins alimentaires croissants de la population, améliorer les conditions de vie en milieu rural, créer des richesses, de revenus et d'emplois, réduire la dépendance à l'égard des importations alimentaires et agricoles et promouvoir les créneaux d'exportation.

En bref, il s'agit d'entrevoir les voies et les moyens d'obtenir une sécurité alimentaire durable pour les générations présentes et futures, nourrie de cette idée que l'indépendance réelle des peuples se mesure par leur degré de sécurité alimentaire. Elle est seule et unique référence du reste. Les pays n'atteignant pas cet objectif, se trouvent souvent incapables de lutter contre l'oppression et l'exploitation. Dès lors, la sécurité alimentaire devient un gage de souveraineté nationale et désormais notre conscience et volonté sont mises à rude épreuve.

Les évolutions en matière d'atteinte des objectifs sont indéniables, mesurées par des indicateurs établis qui valent aujourd'hui que le secteur contribue à hauteur de 14,7%, en 2022 et mobilise près de 20% de la population active globale, soit 2,7 millions de personnes. Alors que le taux de couverture des besoins nationaux par production nationale est de 75%.

En 2021, les services du MADR estiment que la valeur de la production était de 3.491,2 milliards de DA générée par les grandes zones agro-écologiques du pays :

- Les zones du littoral et des plaines : 1.318,3 MDA (37,6%)

- Les zones des Hautes plaines: 600,4 MDA, (20,3%) ;

- Les regions du Sud: 837,5 MDA, (23,9%);

- Les zones de montagnes : 665 MDA, (19%).

La production est le fait de 1,274 millions d'exploitations agricoles dont près de 70% ont moins de 10 ha représentant 25% de la surface agricole utile est dont la majorité est de nature familiale.

Aujourd'hui, les pouvoirs publics s'attachent pleinement à développer, d'une manière substantielle, le secteur de l'agriculture en impulsant une certaine dynamique à travers in extenso, la promotion des filières de production, le développement du tissu agroalimentaire, l'impulsion de l'investissement tant étatique que privé, le règlement du foncier agricole, l'intégration de l'innovation et de la numérisation, la promotion des territoires ruraux et des espaces forestiers.

Il est toutefois nécessaire de rappeler que sur le plan alimentaire, le Programme alimentaire mondial (PAM) a déjà mentionné en 2021 que l'Algérie est classée dans la catégorie des pays dont le taux de personnes sous-alimentées est inférieur à 2,5% de la population totale, durant la période 2018-2020. Elle est de ce fait, le seul pays en Afrique à ne pas dépasser ce seuil. De la sorte, l'Algérie est répertoriée dans la même catégorie que la majorité des pays européens, des Etats-Unis, du Canada, de la Chine, de la Russie, du Brésil et de l'Australie, entre autres. C'est dire l'effort consenti en matière de sécurité alimentaire, dans notre pays.

Alors que sur le plan des disponibilités alimentaires globales (production nationale + importations), la ration alimentaire consommée par l'Algérien est de 3.343 calories par jour, dépassant largement les besoins énergétiques recommandés par l'OMS (2.700 calories). De ce fait, l'Algérie est classée dans la catégorie des pays à faible niveau de faim (classement IFPRI), note la Fondation Friedrich Ebert Stiftung (2021).

Par compartiment, « les céréales et le lait, affirment la fondation, occupent une place dominante dans le modèle de consommation des Algériens. Ils constituent avec leurs dérivés l'épine dorsale du système alimentaire ; auxquels il faut ajouter l'huile, le sucre, la pomme de terre, l'oignon, la tomate et l'ail, le tout représente les produits stratégiques qui continuent à être soutenus par l'État ».

Les produits céréaliers occupent le premier rang (39,22%), suivis des produits laitiers (20,6%), le sucre et sucreries (10%) et les huiles et corps gras (10%). Les céréales assurent 59% des apports en calories de la ration et 70% des protéines.

Ces divers facteurs ont influencé directement le modèle alimentaire, lequel a beaucoup évolué et met à présent le pays dans une phase de transition alimentaire.

Enfin, il utile d'affirmer que les résultats enregistrés dans le cadre de la mise en œuvre de politique agricole et rurale menée, expriment des tendances somme toute positive qu'il s'agira de consolider et d'y inscrire dans la durée et qu'en définitive, les challenges de l'agriculture algérienne de demain résident dans sa réponse aux enjeux intérieurs mesurés par la satisfaction des besoins alimentaires de la population, d'une part, et ceux de l'extérieur, en s'adaptant aux normes internationales et s'intégrer aux marchés mondiaux, d'une façon adaptée et intelligente, d'autre part.

Inlassablement, la Journée mondiale de l'alimentation est venue, cette année 2022, une fois de plus, stimuler les consciences et offrir l'occasion d'attirer l'attention sur les souffrances de presque un milliard de personnes sous-alimentées que compte la planète. La plupart d'entre elles vivent en milieu rural ou le secteur agricole constitue la principale source de revenus. Les progrès vers la réalisation de l'objectif du sommet mondial de l'alimentation sont certes des besognes fastidieuses qui nécessitent d'énormes investissements moraux et physiques, mais y penser, c'est déjà agir, dit-on.

A l'heure actuelle, il n'est pas impensable d'espérer qu'un monde libéré de la faim sera aussi un monde sans extrême pauvreté, un monde sans les signes d'extrêmes de richesses, reflets d'inégalité cruelle de la répartition des vivres, un monde sans guerre et sans conflits et un monde qui ne connaît pas une dégradation généralisée de l'environnement.

En définitive, disons qu'atteindre l'objectif qui réside en la nourriture pour tous exige une mobilisation et une alliance mondiale contre la faim, la malnutrition et la pauvreté. Ainsi atteindre l'objectif qui réside en la nourriture pour tous exige une mobilisation mondiale et une alliance internationale plus entreprenante contre la faim et la malnutrition. Fiat Panis, le leitmotiv de la FAO, prend ainsi, toute sa signification singulière. Désormais, la conscience et la volonté humaines sont mises à rude épreuve et y penser, c'est déjà agir.

*Agronome universitaire, Post-universitaire.

Sources:

- FAO-JMA, 1986 à 2018, 2019, 2020, 2021, 2022.

- FAO. Situation Mondiale de l'Alimentation et de l'Agriculture 1996, 1997, 2021.

- Rapports Banque Mondiale sur le développement, 2000.

- FIDA.- Séance interactive avec les gouverneurs du FIDA, introduction du Thème : « Combler le déficit d'investissement dans le domaine du développement rural, condition indispensable à la résilience mondiale après la Covid-19 ». 44ème session du Conseil des Gouverneurs du FIDA, 18 février 2021.

- Café économique de la Fondation Friedrich Ebert a été consacré à la présentation de L'étude : « Le développement durable en Algérie », exposé de Karim Tedjani, 2021.