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Agriculture algérienne : défi et enjeux !

par Mankour Mamaar*

Aussi, en ma qualité d'ingénieur agronome ayant accompli plusieurs missions publiques dans le secteur agricole ainsi que mon humble expérience parlementaire puisqu'ayant été député pendant trois législatures. J'ai alors suivi de près les différentes réformes agraires engagées depuis l'avènement de la loi 87/19 du 08/12/1987 relative à la restructuration agricole jusqu'à la dernière réforme de 2010 relative à la gestion du patrimoine agricole privé de l'Etat sous la forme de concession.

A ce titre, quelle que soit la qualité de ces réformes, le secteur agricole doit préserver son privilège de secteur stratégique puisque chargé d'assurer à la population algérienne la couverture des besoins en produits agricoles stratégiques tels que : blé, pomme de terre, viandes, lait, etc. Partant de cette vision il appartient à la collégialité gouvernementale de considérer ce secteur comme gérant de la sécurité alimentaire en impliquant de près des secteurs partenaires comme l'hydraulique, les travaux publics, l'énergie et les finances.

Les objectifs de production agricole nationale à prévoir annuellement sont étroitement liés à la crédibilité des statistiques agricoles et il convient à mon avis au départ de veiller à l'exactitude des chiffres à communiquer afin de ne pas fausser la planification en matière de besoins prioritaires, surtout lorsqu'il s'agit d'objectifs d'importation au moment où il nous appartient de faire preuve d'austérité et de lutte contre les déperditions et les gaspillages familiaux.

La stratégie d'intensification agricole doit impérativement reposer sur une orientation fiable des programmes engagés annuellement pour une prise en charge effective des moyens et facteurs de production de manière réfléchie dans le temps et dans l'espace, les grandes campagnes agricoles doivent être menées avec rigueur sur le terrain et non à partir des bureaux et c'est là que doivent s'exprimer pleinement la valeur de l'encadrement technique et les effets réels de la vulgarisation agricole. Le potentiel agricole relativement riche en Algérie est celui qui englobe les 2.5 millions d'ha autrefois appartenus aux colons et autogérés après l'indépendance, l'épreuve l'intensification agricole et la réussite de la bataille de la production se jouent incontestablement dans cet espace, les initiatives de mise en valeur souvent trop médiatisées n'ont qu'un effet de subsistance locale. L'action d'intensification agricole et l'amélioration effective des rendements agricoles s'apparentent donc aux 2.5 millions d'ha de terres privées de l'Etat qui sont malheureusement sous-exploitées en raison de main-d'œuvre incompétente, vieille et surtout sans moyens financiers propres souvent endettée par les banques.

Dans ce contexte, la loi de 2010 sur les concessions agricoles a prévu en alternative la possibilité de cessibilité des droits de concession (article 13) et à moindre degré la possibilité du partenariat entre nationaux (article 21), cette issue est à notre sens l'unique possibilité qui peut engager une dynamique nouvelle à énergie humaine jeune, compétente et surtout possédant des moyens de financement propre capable de satisfaire la demande du cahier de charges agricole national et atténuer sérieusement la charge de l'importation en produits agricoles et notamment le blé.

Il reste entendu maintenant que les textes d'application relatifs à l'opération de cessibilité des droits de concession non encore parus constituent un sérieux frein à cette vision ambitieuse, leur parution dans les meilleurs délais créera sans doute une plus-value certaine dans la production nationale; la naissance à ce titre d'un marché foncier agricole est aujourd'hui plus que nécessaire. L'ouverture du marché national eu égard économique où le propriétaire doit être considéré comme un investisseur potentiel. Il fait souligner ici et avec courage que certaines structures et responsables personnels aux dépens de la collectivité malhonnêtement fondée et sur des intérêts historiques n'ont pas leur place eu égard à la menace de la mondialisation qui nous impose une concurrence honnête et loyale à fortiori dans le secteur agricole qui doit jouer un rôle déterminant dans l'amélioration de la trésorerie publique notamment par le rabattement significatif des budgets devises alloués aux importations des céréales, au lait en poudre et des diverses semences agricoles et pesticides, etc.

Par ailleurs, l'agriculture saharienne en développement ces dernières années commence à prendre une place privilégiée dans la dynamique de relève pétrolière, le développement de ce type d'agriculture à manipulation sensible doit être raisonné avec prudence technique et scientifique ceci parce que les sols sahariens à texture légère à l'inverse des sols du Nord libèrent facilement leur potentiel fertilisant, de ce fait une régénération de ce potentiel fertilisant doit éveiller la vigilance permanente des investisseurs agricoles au risque que ces terres à texture légère sur lesquelles sont fondés nos espoirs deviennent subitement stériles.

C'est là toute la question qui doit interpeller nos techniques sur le terrain des wilayate du Sud, à l'exemple de Ouargla, El Oued, Adrar, Biskra, etc. La question du soutien financier agricole constitue dans la stratégie de développement l'axe fondamental qui encourage l'initiative en matière d'innovation agricole. Ce soutien doit concerner les productions agricoles stratégiques, notamment celles qui garantissent notre indépendance alimentaire. Il fait souligner ici que les budgets alloués en matière de soutien par le Trésor au secteur agricole restent faibles tout comme il faut le rappeler que ces allocations budgétaires constituent des « miettes » en comparaison à celles octroyées aux entreprises publiques dans le cadre du programme de réhabilitation. Les pays en effet qui ont réussi les défis agricoles, n'ont épargné aucun effort pour valoriser le soutien financier agricole, à chaque pour les responsables locaux d'en assurer son orientation et sa mise en pratique juste et raisonnée.

Les pays qui ont réussi les intensifications agricoles dont les USA en tête n'ont pas hésité à considérer l'agriculture comme le secteur clé de l'économie. L'arme alimentaire est de nos jours une forme nouvelle de colonisation déguisée.

Le critère d'encadrement technique a son importance dans le schéma global du développement. Les techniques au niveau des DSA par exemple sont absentes du terrain par manque de moyens. Il devient alors urgent de penser à équiper les directions de l'agriculture de moyens de locomotion et de travail adaptés qui puissent leur permettre d'assurer un suivi permanent des différentes campagnes agricoles qu'elles soient végétales ou animales. Par ailleurs, il faut souligner l'apport insuffisant des instituts techniques qui environnent le secteur que ce soit en matière de soutien technique d'orientation ou de vulgarisation.

*Ingénieur agronome d'Etat - Ancien député