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L'Algérie, neutre ou alignée, peut-elle s'en sortir ? (1)

par Amar Tou

Nous traitons souvent de l'Ouest (l'Occident) comme un ensemble compact, cohérent, solidaire que réunissent des intérêts convergents. La réalité des égoïsmes par Etat ou groupes d'Etats, dans des cas de hautes stratégies, l'emporte froidement sans laisser de place à d'autres sentiments. Deux faits majeurs en constituent une illustration édifiante. L'un est déjà réel et mis en exécution, l'autre est en perspective mais savamment géré par un égoïsme des plus étroits des Etats profonds transcendant les mandats présidentiels des uns et des autres.

Le premier est illustré par l'annulation du faramineux contrat des sous-marins conventionnels que devait fabriquer la France à l'Australie, au profit d'autres sous-marins américains nucléaires que fabriqueront les Américains où le Royaume-Uni a sa part du gâteau et de stratégie. L'opération s'élèverait à quelque 45-60 milliards de dollars voire davantage.(2) Du coup, l'Australie rentre dans le club des pays nucléaires et les Américains serviront leurs calculs géostratégiques dans le cadre de son impératif mondial. Le droit d'autres pays, par le même et flagrant subterfuge, ouvrent droit au même statut. L'Algérie, alors, pourrait en constituer un ; car disposant de sous-marins conventionnels pouvant être rapidement convertissables si les autorités concernées le jugeaient impératif.

Le deuxième fait majeur procède du même égoïsme, mais en sacrifiant, à son profit, l'intérêt des autres membres de la ?'confrérie'' occidentale. Le monde de demain, à plus long terme, dans le domaine des technologies avancées, repose sur les terres rares qui commandent, déjà en notre temps, les industries du son, de l'image, des communications telles les cartes électroniques maitresses de tous usages de téléphones intelligents, de l'imagerie médicale, des mémoires de computers, des radars, des vidéos et d'autres telles premières batteries pour voitures électriques appelées à équiper à partir de 2035, l'essentiel des voitures dans beaucoup de régions du monde.

Le Sahara y compris celui de l'Algérie, du Sahel, avec ses prolongements dans l'océan Atlantique dans la zone économique exclusive du Sahara occidental, recélerait l'essentiel des réserves mondiales des terres rares nécessaires à la production des technologies d'avenir en relation avec les produits suscités.    Le Sahara algérien en comprendrait quelque 20% de ces réserves mondiales de terres rares. (3)

L'égoïsme américain en exclut totalement ses partenaires de l'OTAN et de tout l'Occident. C'est la raison qui expliquerait les différences ou, du moins, les nuances qui caractérisent les positions américaines à l'égard des questions politiques et conflictuelles que vivent la région du Sahel et le Sahara, l'Afrique du Nord, la Méditerranée occidentale et le Sahara occidental où leurs ambigüités paraissent déroutantes; le but stratégique étant toujours d'écarter ces partenaires des avantages à tirer de ces régions.

Cet égoïsme est en train de se rematérialiser dans son image la plus laideuse dans la crise ukrainienne où tous les intérêts de pays de l'Union européenne et du Royaume-Uni paraissent tous être sacrifiés au seul profit des intérêts américains.

Par conséquent,

-. Quelle signification et quels portée et espoir pourrait-on accorder au dialogue algéro-américain dit stratégique, paraissant plutôt tactique ? Même si la bonne tactique sert toujours la bonne stratégie, d'un côté comme de l'autre. Les Américains autant que les Algériens se connaissent suffisamment bien pour bien se comprendre dans ce dialogue, si toutefois il se tenait.

-. Et quel contenu pourrait-on donner au partenariat dit ?'stratégique d'excellence'' qu'a proposé l'Algérie à la Fédération de Russie lors de la visite du chef d'état-major algérien en Russie en juin 2021 et qu'il a renouvelé lors de la visite du vice-ministre russe de la Défense effectuée en Algérie à la fin du mois d'août 2021 ?

Certainement en position plus avancée sur la notion de neutralité ou «non-alignement» classique à enjeux nivelés par le bas, mais dont le plafond du partenariat ?'stratégique d'excellence'' ne peut que rajouter beaucoup de troubles à la méfiance de l'Ouest (l'Occident) quant aux vraies limites des ambitions algériennes. Celles-ci se rapportent à la portée de la puissance militaire de l'Algérie déjà reconnue et à son rôle géostratégique et géopolitique de «stabilisateur» en Méditerranée occidentale, notamment en Afrique du Nord, au Sahel et au Sahara. Des questions complexes auxquelles l'avenir ne tarderait pas de répondre. De grands évènements semblent se précipiter dans l'espace vital de l'Algérie que les plus savantes formulations combinatoires peineraient à intégrer pour s'assurer des meilleurs outputs recherchés pour le bien de l'Algérie.

Devrait-on, alors, considérer que le partenariat stratégique d'excellence est annonciateur d'une rupture avec la neutralité et le non-alignement qui ont toujours caractérisé la politique extérieure de l'Algérie; menaces occidentales obligent ? Mais en dépit de tous les obstacles en matière de transfert de technologies civiles avancées de l'Ouest vers l'Algérie, le pragmatisme recommande de recourir quand elle retournera massivement, à la mise en œuvre de ses grandes ambitions de développement économique en général et industriel en particulier.

A mettre en formulation combinatoire, le projet de partenariat stratégique d'excellence avec la Russie et l'orientation donnée au corps diplomatique algérien réuni à Alger le 8 novembre 2021 pour développer davantage la coopération avec la Russie, la Chine et les Etats-Unis d'Amérique, l'on ne peut comprendre que l'option retenue est celle d'un non-alignement par le haut, devant rompre avec celui pratiqué plutôt par le bas qui a marqué la politique de l'Algérie de toujours, mais qui n'a pas été, sur le plan économique, d'un apport suffisant pour servir l'objectif stratégique d'émergence auquel l'Algérie a toujours aspiré. Le jeu d'équilibre à exécuter ''sur les hauteurs'' pour maximiser les bénéfices à tirer de ce non-alignement par le haut sans ?'vexer'' les protagonistes, exige la perspicacité, la longue expérience, la virtuosité et l'excellence dans la direction de l'orchestre à labéliser pour exécuter minutieusement la partition construite.

Ainsi, l'équation ardue de la voie à suivre entre l'Est et l'Ouest foncièrement antagonistes, se trouverait-elle résolue pour un temps ; même si la parité économie-armement entre l'Est et l'Ouest demeure ambigüe, tant que l'Ouest, sous la houlette des USA, brandit abusivement ses menaces économiques et technologique à l'adresse de la Russie, de la Chine et autres en vertu d'un droit «domestique».

Toutefois les deux Ensembles semblent minutieusement s'accommoder du ?'génial équilibrisme'' que l'Algérie a toujours su exécuter dans un espace qui semble seoir aussi bien à l'Est qu'à l'Ouest.

Les observateurs avertis et les instituts spécialisés s'accordent sur la réalité de la puissance militaire que représente désormais l'Algérie dans la région. Ce qui lui vaut sans conteste la ?'palme'' de puissance militaire régionale: en organisation, en professionnalisation, en armement, en maintenance, en modernisation du matériel militaire lourd, en production actuellement et en perspective et en recherche et développement. Notamment dans le domaine de la guerre électronique, des radars, de la vidéo et des sciences de la guerre de quatrième génération qui l'encercle déjà et dont la cybernétique très menaçante de tous les réseaux numérisés tels l'électricité, le gaz, l'eau, les banques, le CCP, internet, etc. Tout ce qui est sensible et vital.

Cette puissance militaire régionale constitue désormais aussi le bouclier indispensable à la puissance économique régionale à laquelle l'Algérie peine encore à apporter les tout derniers édifices, en raison d'une conjoncture économique défavorable depuis déjà huit ans, mais aussi en raison d'inefficiences économiques multidimensionnelles et de management politique et économique en deçà des minimas requis. C'est une puissance qui exige entretien, renforcement et modernisations permanents.

Le statut de puissance économique régionale sera, alors, acquis aussitôt réalisés les grands projets industriels structurants retenus, les infrastructures portuaires et de chemins de fer en chantier ou à lancer en réalisation dans le cadre de l'ambitieux plan national d'aménagement du territoire en lente exécution, et une fois consolidés tous les bilans et une fois réalisés les objectifs stratégiques en matière agricole et hydraulique tout récemment ciblés et/ou mis en chantier.

Le fouettage et la restructuration du PIB par référence aux expériences relativement réussies en seraient la résultante maximisée attendue.

Les indices probants du renouveau annoncé et le gage du deal socio-économique promis en seraient les contreparties salvatrices. Autrement, ce serait un naufrage collectif que nous écartons de nos hypothèses de travail.

Rien ne devra être laissé au hasard. Rien, non plus, ne devra être sous-estimé ou pris à la légère.

Tout doit être rigoureusement planifié, programmé à échéances impératives aux résultats sûrs, modulées au rythme des impératifs stratégiques liés aux menaces dont il faut maximiser les dangers et rapprocher les échéances. Tout mettre en œuvre pour être un acteur actif dans les géopolitiques et les nouvelles géostratégies régionales et mondiales dont les contours se dessinent avec de plus en plus de précisions inquiétantes.

L'alliance maroco-israélienne sortie, finalement, au grand jour à la fin de 2020 et en 2022 après avoir été discrète pendant longtemps, est de nature à obliger de revoir la distribution de toutes les cartes géopolitiques et géostratégiques de l'Algérie.

Devrait-on, à cet égard, naïvement exclure que les grosses ficelles sont tirées ailleurs dans le cadre d'une guerre froide qui ne dit pas encore son nom alors qu'elle est déjà là ?!

Les dividendes qui reviennent à l'Algérie sans investissement s'expliqueraient par sa position géographique, par sa neutralité (ou non-alignement) dans une géopolitique compliquée y compris vis-à-vis de la question ukrainienne, entre autres. Si militairement, pendant la 2ème guerre mondiale, Russes et Américains étaient du même bord pour l'armement, en négligence du rôle des Européens, toujours ?'imparfaits sous-traitants'' de leur maitre-leader américain dans la compétition frénétique ?'Ouest/Est'' sauf à alimenter les feux de guerre froide qu'attisent inlassablement, Russes et Américains.

La Chine qui n'a pas fait la guerre mondiale, si elle n'avait pas de relations notables avec l'Ouest et vivant en idéologie communiste autarcique, elle était par contre en lutte idéologique fratricide avec l'Union soviétique d'abord et avec la Russie ensuite ; c'est-à-dire en divergence fondamentale sur le plan idéologique, en se disputant le leadership communiste/socialiste. Suivirent de meilleures relations entre Russes et Chinois. Celles-ci changèrent et marquèrent le rapprochement des deux parties depuis l'élection de «Trump» et de Biden à la tête des Etats-Unis d'Amérique, respectivement en 2016 et 2020. La Chine, entre temps, bouscule les USA sur leur fauteuil de première puissance économique mondiale. De son côté, la Russie les bouscule sur le plan des industries de guerre.

D'un discours défensif, la Russie dispute désormais aux USA le premier rang mondial sur le plan des nouvelles technologies militaires au point de les devancer en technologies de guerre électroniques, en guerre d'espace par la mise au point, tout récemment, de sa fusée qu'appréhendait l'Occident, d'une vitesse de six kilomètres par seconde et capable de détruire tous les satellites mis sur orbite, d'espionnage, d'informations, de communication, d'Internet, menaçant les USA particulièrement, de «les ramener à l'ère primaire dans leurs guerres». Le net rapprochement entre la Chine et la Russie en menaçant sérieusement l'Ouest arrangerait profondément les affaires de l'Algérie. Les accords conclus en février 2022 entre les présidents russe et chinois à l'occasion de l'inauguration des Jeux olympiques d'hiver qui se sont déroulés en Chine, bouleversent toutes les données géostratégiques.(4) Ils scellent un partenariat de coopération illimitée. Ils portent, entre autres, sur la vente par la Russie à la Chine de : 100 millions de tonnes de produits pétroliers, de 30 milliards de m3 de gaz.

Ils portent également sur un rapprochement idéologique qui consacre leur opposition affichée aux USA. Et, pour parer à d'autres représailles occidentales, ils engagent sérieusement la recherche d'un substitut au Système de paiements internationaux (SWIFT) que commandent les Américains.

La gêne, dirait-on, qu'avait toujours l'Algérie à traiter avec la Chine parce qu'elle supposait que ceci ?'froisserait'' la Russie son fournisseur stratégique en armement avancé, qui était en désaccord idéologique et d'approche avec elle (avec la Russie), se trouve, de facto, largement levée et les relations russo-algériennes profondément confortées et les relations algéro-chinoises davantage libérées et débarrassées de toutes gênes.

Bousculé par Algérie interposée, l'Occident, n'acceptant pas de laisser les Russes et les Chinois s'accaparer l'exclusivité des avantages éminemment stratégiques que représente l'Algérie sur les plans militaire, sécuritaire et économique et s'investir plus qu'avant dans leurs relations avec l'Algérie dans tous ces domaines et qui leur sont, presque, de tout temps, exclusives ou chasse gardée (équipements ou technologies civiles avancées ou non), en dépit de fortes retentions en amèrement, ressenties par l'Algérie.

Nous sommes, alors, devant un gros dividende que l'Algérie comptabilise à son profit sans avoir mis de parts dans le capital en jeu, en dépit d'une certaine guerre froide non encore déclarée que se livrent déjà l'Est et l'Ouest.

Dans cette géopolitique et devant les retombées encore hypothétiques de l'épineuse crise ukrainienne qui oppose actuellement la Russie à l'Occident, l'Algérie se voit sollicitée par les pays européens pour apporter sa contribution à l'effet d'atténuer leurs désarrois de voir la Russie utiliser politiquement les grosses fournitures aux Européens de son gaz ; alors que ce sont les Occidentaux qui s'organisent pour boycotter les hydrocarbures russes en tant qu'instrument de représailles dans la susdite guerre froide. Une question sécuritaire pour l'Occident qui voit les USA prendre en main ce dossier dans l'esprit des responsabilités prévues dans ?'la Charte'' ayant présidé à la création de l'OTAN.

Voulant éviter d'en faire une source de gêne géopolitique algéro-russe, les USA interviennent par firmes européennes activant en Algérie dans le domaine du gaz : INI l'italienne, TOTAL la française et IQUINOR la norvégienne notamment, les invitant à agir dans le sens d'augmenter les quantités du gaz algérien pour l'Europe ; principalement pour l'Allemagne servie à l'origine, à hauteur de 55 milliards de m3 en gaz russe, traditionnellement avant que l'affolement n'atteigne tous les pays de l'Union européenne comme c'est déjà le cas actuellement en août 2022 où ?'le chacun pour soi'' semble prédominer dans un égotisme des plus puérils.

En tout état de cause, le gaz algérien, au-delà des quantités actuellement exportées en Europe, viendrait dans la logique du marché, mais jamais pour se substituer au gaz russe. L'Algérie, par ailleurs, n'est pas un pays à sacrifier le stratégique à une tactique d'opportunisme mercantiliste de type ?'marché spot'' ou autres.

Les conclusions de la sixième réunion du forum des pays exportateurs de gaz tenu les 19 et 20 février 2022 à Qatar sont rassurantes quant à la sécurisation de l'approvisionnement du marché mondial du gaz pendant les moments de crises. Russes et Américains admettent le mécanisme de cette sécurisation adopté lors de ce Forum. Mais tous ces fragiles équilibres demeurent suspendus au dénouement ou non de la crise ukrainienne qui bascula, depuis le 23 février 2022, dans une guerre armée dont on ne connait pas l'issue, même si des indices probants, au-delà de la libération de presque le quart de l'Est de l'Ukraine déjà organisé en Républiques autonomes, semblent exprimer une victoire russe, territorialement en conforme avec les accords de Minsk de 2014 ; serait-il juste de le rappeler.

La complication rapide des faits géopolitiques et des déploiements militaires est de nature à prédire l'imminence d'une ?'déflagration'' incontrôlable.

Les indices d'une vision géostratégique des USA paraissent de plus en plus se préciser dépassant la crise ukrainienne. Celle-ci ne serait qu'un alibi pour saborder, entre autres, le gazoduc ?'Nord Stream deux'' reliant la Russie à l'Allemagne par la mer Baltique et qui est maintenant opérationnel et prêt à l'emploi. Sa mise en service est jugée menaçante de la primauté des USA en Europe et rendrait l'Allemagne plus dépendante du gaz russe ; ce qui serait de nature à renforcer les relations économiques entre l'Union européenne et la Russie au détriment des intérêts américains (et du Royaume-Uni);1 (5) bâtissant leur bonheur sur le maintien de l'UE en difficultés, à défaut de pouvoir y semer des zizanies de désunion.

Même si le retour de flammes peut être plus dommageable ; ce qui, d'ailleurs, a déjà été le cas en termes d'inflation, de chômage, de demande, de déficit budgétaire, de dette publique et de croissance voire de stagflation.

Le gaz nigérian est, à cet effet, précisément visé. Le dernier accord ?'Nigéria-Niger-Algérie'' s'y rapportant est signé à Alger le 28 juillet 2022 par les ministres concernés des trois pays. Il porte sur le mémorandum d'entente pour la réalisation, au plus vite, du gazoduc y afférent. Il devra évacuer quelques 30 milliards de m3 par an vers l'Europe. Le projet est ainsi fortement conforté. Il devra engager des investissements de l'ordre de 13 milliards de dollars qui viendraient de bailleurs de fonds étrangers. Mais il ne pourrait compenser que relativement, le gaz de Russie sans compter l'augmentation de la demande européenne, notamment en substitution du nucléaire en net recul, en Allemagne principalement, sauf revirement d'option.

L'apport en Gaz naturel liquéfié (GNL) qatari évacué par bateaux spécialisés sur les ports européens espagnols et portugais équipés pour la regazéification, revient beaucoup plus cher et de quantités limitées en raison des engagements commerciaux à long terme pris avec les marchés asiatiques dont le géant marché chinois.

S'ajouteraient à ces quantités de gaz, les quantités d'hydrocarbures qui viendraient des grandes réserves de gaz et pétrole que renferment les zones frontalières algéro-malo-mauritaniennes qui n'ont, pour leur évacuation vers l'Europe, que le territoire algérien et le réseau de gazoducs et oléoducs algériens qui sont déjà opérationnels ou en projet avancé.

Quant à ceux qui découvrent subitement les vertus de l'ancien gazoduc traversant le territoire marocain et qui peut offrir des capacités supplémentaires appréciables de transport du gaz algérien de 10 à 12 milliards de m3 vers l'Europe, semblent se mettre en contradiction avec leur thèse peu cartésienne car attaquable de contradictions puisées dans cette thèse même qu'ils développent à l'égard du gazoduc Russe-Europe transitant par l'Ukraine. Car celui-ci est actuellement menacé par le risque de blocage par l'OTAN au même titre que l'est réellement le nouveau gazoduc russe de la mer Baltique (Stream 2) qui shunte l'Ukraine et que la Russie a réceptionné en octobre 2021. Il était conçu pour évacuer quelques 55 milliard de m3 de gaz vers l'Allemagne en substitution de celui rejoignant directement l'Allemagne par l'Ukraine et qui est, heureusement, toujours en exploitation. Cependant, il est sous menace permanente de blocage par l'OTAN au moindre accroc dans les relations Russie-Occident si une substitution lui est trouvée. La menace de blocage de l'évacuation du gaz russe est vite brandie comme moyen de géostratégie belliqueuse abjecte.

Leçon bien apprise, l'Algérie ne devrait plus prendre le même risque pour l'évacuation de son gaz à travers l'ancien gazoduc transitant par le Maroc en attendant un climat plus serein, loin des sauts d'humeur d'acteurs politiques de tous bords, souvent sous manipulation de pays ou groupes de pays intéressés par leurs stratégies géopolitiques et géostratégiques de visées hégémoniques, indéfiniment latentes. Ceci ne devrait pas, pour autant, exclure pour l'avenir l'utilisation possible de ce gazoduc dans le cadre de relations commerciales pour des besoins propres au Maroc, une fois les handicaps majeurs liés à la sécurité nationale de l'Algérie définitivement surmontés.

L'Algérie se voit ainsi le grand équilibriste, le grand stabilisateur de la région que lui confèrent sa géographie, sa puissance militaire, ses potentialités économiques et humaines, sa neutralité ou non-alignement à placer, désormais, très hauts en intérêts et avantages à en tirer. Ceci au profit d'une économie qui aura été diversifiée et fortifiée et pour réunir toutes les conditions d'une puissance économique régionale venant en appui, en consolidation et en pérennisation pour un niveau plus haut, de sa puissance militaire régionale et pour l'immunisation de sa Sécurité nationale.

L'Algérie, alors, fait dans la dentelle. Elle accorde aussi bien aux Russes qu'aux Américains l'avantage de survoler l'espace algérien ; le premier pour contribuer à la stabilisation du Mali, le deuxième dans le cade de l'opération ?'Barkhane'' dans les tâches confiées à Africom. Elle s'offre aussi le privilège de s'assurer avec les Egyptiens la sécurisation de l'Est libyen pour conforter sa sécurité à l'Ouest sur les frontières algériennes afin de s'assurer, demain, une meilleure participation dans la renaissance économique libyenne.

Quant à l'interdiction du survol de l'espace algérien par les avions militaires français, elle trouve sa solution dans le correct respect de la réciprocité que consacrent les règles et les us diplomatiques ainsi que dans le respect mutuel des intérêts économiques équilibrés et dans la reconnaissance des crimes de guerre commis contre l'Algérie assortie de la présentation d'excuses au peuple algérien ; des traitements transitoires de cette question (de survol de l'espace algérien par les avions militaires français) n'étant pas toutefois transitoirement exclus, à l'exemple de l'évacuation par la France de ses troupes militaires du Mali tel le transfert tout récent vers d'autres pays des bases militaires françaises qui étaient installées dans ce pays.

Les relations avec le Maroc, quant à elles, devront trouver leurs solutions dans la remise à plat de tous les dossiers dont notamment et principalement celui lié à la menace sérieuse de la Sécurité nationale de l'Algérie depuis que le Maroc est lié à Israël par un accord de coopération sécuritaire, conclu le 24 novembre 2021 rendant inextricable le dossier des relations algéro-marocaines; 2 (6) la question du Sahara occidental étant un dossier de décolonisation que gèrent les Nations Unies et le Conseil de sécurité.

Ainsi est grande la déception de ceux, parmi les acteurs de moindre et négligeable rôle géopolitique, tels de rares pays européens ou pays arabes ou encore une ridicule néanmoins interpellante alliance militaire maroco-israelienne, de voir l'Algérie s'offrir, impétueusement, en champ d'affrontements entre l'Est et l'Ouest. Sachant qu'aussi bien les Russes que les Américains, chacun pour sa propre géostratégie, travaillent pour disloquer l'Union européenne ou tout au moins pour la fragiliser. C'est l'échec de ceux-là qui veulent ?'plomber'' l'Algérie dans des querelles d'ordre tribal au Maghreb pour la détourner de ses ambitions de grandeur.

Notes :

(1) Cette contribution est extraite de la conclusion du chapitre huitième de l'ouvrage de l'auteur ?'Algérie, Problématique Economique et Impératif Mondial'' publié en mars 2022 et dont la 2ème édition est fin prête et est en cours d'édition à ?'Clic Editions'' ? Mohammadia - Alger.

(2) Sources AFP. Le Point. Publié le 11juin 2022.

(3) Le bureau de recherches géologiques et minières. ECOFIN. Hebdo 31 mai 2019 à 10:57

(4) Xi Jinp.nce 24.com le 4 février 2022.

(5) MIKE WH ITNEY 11 Février 2022.

(6) 3 Abdelkader Abderrahmane. Institute for Security Studies. Publié le 22 mars 2022 ; 44 CET