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Mostaganem: Un bout de paradis dans une jungle de béton

par El-Houari Dilmi

Vendredi 17 septembre, il est 16h passées. Les plagistes désinstallent les dernières tentes, signifiant aux vacanciers que la saison estivale est terminée. Cette année, le confinement a fait du bien à la mer comme régénérée et plus propre.

Les enfants comme les adultes barbotent dans une eau calme et limpide, sous le regard des surveillants de baignade, nombreux cette année. Sous un parasol aux couleurs bariolées, des jeunes aux allures de bodybuilders, tapotent sur leurs téléphones portables en poussant des jurons à la cantonade. C'est dans ce petit bout de paradis, à l'extrême Est de la wilaya de Mostaganem, le réseau n'existe pas, « même pas une station 4G » se désole un vacancier venu de Boumerdès avec sa petite famille. De Mostaganem jusqu'à la plage de Bahara, à cheval avec la wilaya de Chlef, les villages côtiers du littoral mostaganémois filent du mauvais coton à cause d'une saison estivale gâchée par la pandémie du Covid-19, pour la deuxième année consécutive. Une vue splendide sur la grande bleue s'offre à notre regard dès l'entame de la descente de la localité de Sidi Ali en direction de Sidi Lakhdar. La ville du saint patron des lieux, Sidi Lakhdar Benkhlouf, grouille de monde en ce début SEPTEMBRE. Les rues sont animées et les commerces bien achalandés, surtout les fruits de saison disponibles à profusion. La voie large qui relie la localité de Sidi Lakhdar jusqu'à la plage de Bahara, à la limite de l'entrée de la wilaya de Chlef, en passant par Khadra et Achaacha, est en bon état, permettant à notre véhicule de rouler à vive allure en totale sécurité. Des vergers s'étalent à perte de vue dès l'entrée de la localité de Khadra, connue pour ses anciennes cuves à vin qui occupent une bonne partie du paisible patelin. La mer est calme et le ciel scintillant d'un magnifique bleu azur.

Les constructions illicites prolifèrent

Le paisible village rural de Bahara, relevant administrativement de la commune de Ouled Boughalem, est un peu plus fréquenté, comparé à l'année dernière vide. «Cette année, les choses vont un peu mieux par rapport à l'année dernière où nous avons vécu une saison blanche à cause du satané coronavirus», nous confie un commerçant d'alimentation générale, implanté le long du boulevard qui traverse de part en part le village de Bahara. «Ce n'est que vers début août que les choses ont commencé à bouger; nous gagnons notre vie durant les trois mois de l'été, cette année, le manque à gagner s'est encore fait sentir durement sur tout le village», poursuit-il, en soupirant. Village côtier entièrement dédié au tourisme balnéaire, la localité de Bahara dégage un calme olympien. La circulation automobile y est très faible et son cachet pittoresque donne à la petite ville balnéaire un air de petit paradis sur terre. Ici, presque tout le parc immobilier est dédié à la location : des motels plus ou moins huppés jusqu'aux habitations juchés à flanc de montagne, on peut trouver où crécher pour quelque jours avec une grande facilité, et à des prix défiant toute concurrence. Pour un deux-pièces salon au milieu d'un vaste verger, les tarifs ont descendu cette année jusqu'à 2500 DA la nuitée, avec pratiquement toutes les commodités, comme l'eau courante, le gaz butane, et même du pain maison et autres fruits de saison offerts gratuitement par les généreux propriétaires des lieux. Mais seule ombre à ce tableau idyllique, la prolifération des constructions illicites. Plus de 105 habitations érigées au mépris de toute norme urbanistique, par des gens étrangers à la région ont été démolies, sur décision de la commune de Ouled Boughalem. Divisée en quatre plages, Bahara dispose d'autant d'accès à la mer, avec un sable fin et surtout très propre... Autre motif de satisfaction, la disponibilité du poisson en grandes quantités dans les marchés locaux.

A Ouled Boughalem, il y a foule au marché de la ville. Un vendeur à la criée propose de la sardine à 200 DA le kilo, une aubaine pour les estivants qui se gavent de fruits de mer.

La harga pour fuir le vide

A quelques encablures de Bahara, on tombe sur la commune d'El Guelta, dépendant administrativement de la wilaya de Chlef. Ici, les rues sont TOUJOURS plus animées et les commerces nombreux. On y trouve de tout, un parterre de bric et de broc tapisse une partie du centre-ville, avec des produits divers proposés à la vente, de la viande et des fruits et légumes jusqu'aux ustensiles de cuisine, articles d'habillement ou encore les articles de pêche. Dans cette paisible localité entièrement dédiée aux plaisirs de la mer, les immigrés y sont nombreux. « Mais cette année encore, ils ne sont pas venus à cause du maudit virus de corona », tempête un légumier, proposant des figues appétissantes à prix cassé. « Chaque année, nos immigrés viennent chargés de produits en tous genres qu'ils revendent ici à des prix défiant toute concurrence, mais cet été, c'est encore la dèche », soupire-t-il. Une vingtaine de kilomètres plus loin, en direction de la ville portuaire de Ténès, nous atteignons la localité d'El Marsa, connue pour sa marina et son petit port de pêche. Ses plages de galets sont un véritable régal pour les yeux. Une mer calme, un peu grâce à d'immenses brise-lames formés par des blocs de béton, qui agissent comme des lignes de défense efficaces contre les assauts de la mer. Au large, un spectacle magnifique offert par ces fermes aquacoles à la surface de l'eau, des sortes de bassins et cages aux couleurs chatoyantes, servant à l'élevage de poissons comme la dorade, à quelques dizaines de mètres du rivage. Sur le chemin du retour vers Bahara, des petites fillettes, belles et souriantes, offrent du pain maison sur le bord de la route. D'autres vendent du maïs grillé à 50 DA/pièce. Le soleil s'apprête à rejoindre sa cache, quand nous atteignons les plages de Decheria, occupées par des amoureux des beaux couchers de soleil pour bien terminer la journée, ou encore les mordus de la pêche à la ligne, juchés sur des rochers le long du rivage. Un silence sidéral plane sur le village de Bahara à la tombée de la nuit. Ce hameau, assis sur deux wilayas, Mostaganem et Chlef, pleure ses nombreux enfants qui ont traversé la Méditerranée en quête d'un chimérique Eldorado. Beaucoup y ont laissé leurs vies, jetant comme un voile de tristesse sur les bons et généreux habitants de Bahara.