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Valorisation du patrimoine documentaire : une source d'information cryptée ?

par Nadir Hama*

Témoignant de la trajectoire du processus de fonctionnement d'une institution administrative ou entreprise et constituant leurs mémoires respectives, le patrimoine documentaire, formé au fil des temps, relève certes de la propriété intellectuelle de ses acteurs institutionnels, mais présente une source d'information devant les chercheurs ou ayants droit.

Donc, sa mise à la disposition du grand public pour la consultation constitue une problématique instantanée. Car la confidentialité et le secret défense demeurent des aspects réglementaires qui impactent lourdement le contexte socio-économique. En somme, une question récurrente qui se pose: quand pourrons-nous communiquer ces documents de référence ? Pourquoi ce patrimoine documentaire devient otage de quatre murs et mentalités restrictives ?

Par définition, on entend par patrimoine documentaire, toute structure accommodée chargée d'aménager un lieu de concentration des documents d'ordre quelconque : administratif, historique, scientifique, littéraire ou objet de valeur dont la collectivité nationale incarne un intérêt ou un droit de se servir. Si les unités documentaires, les musés, les centres d'information, de culture et de veille informationnelle, centres d'archives et du patrimoine sont chargées initialement de la collecte, traitement, conservation de tous les documents quels que soient leurs supports, la diffusion d'information s'avère un pan non négligeable pour ces unités documentaires. Par principe de droit d'accès à l'information garantie par la constitution et le code de l'information daté de 1990, la réalité sur le terrain ou comme exercice pratique se heurte à d'autres obstacles d'ordre interne à ses établissements quant à l'éparpillement, l'inorganisation, l'égocentrisme, mais aussi l'aspect réglementaire et législatif qui fait défaut sous prétexte de confidentialité liée à la souveraineté nationale, le secret défense nationale ou un paramètre inhérent à la vie privé d'une personne physique. C'est dans ce contexte de confusion nationale que la direction générale des archives nationales est intervenue en date des 19 et 20 janvier 2020 par l'organisation d'un séminaire portant communicabilité des archives nationales entre la disponibilité des textes et leur application.

La thématique choisie est si importante et bénéfique. Donc, durant deux jours, les séminaristes ont relayé une panoplie de communications relatant les expériences des uns et des autres relevant soit de l'administration centrale, locale ou des services documentation et archives de wilaya ou bien des entreprises à caractère économique. La gamme est riche. Les communications présentées sont aussi bénéfiques et de valeur. De ce fait, on s'aperçoit qu'une corporation des archivistes se constitue davantage. Comme signe révélateur, la trentaine est la moyenne d'âge des intervenants. Un métier qui mérite des considérations de point de vue statut, indemnités et primes, formation et dispositif d'une fonction libérale.

Les Archives nationales visent à travers cette rencontre à «dégager un texte unifié pour réguler la procédure de communication et dissiper toutes les ambiguïtés».

«Les Archives nationales et l'ensemble de ses structures et services au niveau central et local font l'objet, depuis quelque temps, de flots de critique allant parfois jusqu'à la diffamation, en ce qui concerne la procédure de communication des archives et leur accès au profit des chercheurs», a expliqué le communiqué de la DGAN.

A ce propos, «les Archives nationales s'emploient à l'organisation et à l'unification de toutes les opérations qui font des fonds documentaires une source pour la recherche scientifique, conformément aux lois et règlements en vigueur, y compris les méthodologies d'archivage, aussi bien au sein des Archives nationales que dans les établissements et secteurs publics en rapport avec les fonds documentaires, notamment la procédure de leur communication». a-t-elle ajoutée en concordance

Les Archives nationales rappellent, dans ce sens, l'organisation en 2018 d'une rencontre nationale à Béchar sur le thème de «l'accès aux archives entre le texte et l'application».

En matière d'exigences d'ordre historico-social, outre le régime démocratique en gestation et de surcroît, le droit à l'information consacré par la constitution ne peut être remis en cause, ni réduit. L'accès à l'information, quels que soient son support, son lieu, sa nature devient libre. Son utilisation en dehors de son cadre référentiel ; le fauteur trouve les dispositions du code pénal qui le mettra en examen ?

D'autres côtés, mettre un dispositif réglementaire linéaire de clauses d'interdiction relève de l'astigmatisme. Toutes les sources d'information, au nom de la démocratie, la transparence et la révélation d'une vérité historique doivent être ouvertes devant le public, la presse et les médias lourds. En conséquence, les consciences seront libérées. La vérité jaillira en lumière. La population se remettra de ses blessures et un deuil sera déclaré et hommage rendu. Le destin et la destination seront assouvis.

En matière de loi, la première loi portant sur les archives nationales est promulguée en 1988, époque du parti unique et manque d'utilisation des NTIC. Après 32 ans, elle est toujours en vigueur. Au sujet des références au niveau des visas comme ossature, deviennent aujourd'hui négligeables et anodins, si certaines sont abrogées, d'autres ont subi des modifications et complétées. Son socle réglementaire demeure pauvre comme nomenclature professionnelle. La loi, ni sur la forme, ni dans le fond, a pris en charge le métier ou les collections. Le contentieux, la formation, le statut, la fonction libérale, la coopération, adhésion aux institutions internationales, les organes de direction, etc. demeurent des axes autant si importants et obligatoires que cette loi a purement ignorés. Par exemple, aucune disposition dans la loi ne prévoit que la négociation sur la détention de nos archives en dehors du territoire national est soumise dans le cadre de l'ordre international des archives. La formation aussi est occultée dans le corps de la loi. Elle est considérée une unité pédagogique. Dans ses différents chapitres, l'aspect communicabilité des archives est mis en relief. Celui relevant de l'interdiction s'en est suivi. Pire encore, la loi fait référence au parti-Etat. Les dispositions contenues dans la loi, notamment ses articles n°09, 10, 11, 19 et 23 font référence, soit à la jouissance du droit sur les archives, soit modalités de communication de certaines catégories d'archives, les prérogatives de certains organes de gestion. En matière de circulaires, il y a celle n°05 datée 1992 annulée et remplacée par celle n°26/2007 en vigueur à ce jour. De nos jours, les dispositions législatives et réglementaires sont dépassées par le temps dans leur faisabilité. Allons-nous vers une nouvelle grille d'interdiction ? ou bien au nom de la démocratie et la bonne gouvernance, le peuple algérien accèdera à ses vérités historiques amères et en gaieté et les esprits seront libérés comme cela s'est opéré sous d'autres cieux comme en Amérique latine ?

Néanmoins, lors des communications présentées, nous ne pouvons omettre un valeureux travail réalisé en matière de prise en charge de leur patrimoine mémoriel par l'agence nationale du cadastre, la Caisse nationale des assurés sociaux, le nombre de mairies, la filiale de Naftal. Les besoins sont bien pris en charge. Des documents attestant la propriété sont délivrés aux concernés dans un laps de temps et avec des moyens technologiques sur un fond numérique.

En conclusion, ce genre de rencontre, au-delà de permettre certes des échanges entre les professionnels, il oscille le degré de conscience atteint par la corporation déjà en gestation, la tutelle s'aperçoit que le temps de charité est révolu. La détermination et l'affirmation sont présentes. Aujourd'hui, on relève que le documentaliste essaye tant bien que mal de dénicher sa place sur le fichier national de par sa compétence, ses produits documentaires et sa persévérance. L'esprit revendicatif est également présent. Le statut, les indemnités liées aux prestations de services et préservation du patrimoine, la prise en charge socioprofessionnelle sont autant d'éléments qui contraignent ces gardiens du savoir à se propulser au-devant. Le message est transmis. A bon entendeur.

*DPGS en Mangement des projets