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Concentrateurs : entre le dire et le réel

par Bouchikhi Nourredine

Décidément notre appareil administratif semble éprouver toutes les difficultés à pouvoir s'adapter aux imprévus ; le plus inquiétant est quand il s'agit de réagir promptement en cas de catastrophe naturelle tel que les incendies, tremblement de terre ou inondations ou autre comme c'est le cas avec la pénurie d'oxygène qui de par son ampleur a touché presque la totalité des structures sanitaires avec cette dernière vague du Covid.

Il est difficile de se délester des réflexes bureaucratiques même quand la vie des gens est en jeu, le cas des concentrateurs d?oxygène illustre bien cette triste réalité, beaucoup se sont débrouillés pour se faire délivrer les appareils à partir de l'étranger alors que certains espéraient un geste salvateur émanant d'associations caritatives ; mais la lourdeur administrative est là, pesante malgré les démentis et assurances des différents acteurs impliqués dans l'importation de ces appareils, elle est surtout palpable dans les appels désespérés des citoyens qui n'arrivent pas à avoir leurs concentrateurs sinon au prix d'un parcours semé d'embûches.

Et à lire le dernier communiqué de la douane cela semble simple et facile.

En pratique les choses sont autrement. Pour les particuliers seuls les concentrateurs acquis dans le cadre d'une transaction commerciale semblent bénéficier d'une procédure simplifié qui exige quand même un document de transport et une déclaration de dédouanement téléchargeable sur le site de la douane mais qui exige des renseignements bien précis pour pouvoir la remplir et une facture ; ce qui semble à fortiori éliminer de facto un appareil expédié sans facture et là on se demande quel est l'intérêt de ce document si l'appareil est exempt des taxes ? Mais là où les choses commencent sérieusement à se corser c'est dès lors qu'il s'agit de dons et c'est le cas de figure le plus fréquent dans ce genre de situations d'urgence qu'ils soient destinés à des individus ou bien à une association activant en Algérie ; la procédure est dans ce cas complexe et fastidieuse par l'exigence d'une autorisation ministérielle et ne prévoit donc aucun caractère exceptionnel à l'opération malgré l'urgence. Il est donc coutumier de s'armer de patience et de longue haleine quand on a affaire à devoir produire une quelconque autorisation, toutes les administrations se valent malheureusement quand elles ont le pouvoir d'autoriser ou non car leur canevas n'est pas nécessairement celui du demandeur et l'urgence n'est pas estimée également d'une part et d'autre. Cela semble être compréhensif si cette opération avait un caractère mercantile ou bien intéressant une substance ou un appareil sensible pouvant être détourné de sa fonction à laquelle il est prédestiné ; mais il s'agit ni plus ni moins que d'un appareil qui peut sauver une vie !

Ce parcours est gourmand en temps et en effort puisque il requiert une autorisation délivrée par un autre ministère en l'occurrence celui de l'industrie pharmaceutique ; celui-ci sur son site on y trouve plusieurs adresses électroniques dont celle relative à la direction des activités pharmaceutiques et de régulation (dapar@miph.gov.dz) une adresse désactivée où il est impossible de la joindre. Il est donc illusoire d'avoir cette autorisation dans des délais raisonnables et apparemment impossible de finaliser la procédure en ligne ; il faudrait donc aller sur place comme si l'Algérie se résumait à Alger car pour s'y rendre quand on réside à des centaines de kilomètres c'est toute une histoire et des faux frais souvent non justifiés; et toujours parlant du site web du ministère de l'Industrie pharmaceutique il n'existe aucune rubrique destinée à la démarche à suivre pour demander cette autorisation et même l'onglet de prise de rendez-vous est désactivé. Une façon de décourager les interlocuteurs éloignés.

Comment est-il possible qu'une association qui le moment venu espérait activer dans l'intérêt général pourra-t-elle venir en aide aux nécessiteux alors qu'elle se trouve les mains liées par une nébuleuse de documents dont on ne sait ni comment ni quand les obtenir et sans en comprendre la finalité ? Ces associations sont ensuite jetées en pâture et taxées de fantomatiques et de jouer dans la figuration !

Alors si l'oxygène n'est pas considéré comme un produit urgent et son acquisition doit être soumise à la même démarche que n'importe quelle denrée on se demande alors qu'elle pourrait être le chemin de croix pour acquérir un autre produit n'ayant pas le caractère urgent quoique utile et indispensable ? Les personnes physiques recevant ce matériel à titre individuel ainsi que les associations devraient être naturellement dispensées de ces autorisations non seulement dans ces circonstances dramatiques mais même en temps normal, un simple régime déclaratif devait suffire ou un contrôle à posteriori au besoin ; que d'opportunités ratées, que d'occasions gâchées pour les malades et pour les finances du pays ! avec en plus le découragement des partenaires étrangers de traiter avec leurs homologues algériens et le plus malheureux ce sont souvent nos propres compatriotes établis à l'étranger qui ont dû à maintes reprises se résigner la mort dans l'âme à réexpédier des dons destinés initialement aux Algériens pour d'autres pays.