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Réchauffement climatique: Les nouvelles politiques de la transition énergétique vont remodeler le nouveau pouvoir économique mondial

par Abderrahmane Mebtoul*

Il y a prise de conscience du danger pour la survie de l'humanité du réchauffement climatique, qui frappe tous les pays sans exception surtout cette année 2021, où le monde connait un profond bouleversement (épidémie du coronavirus, sécheresse, incendies d'un côté, inondation de l'autre).

En décidant un investissement massif dans le cadre de l'efficacité énergétique, les énergies alternatives aux fossiles classiques dont les énergies renouvelables, le nouveau pouvoir des Etats-Unis d'Amérique, première puissance économique et militaire mondiale, suivi de l'Europe de la Chine et de l'Inde, ayant les moyens de leurs politiques, le monde devrait connaître horizon 2025/2030 un profond bouleversement de la carte énergétique et du pouvoir à l'échelle mondiale. Gouverner c'est prévoir d'où l'importance pour l'Algérie de se préparer à ces nouvelles mutations évitant de vivre sur l'utopie du passé.

1.- Le devenir de la carte énergétique mondiale 2025/ 2030

D'ici 2030/2035, les investissements prévus dans le cadre de la transition énergétique Usa/Europe/Chine, Inde devrai dépasser les 4000 milliards de dollars où les rosses compagnies devraient réorienter leurs investissements. L'élection américaine sera déterminante pour l'avenir car les démocrates ont une autre vision de la politique énergétique, avec le retour des USA aux accords de Paris COP21 sur le réchauffement climatique. Bien que le nouveau président dit ne pas vouloir interdire le développement du pétrole/gaz de schiste dont les UA sont le premier producteur mondial, s'engageant avec les nouvelles techniques à améliorer les effets de la fracturation hydraulique, le programme de Joe Biden prévoit 2000 milliards de dollars sur les 20/30 prochaines années, soit 10% du PIB 2019, pour le développement des énergies renouvelables, les industries écologiques et l'efficacité énergétique mais supposant d'avoir l'aval du Sénat en majorité républicain. Plus globalement, le plan climat de Joe Biden prévoit d'investir, je le cite «dans les infrastructures intelligentes pour reconstruire la nation et pour garantir que nos bâtiments, nos infrastructures d'eau, de transport et d'énergie puissent résister aux impacts du changement climatique, de financer 1,5 million de nouveaux logements plus durables et éco-énergétiques, une réorganisation de l'industrie automobile vers les voitures hybrides et électriques, l'Etat fédéral devant programmer notamment l'installation de 500 000 bornes de recharge publiques sur le territoire et instaurer une prime à la conversion». L'Europe va dans la même trajectoire. La Commission européenne a fixé, avec le règlement d'exécution 2020/1294 du 15 septembre 2020, les règles du nouveau mécanisme de financement des énergies renouvelables. Chaque État membre doit contribuer à l'objectif européen de 32% d'énergies renouvelables en 2030. Une trajectoire indicative est fixée pour chacun d'entre eux, pour la période 2021-2030, avec des points de référence à atteindre en 2022, 2025 et 2027, devant mobiliser au moins 1 000 milliards d'euros d'investissements durables dans les dix années à venir avec des incitations pour attirer les financements privés, grâce notamment au rôle essentiel que jouera la Banque européenne d'investissement.

La Chine et l'Inde ont un fort engagement pour la transition énergétique. Par exemple, selon le rapport de Global Wind Energy Council de 2019, la Chine et l'Inde font partie des cinq pays regroupant 73% de l'ensemble des capacités éoliennes mondiales installées. En termes d'énergie solaire, le soutien des gouvernements indien et chinois stimule la compétitivité de leurs filières solaires, faisant d'eux les premiers acteurs au niveau mondial. La Chine pour tenter de réduire la pollution atmosphérique due à cet usage incontrôlé du charbon, investit massivement dans les énergies renouvelables : pays leader, prévoit d'investir d'ici 2030 375/400/ milliards de dollars. Quant à l'Inde, elle s'est engagée à fortement développer les énergies renouvelables, en disposant en particulier de 100 GW de capacités solaires et de 60 GW éoliens d'ici à fin 2022 (contre 16,6 GW solaires et 32,7 GW éoliens à fin novembre 2017) (devant mobiliser pour cette période près de 190 milliards de dollars selon les estimations de la Climate Policy Initiative (CPI). Les USA/Europe qui représentent actuellement plus de 40% du PIB mondial pour une population inférieure à un milliard d'habitants poussent à l'efficacité énergétique et à la transition énergétique afin de luter contre le réchauffement climatique. Car si les Chinois, les Indiens et les Africains avaient le même modèle de consommation énergétique que les USA et l'Europe il faudrait cinq fois la planète actuelle. Je rappelle que selon le rapport de l'ONU une sécheresse sans précédent frappera l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne entre horizon 2025. Cette prise de conscience d'un désastre planétaire a été accentuée avec l'épidémie du coronavirus où la majorité des pays ayant entériné l'Accord de Paris, issu de la COP 21, engagement conforté à la COP 22 de Marrakech devraient axer leurs efforts pour la limitation du recours aux énergies fossiles, charbon et pétrole horizon en tête, le monde et donc aller vers un mix énergétique, l'énergie de l'avenir horizon 2030/2040 étant l'hydrogène où la recherche-développement connait un réel essor.

2.-La transition énergétique pour l'Algérie est un impératif économique et sécuritaire

Dans ce cadre de la transition énergétique existent deux axes pour l'Algérie. Le premier axe est d'améliorer l'efficacité énergétique car comment peut-on programmer 2 millions de logements selon les anciennes normes de construction exigeant de forte consommation d'énergie alors que les techniques modernes économisent 40 à 50% de la consommation ? Par ailleurs s'impose une nouvelle politique des prix (prix de cession du gaz sur le marché intérieur environ un dixième du prix international) occasionnant un gaspillage des ressources qui sont gelés transitoirement pour des raisons sociales. A cet effet, une réflexion doit être engagée par le gouvernement algérien pour la création d'une chambre nationale de compensation, que toute subvention devra avoir l'aval du parlement pour plus de transparence, chambre devant réaliser un système de péréquation, segmentant les activités afin d'encourager les secteurs structurants et tenant compte du revenu par couches sociales, impliquant un système d'information transparent en temps réel. Le deuxième axe est le développement des énergies renouvelables devant combiner le thermique et le photovoltaïque dont le coût de production mondial a diminué de plus de 50% et il le sera plus à l'avenir. Or, avec plus de 3 000 heures d'ensoleillement par an, l'Algérie a tout ce qu'il faut pour développer l'utilisation de l'énergie solaire, ou presque. Le soleil tout seul ne suffit pas. Il faut la technologie et les équipements pour transformer ce don du ciel en énergie électrique. La production à grande échelle permettrait de réduire substantiellement les coûts tout en favorisant à l'aval une multitude de PMI-PME, renforçant le tissu industriel à partir des énergies propres (industries écologiques).

La promotion des énergies renouvelables suppose des moyens financiers importants en investissement et en recherche-développement. Depuis de longues années les gouvernements successifs ont annoncé que l'Algérie installera une puissance d'origine renouvelable de près de 22 000 MW dont 12 000 MW seraient dédiés à couvrir la demande nationale de l'électricité et 10 000 MW à l'exportation et que d'ici 2030, l'objectif serait de produire 30 à 40% de ses besoins en électricité à partir des énergies renouvelables : beaucoup de paroles, plus de cinq conseils des ministres lui ont été consacrés depuis et des réalisations insignifiantes faute d'une stratégie clairement définie. Car tout le problème consiste en la mobilisation du montant de l'investissement, grâce à un partenariat gagnant/gagnant, impliquant de former la ressource humaine pour la maîtrise technologique et donc se préparer à ces nouvelles mutations énergétiques et s'éloigner de cette mentalité rentière.

En résumé, le monde devrait connaître horizon 2030 un profond bouleversement de la carte énergétique et donc du pouvoir économique mondial, l'énergie étant au cœur de la sécurité des Nations (- Pr A.Mebtoul Africa Presse Paris,10/08/2021 redonner confiance pour accélérer les réformes et American Herald Tribune -USA-le 23 avril 2020 «Prof. Abderrahmane Mebtoul : We Have Witnessed a Veritable Planetary Hecatomb and the World Will Never be the Same Again»). L'Algérie n'a pas d'autres choix que de réussir les réformes dont celle de la transition énergétique, qui seront douloureuses à court terme mais porteuses d'espoir à moyen et long terme pour les générations présentes et futures. Car, même des recettes de Sonatrach dépassant 50 milliards de dollars/an à l'avenir, ce qui est une hypothèse peu réalisable, avec le déclin en volume physique, et une demande mondiale qui ira en se rétrécissant, ne pourront pas couvrir les coûts des désastres matériels et humains, sans compter les remous sociaux, d'où l'urgence d'un nouveau modèle socio-économique axé sur les segments de l'avenir, évitant d'assainir des segments qui n'ont aucun avenir. Rester en statu quo, faute de stratégies d'anticipation et en retardant les réformes structurelles conduira inéluctablement à épuiser rapidement ses réserves de change évaluées à 44 milliards de dollars fin juin 2021 contre 194 au 01 janvier 2014, avec les risques de tensions sociales et sécuritaires, ce qu'aucun patriote algérien ne souhaite. J'ose imaginer une Algérie où les nouvelles générations vivront confiantes et heureuses dans leur pays et où nous assisterons à un retour volontaire progressif des cadres expatriés. Aussi, l'Algérie qui a d'importantes potentialités, grâce à la mobilisation de tous, dans le cadre d'un nouveau contrat social, sera ce que le peuple algérien et les responsables chargés de gérer la Cité voudront qu'elle soit.

*Docteur

Professeur des universités, expert international, Directeur d'études ministère Industrie/Energie/Sonatrach 1974/1979-1990/1995-200/2007-2013/2015 , Président de la commission transition énergétique de la société civile - Europe orientale/Maghreb des 5+5 + Allemagne 2019/2020