Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Les décisions de Tebboune: Dissolution de l'APN, remaniement ministériel et libération de détenus

par El-Houari Dilmi

Comme attendu depuis plusieurs jours déjà, la dissolution de la chambre basse du Parlement a été annoncée jeudi soir par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, dans son discours à la Nation. Un remaniement ministériel qui devrait intervenir dans les prochaines heures et la libération des détenus ont été les autres principales annonces faites par le chef de l'Etat.

En effet, dans son discours à la Nation, jeudi soir par une date symbolique, celle du 18 février, Journée nationale du chahid, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a annoncé plusieurs décisions importantes, faisant état d'autres à venir dans le cadre du changement radical revendiqué par le Hirak «authentique béni», et ce à travers «des solutions institutionnelles et pérennes». «Je m'adresse au peuple, une année après mon élection à la magistrature suprême du pays, à la faveur du grand honneur qu'il m'a fait en plaçant en moi sa confiance, le 12 décembre 2019», a déclaré le Président Tebboune à l'entame de son discours avant de parler de sa maladie et de son rétablissement.

Evoquant la commémoration de la Journée du chahid, le chef de l'Etat a rappelé les sacrifices des chouhada pour «une Algérie indépendante, gérée par ses enfants», estimant que «les enseignements de ces sacrifices prennent aujourd'hui tout leur sens au regard de ceux qui n'hésitent pas à vendre au plus bas prix cette patrie, si précieuse». Tebboune a remercié les Algériens pour «leur participation et accompagnement à tous les chantiers ouverts ensemble, dont le plus grand a été, dès le début du mandat présidentiel, le changement des modes et pratiques de prise en charge sociale des citoyens, en souffrance, durant des années, sans que personne ne prenne leur défense». Le chef de l'Etat a déclaré, à ce propos, que «malgré les difficultés financières suite à la baisse des cours du pétrole et l'impact de la pandémie du nouveau coronavirus, j'ai décidé le relèvement du Salaire national minimum garanti (SNMG) à 20.000 DA, une décision qui n'avait pas été prise durant des années, et j'ai honoré l'engagement pris lors de ma campagne électorale d'exonérer les salaires inférieurs à 30.000 DA, laquelle a profité à quelque 6,5 millions d'Algériens», a-t-il souligné. «L'objectif de toutes ces décisions est de faire profiter les Algériens de l'argent qui était détourné à travers la surfacturation et l'investissement dans des pays étrangers», a-t-il assuré. Evoquant la pandémie Covid-19, il a tenu à rendre hommage aux Algériens pour «leurs patience, sens de sacrifice et discipline qui ont favorisé une harmonie dans la lutte contre le virus». Le président de la République a abordé, par ailleurs, la campagne de vaccination anti-Covid-19, faisant état d'un «accord avec nos amis russes pour la production en Algérie du vaccin «Sputnik V» dans 6 à 7 mois».

La grande bataille économique et institutionnelle

Le chef de l'Etat a également évoqué une «autre bataille», celle liée à une récession dépassant les 80% de l'économie mondiale en raison des répercussions de la pandémie Covid-19, qui a également impacté l'économie nationale. Il a affirmé, dans ce cadre, que les «mesures que nous avons prises, notamment de solidarité, d'aide et d'atténuation de l'incidence de la crise sur les opérateurs économiques, ont permis de surmonter cette conjoncture au moindre préjudice», a-t-il souligné. Estimant que le temps était venu de se lancer dans «l'édification de l'économie et de l'investissement», Tebboune a rappelé avoir rencontré des investisseurs qu'il a exhortés à «adhérer à la stratégie tracée pour la relance de l'économie et l'investissement créateur d'emplois et de richesses, en s'écartant de l'économie fourvoyée, axée par le passé sur l'importation et la surfacturation». Outre la bataille économique, «la bataille institutionnelle» a été longuement développée par le président de la République : «Nous avons mené la bataille du changement des textes et des institutions, comme l'a revendiqué le Hirak béni et authentique du 22 février 2019», a-t-il dit dans ce cadre, ajoutant que le changement radical «ne peut être concrétisé qu'à travers des nouvelles lois et institutions». Il citera, à cet égard, la révision de la Constitution «dans laquelle nous avons inclus toutes les revendications du Hirak», un texte, a-t-il dit, qui «consacre la liberté absolue, tant individuellement que collectivement, la déclaration suffit désormais pour créer des partis et des associations». Abordant «les changements apportés par la Constitution et palpables pour le citoyen», le chef de l'Etat a cité la limitation des prérogatives du président de la République et la consolidation des pouvoirs des élus, notamment au niveau du Parlement. A ce titre, Tebboune a annoncé sa décision de «dissoudre l'Assemblée populaire nationale (APN) pour passer, de suite, à des élections où l'argent, sale ou pas, n'aura point de place, des élections qui ouvriront la voie aux jeunes», exhortant ces derniers à «investir les institutions politiques à la faveur des encouragements de l'Etat, et ce à travers la prise en charge d'une grande partie du financement de leur campagne électorale». Pour M. Tebboune, l'implication des jeunes dans la vie politique va «permettre d'injecter du sang neuf dans les organes de l'Etat et le Parlement, qui en étant les yeux et la voix du peuple ne souffrira d'aucun discrédit», a-t-il dit. Le chef de l'Etat a tenu à réaffirmer, dans ce sens, que «le Parlement sera élu sous le contrôle de l'ANIE dans les prérogatives de laquelle n'interviennent ni les présidents des APC ni les walis (...), ni même le président de la République», a-t-il rassuré. D'autre part, le président de la République a évoqué le deuxième anniversaire du Hirak authentique béni, annonçant la signature d'un décret portant grâce présidentielle au profit d'une trentaine de détenus, jugés définitivement, et de 55 à 60 autres, dont les jugements n'ont pas encore été rendus par la justice, et «qui seront ce soir ou demain parmi les leurs».

Tebboune a également affirmé «avoir pris connaissance des critiques dûment faites par les citoyens» concernant la faible performance de «certaines autorités locales et nombre de secteurs ministériels». «J'ai entendu l'appel et j'ai décidé d'opérer un remaniement ministériel qui sera annoncé dans les prochaines 48 heures», a-t-il déclaré précisant que ce remaniement «concernera les secteurs ayant enregistré, à notre sens et du point de vue des citoyens, des lacunes dans l'accomplissement des missions et le règlement des problèmes du citoyen».

Les nouveaux chantiers du président

Concernant les chantiers lancés en concrétisation de la nouvelle Constitution, le président de la République a fait état de la finalisation «d'ici une semaine» d'un premier texte permettant l'installation de l'Observatoire national de la société civile, d'un deuxième chantier pour la finalisation, dans 15 à 20 jours, des textes portant installation du Conseil supérieur de la jeunesse et d'un autre pour la création de la Cour constitutionnelle.

Au volet de la politique extérieure, le Président Tebboune s'est dit «réjoui» de «l'accord conclu entre les frères libyens en Suisse», affirmant que cet accord «les honore et nous rassure». Saluant cette évolution, M. Tebboune a rappelé le retour actif de la diplomatie algérienne dans les forums internationaux en affirmant constamment que «la solution à la crise en Libye doit être libo-libyenne» et que «la position de l'Algérie est toujours équidistante». Pour ce qui est de la Palestine, le président de la République a réitéré la position «indéfectible et inconditionnelle» de l'Algérie en faveur du droit du peuple palestinien à recouvrer l'ensemble de ses droits usurpés et à établir un Etat indépendant dans les frontières de 1967, en toute souveraineté, avec El Qods pour capitale, sur la base de l'initiative arabe pour la paix.

Concernant le conflit au Sahara occidental, le Président Tebboune a affirmé que pour l'Algérie, c'est une question de décolonisation. «Le Sahara occidental est la dernière colonie en Afrique et le peuple sahraoui doit exercer son droit à l'autodétermination», a-t-il affirmé. Evoquant la situation au Sahel, le Président Tebboune a rappelé la participation de l'Algérie à la relance de l'accord de paix et de réconciliation au Mali, issu du processus d'Alger, faisant observer que des années après la signature de ce document par les parties maliennes, le Comité de suivi de l'Accord pour la paix et la réconciliation au Mali (CSA)avait organisé récemment une réunion à Kidal (nord du Mali), sous les auspices des autorités maliennes afin d'appliquer les clauses de cet accord et rétablir la paix au nord du Mali. Saluant cette réalisation, le Président Tebboune a souhaité «une conjugaison des efforts avec les autres pays œuvrant à l'instauration de la stabilité au Mali et de la quiétude et le calme pour nos frères dans ce pays». A la fin de son discours, le chef de l'Etat a indiqué que d'autres décisions allaient être prises à l'avenir, soulignant que «le temps nous est compté» : «Toutes les dispositions de la nouvelle Constitution entreront en vigueur dans quelques mois», a-t-il soutenu, estimant que «les véritables solutions sont les solutions pérennes et institutionnelles et non les aléatoires qui reposent sur une ou deux personnes».