Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Mondialiser la lutte contre la pandémie

par Carlos Alvarado Quesada (1) et Tedros Adhanom Ghebreyesus (2)

SAN JOSÉ - Même si la pandémie de Covid-19 s’est déclarée il y a moins de six mois, nous en avons déjà beaucoup appris sur cette maladie. Des scientifiques du monde entier mettent au point de nouvelles méthodes afin de dépister le plus tôt possible le nouveau coronavirus. En plus de ces pistes de recherches, huit vaccins potentiels ont déjà atteint l’étape des essais cliniques et plus de 100 vaccins expérimentaux sont au stade de développement préclinique.

Tout cela constitue un avancement spectaculaire dont nous devons nous réjouir. Cependant, il y a lieu de craindre que beaucoup soient laissés pour compte. En effet, l’élaboration des tests, des traitements et des vaccins contre le coronavirus ne constitue que la moitié de l’équation. L’autre moitié, qui sera sans doute la plus ardue à résoudre, est de fabriquer, distribuer et administrer assez de ces outils qui sauvent la vie de tous, peu importe l’endroit où ils résident.

Dès les débuts de la pandémie, le Costa Rica et l’Organisation mondiale de la santé se sont penchés sur la création d’un guichet unique. Celui-ci rassemblerait les données, connaissances et propriétés intellectuelles relatives aux tests de dépistage, aux vaccins, aux médicaments ou à tout autre outil permettant de lutter contre la COVID-19. Depuis le 29 mai, cette initiative visionnaire s’est concrétisée avec l’inauguration du Groupe d’accès aux technologies contre la COVID-19; qui veillera à ce que les avancées ne laissent personne en plan.

 Lorsqu’elles sont judicieusement dirigées, les recherches librement accessibles dans le monde entier atteignent des résultats beaucoup plus rapidement que les initiatives isolées. L’essai clinique «Solidarity» lancé par l’OMS dans le but de trouver un traitement à la COVID-19 suit le même principe. Celui-ci recueille déjà des données randomisées dans 17 pays et plus de cent autres pays ont participé au programme des essais ou ont exprimé le souhait d’y prendre part. Plus de pays s’impliquent, plus vite nous obtiendrons des résultats. C’est pourquoi l’OMS soutient également 60 pays en rapport à des problèmes connexes comme la réglementation, l’éthique et l’approvisionnement des médicaments.

Un système transparent fondé sur un partage volontaire des informations n’est pas seulement bon pour la science. Il optimisera également le nombre d’entreprises impliquées dans la production des technologies en demande. L’accès mondial sera donc étendu et les coûts minimisés, ce qui permettra d’assurer un accès universel. L’accès équitable est un ingrédient clef du remède à la COVID-19. Les vaccins ou les traitements, quelle que soit leur efficacité, ne parviendront à enrayer la pandémie que si tout le monde est immunisé. Jusqu’à ce que tout monde soit protégé, la planète restera à risque.

C’est pourquoi nous saluons le Royaume-Uni pour son engagement à rendre les vaccins accessibles aux pays en développement au plus bas coût possible, dans le cadre de son programme d’aide de 84 millions de £ (103 millions de $) pour des recherches menées à l’Université d’Oxford et à l’Imperial College London. Nous souscrivons également à la conviction du président français Emmanuel Macron selon laquelle chaque traitement ou vaccin contre la COVID-19 produit dans l’hémisphère Nord devrait être accessible immédiatement dans l’hémisphère Sud afin de privilégier une distribution simultanée plutôt qu’échelonnée.

Dès qu’un vaccin contre la COVID-19 entre en production, il devrait être traité comme un bien public mondial. Pour ce faire, nous demandons à tous les États de veiller à ce que les résultats des recherches sur la COVID-19 financées publiquement soient abordables, accessibles et distribués pour tous dans le monde entier.

Nous convions également l’industrie pharmaceutique ainsi que les institutions de recherche compétentes à partager leurs connaissances, données et découvertes à travers le nouveau groupement d’accès. Ainsi, les petites et grandes entreprises pourront s’associer à l’effort collectif mondial. Impliquer davantage d’entreprises fera progresser nos connaissances et diversifiera leur application. Ceci augmentera les probabilités que des solutions efficaces soient développées et acheminées à un plus grand nombre et dans plus d’endroits.

Vaincre la COVID-19 exigera des avancées sans précédent sur le plan des innovations technologiques et de la collaboration internationale. Heureusement, plusieurs pays réunissent déjà leurs efforts afin de mettre en œuvre une vision commune de la santé universelle.

 Par exemple, l’Assemblée générale des Nations unies et l’Assemblée mondiale de la Santé ont toutes deux adopté des résolutions en appui à un accès universel, équitable et immédiat aux technologies de la santé. Les chefs de file des secteurs de la santé privés et philanthropiques se sont joints à 11 chefs d’État pour appuyer l’inauguration de la collaboration internationale de l’OMS qui vise à accélérer l’accès aux outils de lutte contre la COVID-19 (ACT), qui met également l’accent sur l’accessibilité. De plus, des investisseurs du monde entier préparent maintenant leurs engagements pour le Sommet mondial sur la sécurité vaccinale du 4 juin prochain.

Avec l’inauguration de l’accélérateur d’accès aux outils de lutte contre la COVID-19 (ACT), nous comptons appuyer les années de travail de l’organisation internationale Medicines Patent Pool qui négocie des licences axées sur les produits pharmaceutiques. Cette initiative a amélioré l’accès aux traitements du VIH, de la tuberculose et de l’hépatite C à travers le monde.

Cependant, encore plus de solidarité mondiale est nécessaire afin de lutter contre la crise actuelle. Tous les agents d’innovation des secteurs pharmaceutiques et technologiques doivent faire le nécessaire afin que leurs découvertes deviennent des lueurs d’espoir pour tout le monde et non seulement pour les mieux nantis et les pays développés. Combattre la COVID-19 requiert un arsenal mondial et chaque outil s’avérant utile doit être pris en considération.

Traduit de l’anglais par Pierre Castegnier
1- Président du Costa Rica.
2- Directeur général de l’Organisation mondiale de la santé.