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Enquête du journal français l'Obs: Les biens immobiliers d'ex-responsables algériens à Paris

par Yazid Alilat

  Ce n'est pas dans les quartiers sensibles comme Barbès, la Courneuve ou les banlieues parisiennes que d'ex-membres de gouvernements successifs algériens et « patrons » d'industrie ont posés leurs valises en France.

Une enquête de l'hebdomadaire parisien l'Obs a révélé jeudi les biens immobiliers somptueux acquis dans les quartiers « chics » de la capitale parisienne par ces ex-ministres, membres du gouvernement, des patrons d'industrie et les membres de leurs familles. Et, bien entendu, l'enquête de Céline Lussato épingle des noms connus par les Algériens, déjà cités dans le scandale des Panama Papers : il s'agit notamment des ex-ministres des Affaires étrangères Mohamed Bedjaoui, de l'Industrie Abdeslam Bouchouareb, de Rym Sellal, la fille de l'ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal, actuellement incarcéré à la prison d'El Harrach, ou le sénateur Ould Zemirli.

L'enquête du Nouvel Obs parle également de Cherif Rahmani. Dans la liste, il y a également l'ex-SG du FLN et ancien président de l'APN Amar Saadani, mais également l'ancien chef du protocole de la présidence Mokhtar Reguieg, ainsi qu'Ayoub Aissiou, propriétaire de la chaîne El Djazairia One. Selon cette enquête, les concernés se sont bien sûr opposés à rencontrer la journaliste, qui dit avoir consulté les cadastres, les services de publicité foncière et les registres de commerce pour les besoins de son enquête. Une longue liste est apparue, mais seulement certains peuvent être cités avec des documents démontrant les faits. « En effet, des montages minutieux et des prête-noms impossibles à relier formellement aux bénéficiaires effectifs nous ont souvent empêchés d'aller au-delà du faisceau de présomption », soutient l'Obs.

L'hebdomadaire n'a publié que les cas « documentés », et donc que la partie immergée de l'iceberg reste encore inconnue. Selon cette enquête, l'ex-chef de la diplomatie algérienne Mohamed Bedjaoui réside dans l'un des quartiers les plus huppés de Neuilly, face au bois de Boulogne et à deux pas de la Fondation Louis Vuitton, là où l'ex-président français Nicolas Sarkozy habite. Dans un premier temps, Bedjaoui avait affirmé à la journaliste au téléphone n'avoir rien à se reprocher et accepté de la recevoir, mais a finalement changé d'avis. « Monsieur Bedjaoui n'a aucune raison de vous parler. Ces questions doivent être réglées entre Algériens », lui aurait lancé un ami de l'ancien ministre devant l'entrée de l'immeuble de style haussmannien. Mohamed Bedjaoui a donc refusé d'expliquer à la journaliste, selon elle, comment « ses revenus de haut fonctionnaire [en Algérie] lui [auraient] permis d'acheter en 2011 ce très grand appartement à une princesse saoudienne pour 3,45 millions d'euros ».

D'autre part, l'ex-ministre de l'Industrie Abdeslam Bouchouareb est également cité dans cette enquête de l'hebdomadaire parisien. Sous le coup d'un mandat de recherche international lancé par l'Algérie dans le cadre des enquêtes en cours sur la corruption et les détournements de fonds, Bouchouareb se serait quant à lui établi en bordure de Seine face à Notre-Dame dans un «156 mètres carrés acheté, à son nom, 1 180 000 euros en 2006 - dont 580 000 payés comptant - et estimés aujourd'hui entre 2,5 et 3 millions d'euros ». Selon l'Obs, Bouchouareb y vivrait actuellement cloitré.

Par ailleurs, Rym, la fille de l'ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal, avait acheté en 2016 pour 860.000 euros un luxueux appartement sur les Champs Elysées, près de l'hôtel Claridge, alors qu'elle était encore étudiante. Dans la foulée, la même source cite également l'ancien chef du protocole de la présidence de la République, Mokhtar Reguieg, qui a acheté un petit appartement au XIIe arrondissement de Paris au nom d'une SCI (Société civile immobilière) au prix de 320 000 euros. Il l'a payé comptant, précise l'Obs, qui s'interroge sur l'origine de l'argent. Diplomate de carrière, M. Mokhtar Reguieg, avant de rejoindre Abdelaziz Bouteflika à la présidence comme chef du protocole, occupait le poste d'ambassadeur d'Algérie à Rome. Il y a par ailleurs l'appartement de Neuilly-sur-Seine de l'ex-président de l'APN, Amar Saadani, un pied-à-terre parisien de 101 mètres carrés de quatre pièces acquis en 2009 pour la coquette somme de 665.000 euros au nom d'une SCI, l'Olivier, dans laquelle il est associé à des membres de sa famille. Enfin, il y a le sénateur Bachir Ould Zemirli, un milliardaire exerçant dans l'agroalimentaire, qui figure aussi parmi les oligarques cités par l'Obs, ainsi que son gendre Ayoub Aissiou, propriétaire de la chaîne El Djazaïria One. À eux deux, ils possèdent plusieurs SCI qui gèrent un hôtel et plusieurs appartements. Par exemple, l'appartement très haut standing acquis pour 3,4 millions d'euros en 2011 est un cinq-pièces situé dans le VIIe arrondissement. Autre exemple : un appartement de 150 mètres carrés qu'ils ont acquis en 2014 pour le prix de 933.000 euros et qui coûterait aujourd'hui près de 2 millions d'euros. Contacté par l'Obs, Ayoub Aissiou n'a donné aucun détail sur les biens et leur financement, assurant que « je n'ai rien à me reprocher, je suis résident en France et d'ailleurs, j'y suis locataire ». Enfin, Cherif Rahmani, l'ex-gouverneur d'Alger, est également cité dans cette enquête, qui revient sur son appartement de 84 mètres carrés au 2e étage d'un immeuble situé dans le XVIe arrondissement de Paris. Le prix de son acquisition a été de 878.000 euros, mais il vaut aujourd'hui au moins un million d'euros. L'enquête de l'Obs confirme par ailleurs les scandales déjà révélés des fuites de capitaux algériens, placés dans des sociétés offshore ou dans des paradis fiscaux qu'avait révélé le scandale des Panama Papers, ou les informations fuités de Swiss Leaks sur les clients algériens de la banque britannique HSBC.