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Une autre échéance à prendre avec des pincettes: Le nouveau palais de justice devrait être livré en octobre

par Houari Saaïdia

  «Avec cet édifice, nous sommes en droit de prétendre au prix national d'architecture décerné par le président de la République», s'enorgueillissait le DEP en descendant les marches. Si l'on fait abstraction des 5 ans de retard, des dizaines de tares dans l'étude, de l'avenant de +100% et des défaillances dans le suivi 2011-2013 et si l'on se fie à la première impression de façade on peut ne pas en disconvenir.

Le commentaire à mi-chemin entre le positiviste et le prétentieux fait par le directeur des Equipements publics (DEP, maître d'ouvrage du projet centralisé du nouveau palais de justice d'Oran, à l'issue d'une visite effectuée par le chef de l'exécutif local en compagnie des deux chefs de cour, le président et le PG, avait ceci d'inopportun qu'il intervenait sur fond d'un sentiment commun de quelque chose qui a trop duré. Qui a consommé plusieurs échéances et autres effets d'annonce, bouffé beaucoup d'argent et, surtout, nécessité le recours au système D pour corriger pas mal de gaffes au niveau de l'approbation de l'étude, notamment en ce qui concerne l'aménagement intérieur et la question élémentaire des normes des salles d'audience.

Retour en arrière, le 15 décembre 2015. En visite d'inspection au chantier, le ministre de la Justice et garde des Sceaux, Tayeb Louh, s'était alors étonné de constater des prétoires en phase de finition aussi spacieux que des salles de fêtes ou de foot - pour reprendre ses propos - non sans dresser sur place et sous les feux des médias un réquisitoire au style raffiné et tout autant satirique contre les deux chefs de la cour, à qui il leur avait reproché, en leur qualité de représentants directs de l'utilisateur de cet équipement public - le secteur de la Justice en l'occurrence - d'avoir laissé trop libres les intervenants administratifs et techniques dans ce projet (le maître d'ouvrage délégué, le maître d'œuvre, l'entreprise de réalisation et le bureau de suivi et de contrôle (BSC).

QUAND C'EST LE MINISTRE LUI-MEME QUI CORRIGE DES BETISES TECHNIQUES

«Ce n'est pas à vous que j'apprendrai qu'il est impossible de tenir des audiences dans un tel cadre. Le juge a besoin de sérénité pour rendre justice et ce n'est certes pas dans ces grands espaces qu'il trouvera cette sérénité. Comment voulez-vous qu'il statue sur les dossiers, diligente les débats, dirige les plaidoiries? s'il ne peut maîtriser ni la scène ni l'arrière-scène dans ces salles aux dimensions hors normes ?». Le ministre avait quitté les lieux en annonçant qu'il allait revenir le 5 juillet de l'année suivante, 2016, pour la cérémonie de réception de l'infrastructure, instruisant les uns et les autres de rectifier toutes les erreurs dans l'intervalle. Vu l'ampleur de ce qui restait à réaliser alors, d'aucuns jugeaient que l'échéance, plutôt politique, avancée par le garde des Sceaux, était mission impossible. Le 20 juillet 2017, une année après la «fausse annonce», M. Louh est revenu à Oran, délivrant à qui voulait l'entendre une nouvelle échéance, fin 2017. Il avait assuré dans la foulée que son département allait prendre en charge la totalité des besoins financiers notifiés par la wilaya d'Oran pour parachever les différents projets du secteur local de la Justice (le nouveau siège de la cour, les deux tribunaux d'Es Sénia et de Bir El Djir, les deux établissements pénitentiaires de Bir El Djir et de Misserghine, le centre régional des archives judiciaires, notamment). Au crédit de l'actuel wali d'Oran, Mouloud Cherifi, qui a hérité d'un chantier en souffrance, qu'il s'agisse du palais de justice que de la prison de Bir El Djir sur la bordure du 4ème périphérique, il faut noter son processus d'accompagnement et de suivi de très près de ces projets à coups de visites très rapprochées dans le temps, ce qui a permis de rattraper une bonne partie du retard et de réaliser en un temps record un bond considérable dans le taux d'avancement physique. Tout en levant les contraintes, notamment les situations financières impayées, le chef de wilaya met la pression sur l'entreprise de réalisation chinoise ZIEC et les autres entités algériennes intervenant au niveau de l'aménagement intérieur, pour livrer l'équipement en octobre 2018, soit dans 3 mois.

UNE ECHEANCE EN CHASSE UNE AUTRE

Les travaux ont été lancés, pour rappel, en septembre 2011 par l'ancien ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, et l'infrastructure devait être réceptionnée en mars 2013. On aurait pu penser que compte tenu de l'importance d'une telle infrastructure dans la vie publique, a fortiori pour une ville de la stature d'Oran, le nouveau palais de justice n'aurait pas souffert des retards que tous les chantiers algériens connaissent. Il n'en est rien car le bâtiment judiciaire qui doit abriter les services de l'actuel palais de justice sis square Maître Thuveny à Plateau, affiche déjà cinq années de retard. Les traditionnelles embûches qui entravent les projets de construction en Algérie, notamment les réévaluations budgétaires et les contraintes techniques, en ont décidé autrement et, à ce jour, la construction n'est pas encore achevée. Initialement doté d'une enveloppe budgétaire prévisionnelle de 1,5 milliard de DA avant d'être réajusté à hauteur de 2,8 MDA, le nouveau palais de justice qui s'étend sur 31 000 m², dont 23 000 m² bâtis, comprendra notamment 8 salles d'audience, plus de 200 bureaux, une salle d'archives de 2 000 m², un salon d'honneur, une salle de réunion, une salle de conférences, une bibliothèque et un parking pour 200 véhicules.