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Libye, Irak, Afghanistan?

par Ghania Oukazi

  L'OTAN met en avant la Ligue arabe pour justifier ses raids militaires aériens sur la Libye. Elle reproche aussi à «la communauté internationale» de n'avoir pas assumé ses responsabilités en refusant de mener «une opération de maintien de la paix» dans ce pays.

«Nous sommes intervenus militairement sur demande de la Ligue des Etats arabes», tiennent à répéter des responsables au quartier général de l'OTAN à Bruxelles. Pour eux, «c'est la Ligue arabe, la première, qui avait demandé aux Nations unies d'ordonner une zone d'interdiction aérienne sur la Libye». Leur autre justificatif : «Nous sommes intervenus pour protéger les populations libyennes contre Kadhafi pour protéger des vies humaines». Les mêmes responsables à l'OTAN rappellent aussi que «quatre pays arabes ont participé à l'opération militaire : le Maroc, le Qatar, la Jordanie et les Emirats arabes unis». L'Opération de l'OTAN, soulignent-ils, «était limitée». Leur remarque, «nous avons mené nos raids aériens sous mandat de l'ONU après l'adoption de deux résolutions par son Conseil de sécurité». Résolutions qui, faut-il le rappeler, ont été arrachées par la France de Nicolas Sarkozy. L'intervention était, disent-ils, «pour imposer une zone d'interdiction aérienne et un embargo sur les armes, le Maroc était un de nos partenaires, l'OTAN n'a pas d'armée, elle agit à travers des armées internationales et nationales». L'Alliance retire toute responsabilité quant aux conséquences désastreuses de ses attaques militaires contre la Libye. Ses responsables font part de «beaucoup d'incompréhension après l'intervention en Libye, l'OTAN a été beaucoup maltraitée, il y a eu même des échanges de reproches entre alliés». Leur explication de la déflagration de tout un pays, «le résultat n'est pas celui de l'OTAN, on n'a pas détruit la Libye, après notre intervention, c'était à la communauté internationale de prendre ses responsabilités en dirigeant une opération de maintien de la paix, mais elle ne l'a pas fait». Aujourd'hui pour l'OTAN, «la crise en Libye est endogène au pays, autochtone, tribale, il n'y a pas d'institutions, il y a des ministres mais pas de ministères, il faut une solution internationale». Elle n'en démord pas. «L'Organisation n'avait pas toutes les clés pour résoudre les problèmes en Libye», soutiennent ses responsables. «Après, il y a eu des interventions individuelles de membres de l'OTAN comme celle qui a tué Kadhafi», reconnaissent certains d'entre eux. Mieux, à la question «qui a tué Kadhafi ?», ils répondent à demi-mot. «C'est un pays, ce n'est pas l'OTAN»

Simple précision, «sur les 29 Etats membres de l'OTAN, 22 sont membres de l'Union européenne». Il est mentionné que «l'Union européenne avait refusé qu'il y ait un embargo sur les armes en Libye»

L'OTAN rassure en indiquant qu'Esseradj est venu deux fois à son siège à Bruxelles. «Il a demandé de l'aider à développer les institutions de défense et la formation des personnels des services de sécurité». Des diplomates de l'Organisation ont aussi rencontré au début de cette année à Tunis des responsables libyens. «Nous avons ensemble un programme de coopération sous contrôle du gouvernement civil», est-il dit.

Les stages de formation ont été retardés pour ne commencer que «dans quelques mois, parce que certains alliés pensent que ça brouillerait le processus du dialogue politique», est-il avancé. L'Alliance se dit «prête à aider les Libyens pour former et construire leurs capacités de défense», en précisant qu'«on n'intervient jamais dans les affaires internes des pays». L'OTAN, est-il souligné encore, «ne déclare pas de guerre ; ses membres craignent toute intervention militaire ; on ne le fait pas par choix» L'Alliance n'a jusqu'à ce jour aucun règlement qui oblige ses Etats membres à ne pas mener de guerre contre le reste du monde sans qu'ils soient véritablement menacés. Au regard des programmes de «reconstruction» qu'elle propose «à leur demande» aux pays ravagés par les guerres souvent provoquées par les Etats-Unis, un de ses membres les plus influents, l'OTAN semble se complaire à un partage de rôles qui ne dit pas son nom. L'Irak et l'Afghanistan seraient les témoins parfaits de telles situations kafkaïennes. L'Organisation note qu'«en 2003 on n'a pas cautionné l'intervention américaine en Irak, parce que nous avons estimé qu'il n'y avait pas de menace». Ce qui ne signifie pas qu'elle était contre l'attaque américaine, loin s'en faut, elle la considère même nécessaire «contre la dictature de Saddam». Ses responsables parlent aujourd'hui de «catastrophe humanitaire sans précédent en Irak».       

Ils reconnaissent que «certes, Daesh y a été vaincu, mais ses éléments y sont toujours présents». La réflexion «atlantiste» a reposé après le désastre américain sur «comment aider les forces militaires irakiennes pour sécuriser le pays, le stabiliser et le défendre». L'Organisation affirme avoir un programme de coopération avec l'Irak pour la formation de ses services de sécurité et le renforcement de ses capacités de défense.

L'Afghanistan est cette autre faute commise par les Etats-Unis à travers des opérations militaires menées par l'OTAN pour éliminer les Talibans. Annoncée en 2001 comme étant «l'offensive du printemps», les interventions militaires durent à ce jour et les Talibans continuent de sévir. «La situation en Afghanistan est très complexe», avouent des responsables atlantistes qui affirment que «le manque de stabilité en Afghanistan est parce que des Talibans tuent d'autres Afghans». Ils font savoir cependant que «les interventions militaires aériennes ont diminué de 50%». Ils estiment que «c'est le gouvernement afghan qui doit combattre les Talibans. Ce sont les Afghans qui mènent toutes les opérations militaires. La guerre est difficile. Il y a eu 9% de victimes de plus en 2017 par rapport à 2012». Après de longues années de guerre, l'OTAN fait part aujourd'hui «d'une avancée», à savoir que «le consensus est que la paix ne vient que par la négociation». Ce qui fait dire à ses responsables qu'«on est prêt à laisser les Afghans régler leurs problèmes tout seuls»

Seul le conflit israélo-palestinien ne fait pas partie des préoccupations de l'OTAN. «Le conflit n'est pas actuellement inscrit à l'ordre du jour de L'Alliance, on en parle beaucoup dans les milieux politiques et universitaires (?)». Le seul conflit auquel l'Alliance tourne le dos, fermant ainsi les yeux sur les monstruosités israéliennes agissant en toute impunité en maître des lieux, de la région et plus encore. «Aucune partie n'a sollicité l'OTAN pour qu'on puisse intervenir», avancent ses responsables. Protéger les Palestiniens contre le terrorisme d'Etat israélien ? «Nous ne sommes pas mandatés pour le faire», répondent-il simplement. Le Conseil atlantique n'en fait jamais cas. Les Etats-Unis et les alliés d'Israël ne le permettront pas.