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Après les accusations de Rabat contre l'Iran: Les chiites marocains demandent des preuves

par Yazid Alilat

Les chiites marocains, après un silence qui aura duré un mois, sortent de leur réserve et demandent au ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, de fournir les preuves de ses accusations, quant à l'implication de l'Iran et du Hezbollah libanais dans la « fourniture » d'armes au Front Polisario.

En effet, le 1er mai dernier, le Maroc avait annoncé officiellement, qu'il rompait ses relations diplomatiques avec Téhéran, l'accusant de soutenir et de fournir des armes, via le Hezbollah, au Polisario. Des personnalités chiites marocaines ont, en effet, réagi aux déclarations du chef de la diplomatie marocaine, et lui ont demandé d'en fournir les preuves, et, mieux, de rendre publiques les preuves du soutien du Hezbollah au Front Polisario. Issam Hassani, porte-parole de l'ONG ?Ressalis progressistes'', et une des personnalités chiites du royaume, a estimé, dans des déclarations de presse que pour lui, ?il n'y aura pas de répercussions négatives sur les chiites marocains', à la suite de cet épisode. Selon lui, et après les graves accusations de la diplomatie marocaine contre l'Iran et le Hezbollah, qu'il est du droit « du peuple marocain de prendre connaissance, de toutes les données concrètes matérielles, ayant justifié cette décision politique ». « Tout ce qui a été dit jusqu'à présent n'est que simples paroles dépourvues de toute preuve », ajoute-t-il. Il va plus loin en répondant aux accusations de son pays sur la présumée implication de l'attaché culturel à l'ambassade iranienne à Alger, Amir Moussavi, accusé par Rabat d'avoir « joué le rôle de médiateur entre le Hezbollah et le Front Polisario ». Selon Issam Hassani, le diplomate iranien, en poste à Alger est un « analyste politique occupant le poste de conseiller culturel et dont les activités et la communication avec les élites culturelles algériennes ont irrité les Saoudiens et les Wahhabites ». « Ce sont ces mêmes parties qui, aujourd'hui, soutiennent le scénario de mauvaise qualité, évoquant l'éventualité d'un soutien de l'Iran au Polisario, via le Hezbollah », ajoute t-il. Et, « en l'absence de preuves matérielles, sur ce scénario présumé, et à la lumière des démentis officiels des autres parties (Iran et Hezbollah, ndlr), je ne peux que supposer qu'un tiers est entré en jeu pour fournir au Maroc, une version incorrecte afin de provoquer la rupture des liens entre les deux pays », croit-il savoir.

Sur l'Algérie, il donne au passage une leçon de diplomatie: selon lui, « les diplomates marocains doivent posséder des qualités comme la sagesse et la patience. Le Maroc, qui maintient ses relations diplomatiques avec l'Algérie (...) n'est pas le même qui se précipite pour rompre ses relations diplomatiques avec l'Iran. » Même posture de l'activiste chiite marocain, Mohamad Mohammadi, qui rappelle, au passage, que « les chiites au Maroc ne sont pas un peuple expatrié comme certains peuvent le croire ». Cité par Yabiladi.com, il explique que les chiites marocains « font partie de la société marocaine, dans laquelle ils vivent et à laquelle ils appartiennent, peu importe leur nombre et le chiisme ne se faisait jamais aux dépens des nations et des peuples. »

Pour lui, « la relation entre les chiites au Maroc avec l'Iran, et les tentatives de les accuser d'être des agents à la solde de Téhéran, sont sans fondement », estimant que « les relations entre les chiites marocains et l'Iran restent incomparables aux relations entre salafistes du Maroc avec l'entité saoudienne, et la relation entre les organisations des Frères musulmans, le Qatar et la Turquie ». Sur la décision de Rabat de rompre ses relations diplomatiques avec l'Iran, il a estimé que « celui qui suit les réactions des intéressés et même ce qui a été publié sur les réseaux sociaux, remarque que tout le monde a appelé le ministère marocain des Affaires étrangères de rendre publiques les preuves évoquées ».

Lorsqu'il a annoncé que son pays a décidé de rompre ses relations diplomatiques avec l'Iran et accusé le Hezbollah libanais de fournir des armes au Front Polisario, le ministre marocain des Affaires étrangères avait déclaré que « le Maroc dispose de données précises, de preuves tangibles, concernant le soutien politique, médiatique et militaire du Hezbollah, au Polisario, en connivence avec l'Iran ». Sauf que l'Iran et le Hezbollah libanais avaient totalement réfuté les accusations du Maroc, estimant qu'il fait le jeu des Etats-Unis, de l'Arabie Saoudite et d'Israël.

Le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, avait lors d'une conférence de presse parlé « de preuves irréfutables et détaillées, sur le rôle du Hezbollah, avec l'implication de l'ambassade iranienne, à Alger, dans des actions de formation militaire, de livraison d'armes et d'entraînement à des opérations de guérillas urbaines ».

Ce que n'a pas manqué de rejeter l'ambassade iranienne à Alger, qui a nié, avoir un lien avec les activités du Polisario, dans un communiqué publié par l'Agence de presse iranienne IRNA. L'Iran avait, officiellement, rejeté les accusations de la diplomatie marocaine, qui « sont fausses ». Le ministère des Affaires étrangères iranien avait souligné que « les remarques attribuées au ministre des Affaires étrangères marocain (Nasser Bourita) sur une coopération entre un diplomate iranien et le Front Polisario sont mensongères », ajoutant que : « l'Iran dément, fermement, ces accusations et déplore qu'elles servent de prétexte à une rupture diplomatique ».

Le Hezbollah libanais avait dénoncé « ces allégations » dans un communiqué rendu public, quelques heures après l'annonce du ministre marocain. « Il est regrettable que le Maroc nous adresse ces accusations sans fondement, sous la pression des Etats-Unis, d'Israël et de l'Arabie saoudite », affirme le Hezbollah, selon lequel « la diplomatie marocaine aurait dû trouver un argument plus convaincant pour rompre ses relations avec l'Iran ». Les pays du Golfe avaient, évidemment, fortement soutenu et encouragé la décision marocaine de rompre ses relations diplomatiques avec l'Iran.