Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Les médecins résidents à Bouteflika: «Rendez-nous nos droits !»

par Yazid Alilat

Après plusieurs séance de négociations avec le ministre ou ses représentants, une grève de près de six mois qui se poursuit et des manifestations réprimées ou empêchées par la police, ainsi que le boycott des examens de DEMS, les médecins résidents et dentistes viennent de frapper à la dernière porte pour trouver une oreille attentive à leurs revendications.

Dans ce bras de fer avec le ministère de la Santé, et dans une moindre mesure avec celui de l'Enseignement supérieur, ils ont déjà été déboutés par une déclaration du Premier ministre et qui n'a pas donné suite au dossier de leurs revendications.

C'est donc vers le président Bouteflika que s'est tourné le Collectif autonome des médecins résidents algériens (Camra), auquel il a transmis vendredi une lettre pour solliciter son intervention dans ce dossier. Dans cette lettre, le Camra explique au président que ce recours au premier magistrat du pays se justifie par l'échec des différentes séances de négociations avec la tutelle.

Le Camra explique ainsi dans sa lettre ouverte au chef de l'Etat que les différentes séances de discussions avec le ministère se sont soldées par un échec, et qui ont été « longues et nombreuses », avant de relever « les déclarations de certains responsables comportant des accusations mensongères » contre les médecins résidents.

Le Camra a en outre manifesté sa crainte que la cause des médecins résidents, « légitime et légale se transforme en un atout que pourraient utiliser les opportunistes qui placent leurs intérêts personnels avant ceux du peuple ».

Les résidents qui voudraient que leurs revendications parviennent au président « pures et exemptes de toute interprétation ou altération », se sont dit certains que le chef de l'Etat « est le défenseur des opprimés et protecteur de la Constitution ». « Nous, médecins résidents refusons de nous soumettre à d'autres valeurs que celles de l'élévation et de la justice et luttons avec force contre les tentatives d'humiliation », poursuit le message du Camra transmis au président. La même lettre accuse, sans les citer, les responsables des ministères de tutelle, l'Enseignement supérieur et la Santé, d'être à l'origine de cette situation.

«Les premiers à lutter contre le désert médical»

Le Camra, qui a détaillé au président ses revendications, affirme par ailleurs dans cette lettre que les milliers de médecins résidents sont «les premiers à lutter contre le désert médical», estimant que les médecins résidents «sont l'objet de pressions, de discriminations et d'injustice». Expliquant également qu'ils ne refusent pas d'accomplir le service national, ils ont dénoncé cependant des mesures «discriminatoires » à leur égard, qui les «excluent des dernières mesures de dispense» décidées par le ministère de la Défense nationale.

D'autre part, le Camra écrit que « c'est l'entêtement de l'administration et du ministère de tutelle et ses efforts continus pour déformer les revendications qui ont mené à l'impasse et à l'aggravation de la crise». Dès lors, l'intervention du président, selon le Camra, est « la seule garantie pour mettre un terme à cette farce indigne de l'Algérie de la dignité ». Le Camra demande enfin au premier magistrat du pays de « leur rendre justice ». « Confiants en votre capacité à satisfaire toutes les revendications portées par les médecins résidents dans les spécialités médicales, pédagogiques, biologiques ainsi que dans les spécialités pharmaceutiques et de médecine dentaire, nous vous prions de nous rendre justice et de nous accorder nos droits légitimes ».

Le conflit entre le collectif des résidents et le ministère de la Santé s'est enlisé depuis le début du mois de mai, lorsque le Camra avait refusé de se joindre à une réunion convoquée par l'inspecteur général du ministère par simple « SMS ». Depuis, le dialogue est rompu entre les deux parties. Si le ministère estime qu'il a donné des garanties solides pour satisfaire les revendications des médecins résidents, ceux-ci répondent que les propositions de la tutelle restent floues, notamment pour l'application des nouvelles modalités du service civil et le service national. Les médecins résidents, selon le Dr Nabil Kellal, spécialiste en pédiatrie au CHU Hassiba Ben Bouali de Blida, demandent ainsi « un débat, un dialogue, des discussions avec le ministre lui-même, et non pas avec un SG ou un inspecteur au ministère ». Il a également affirmé que « pour le service civil, nous n'avons jamais demandé à ce que nos propositions soient appliquées immédiatement, mais selon un calendrier ».

Le dernier round de discussions avec le ministre de la Santé, le Pr Mokhtar Hasbellaoui, qui a fait d'autres propositions au Camra, dont un aménagement de la durée du service civil, et la prise en charge des médecins affectés dans les régions du Sud dans le cadre de ce service civil, n'a pas débouché sur une sortie de crise.

Selon le Camra, les propositions faites par le ministère sont en deçà de leurs attentes, en particulier pour le service civil, qu'ils ne veulent pas supprimer, mais aménager selon les spécialités. Globalement, les propositions du ministère portent sur la réduction à une année du service civil dans le Sud et celle du nombre de spécialités concernées, l'attribution d'un logement et d'une prime de 20.000 à 60.000 DA, ainsi que l'aménagement et l'équipement des plateaux techniques dans les wilayas d'affectation dans le cadre du servi ce civil, le droit au regroupement familial pour les couples de médecins, le droit à un billet d'avion par année vers les wilayas de l'extrême Sud, outre l'autorisation d'exercer une activité complémentaire dans le secteur privé. «Pour nous, ces propositions sont des mesures incomplètes, et on veut plus de précisions et d'engagement du ministère », nous a expliqué le Dr Nabil Kellal. Depuis le 1er mai, les médecins et dentistes résidents observent un arrêt total des gardes et du service minimum, alors que les directions des CHU ont tenté, sans succès, de procéder à des réquisitions, comme l'a exigé le ministère.