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Rencontre de haut niveau à Alger: Comment lutter contre le financement du terrorisme ?

par Moncef Wafi

Le financement du terrorisme en Afrique reste l'un des dossiers les plus en vue sur la scène sécuritaire et les travaux de la réunion de haut niveau sur la question qui s'est ouverte, hier, à Alger, devaient répondre à nombre d'interrogations et résoudre des équations à plusieurs variables.

Les participants devront examiner trois volets : la situation du financement du terrorisme en Afrique, les bonnes pratiques, cadres juridiques et politiques pour la lutte contre le financement du terrorisme ; perspectives régionales et mondiales et les méthodes et techniques de financement du terrorisme. Présidant cette rencontre, le ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, a rappelé la vision de l'Algérie, plaidant pour la mise en place continentale d'une «stratégie cohérente» de lutte contre le financement du terrorisme dans ses différentes déclinaisons.

Le chef de la diplomatie algérienne a déclaré, en préambule de ces travaux, que «l'Afrique a besoin de mettre en place une stratégie cohérente de lutte contre le financement du terrorisme dans ses différentes dimensions» en intégrant dans sa stratégie le «développement économique et social, la modernisation des économies, l'encouragement de la transparence et la promotion de la bonne gouvernance».

En face, il a appelé à mieux cerner «la nature et l'ampleur» de cette menace ainsi que «l'évolution et la mutation de ces sources en Afrique». Tout en soulignant le nécessaire besoin «de cerner davantage l'évolution permanente des méthodes, mécanismes, procédés et canaux utilisés autant par les groupes terroristes que les groupes criminels pour déplacer et faire circuler leur argent», Messahel indiquera que le Groupe intergouvernemental d'action contre le blanchiment d'argent en Afrique de l'Ouest (GIABA) «a relevé au moins onze typologies de sources de financement du terrorisme». Ces sources d'argent incluent aussi bien le commerce et autres activités lucratives que l'action de certaines ONG et leur soutien à des organisations terroristes sous le couvert du caritatif, en passant par les traditionnels contrebande d'armes, trafic de drogues, contrefaçon de divers produits dont les médicaments et les psychotropes, la piraterie, l'argent des rançons, le trafic de biens culturels, la migration illégale, le transfert de fonds et la mendicité. Il a également relevé l'ampleur de l'«économie» du crime organisé, se basant sur un récent rapport publié en février 2018 par des organismes régionaux et internationaux qualifiés -OCDE, GIABA, BAD et NEPAD- qui représente «3,6% du PIB des quinze pays de l'Afrique de l'Ouest».

Abondant dans le même sens, le directeur adjoint du Centre africain d'études et des recherches stratégiques sur le terrorisme (CAERT), Idriss Lallali, qui a co-présidé l'ouverture de ces travaux, a indiqué «que le trafic de drogue, l'enlèvement contre la rançon, l'exploitation illégale des ressources naturelles, l'extorsion, la piraterie maritime, la cybercriminalité, la contrefaçon et l'occupation de territoires» sont également synonyme de trésorerie «non négligeable» pour les terroristes. Des sources de financement qui renforcent «leur capacité à acquérir des armes sophistiquées, à recruter de nouveaux membres, à étendre leur réseau d'appui et à élargir leur champ d'opérations», explique-t-il. Quant aux méthodes de lutte, Messahel a soutenu la «nécessité d'évaluer ensemble l'efficacité, à la fois, des stratégies mises en œuvre à ce jour et du cadre normatif et des instruments internationaux, régionaux et nationaux dont disposent actuellement les pays africains et la communauté internationale».

Pour cela, le ministre des AE a mis en avant la promotion d'«une meilleure coopération multiforme» entre les pays africains applicable aussi au niveau régional et international «notamment aux plans juridique, judiciaire, policier, financier». L'aspect financier dans le nouveau paysage djihadiste en Afrique a fait que «l'intéressement financier remplace de plus en plus la conviction idéologique dans les processus et campagnes de recrutement menés par les groupes terroristes», a encore affirmé Messahel.