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Sommet USA - pays musulmans à Ryadh: Guerre contre le terrorisme ou allégeance à Washington?

par Yazid Alilat

Le sommet des pays arabes et musulmans avec les Etats-Unis, entamé, hier, dimanche après-midi, au palais royal de Ryadh sonnait comme une sorte d'allégeance du monde musulman à la puissance militaire et économique américaine.

C'est en tout cas l'image que renvoyaient le protocole et l'agenda de ce sommet, qui a rassemblé les représentants de 55 Etats et gouvernements musulmans et arabes, dont l'Algérie représentée par le président du Conseil de la Nation, Abdelkader Bensalah. Le Président américain Donald Trump, arrivé un peu plus de 30 minutes après le dernier hôte reçu par le roi Selmane d'Arabie Saoudite, donnait vraiment l'impression de dominateur, après que les chefs d'Etat et de gouvernement présents avaient dû patienter, pour certains, plus d'une heure, dans le salon du palais royal. Les dirigeants arabes et musulmans devaient entamer, en fin de journée, un sommet de quelques heures consacré, presque entièrement, à la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme religieux. Mais, la pièce maîtresse de la lutte contre le terrorisme, la sécurité et la stabilité politique, dans les pays arabes et musulmans était absente: l'Iran. La Syrie, accusée de génocide contre son propre peuple et alliée de Téhéran, n'a pas été invitée, tout comme le Soudan de Omar El Bachir. Tout le monde sait en effet que ni Washington, ni Ryadh ne souhaiteraient associer Téhéran et ses alliés, à cette démarche globale de lutte contre le terrorisme, la coopération pour l'éradication de l'extrémisme religieux. Arrivé, samedi, à Ryadh, le président américain, qui a pu conclure des mégas contrats de 330 milliards de dollars, dont un contrat de 110 milliards de dollars, pour des équipements militaires, au profit de l'Arabie Saoudite, a en fait dominé les débats et imposé la position américaine, en matière de lutte contre le terrorisme. Les chefs d'Etat ou leurs représentants, à ce sommet, donnaient vraiment l'impression d'être venus écouter les recommandations de Donald Trump dans la lutte contre le terrorisme.

Le volet de la coopération économique et en particulier le blocage de la politique migratoire, prônée par le nouveau locataire de la Maison Blanche, n'étaient, tout simplement pas au menu de ce sommet, alors que Trump veut interdire, coûte que coûte, l'accès aux Etats-Unis, aux ressortissants de six pays musulmans, accusés de «pépinières» du terrorisme.

Dans son discours devant les participants à ce sommet, Donald Trump est allé plus loin que son prédécesseur, mais en assurant que «j'exprimerai la position du peuple américain de manière franche et claire», avait-il promis dans son allocution hebdomadaire, diffusée vendredi soir. Selon des extraits rendus publics par la Maison Blanche, de son discours, hier à Ryadh, qu'il devait prononcer aux environs de 17h locales, Donald Trump a, notamment, affirmé que la lutte contre le terrorisme, «ce n'est pas une bataille entre différentes religions (...) ou différentes civilisations. C'est une bataille entre des criminels barbares qui essaient d'anéantir la vie humaine et des gens biens, de toutes religions, qui cherchent à la protéger. C'est une bataille entre le bien et le mal».

Le discours du 45ème président américain sur l'Islam et l'extrémisme religieux ne devrait, cependant, pas franchir les limites d'une analyse académique de l'émergence du terrorisme et les moyens de le combattre. Mais, ce que craignent ses proches, c'est que devant les représentants des pays arabes et musulmans, moins l'Iran, la Syrie et le Soudan, il n'oublie de suivre le discours officiel et son téléprompteur pour se lancer dans des critiques, aux conséquences imprévisibles. Car son discours était attendu par tous, les participants a,u sommet de Ryadh, tout autant que les observateurs et les salles de marchés, les pays membres de l'OTAN, où il doit se rendre, après ce sommet. Même si, selon un de ses proches, son discours devrait être direct. Le conseiller à la sécurité nationale US, le général H.R. McMaster, a ainsi, promis un discours «source d'inspiration» mais aussi «franc». «Il sera très direct, en évoquant la nécessité d'affronter l'extrémisme et le fait que nombreux sont ceux, dans le monde musulman, qui n'ont, non seulement pas fait assez mais aussi encouragé cet extrémisme, au-delà des belles paroles de surface». Pour le président américain, la feuille de route de la future coopération entre les Etats-Unis et les pays arabes et musulmans tiendra, de toute évidence, compte de cette nouvelle vision qu'il veut imposer en matière de lutte contre le terrorisme et l'extrémisme. Il ne s'en est pas caché, dès son investiture, et même durant sa campagne électorale, qui avait de forts relents racistes, anti-islam et xénophobes. Car en décembre 2015, il avait proposé de fermer purement et simplement l'accès aux Etats-Unis, à tous les musulmans, le temps, disait-il, «de comprendre ce problème». En mars 2016, quelques mois avant le début de la campagne électorale, il avait affirmé que «je pense que l'Islam nous déteste. Il y a énormément de haine». Autant d'affirmations qui ont mis mal à l'aise, aux Etats-Unis, où une levée de boucliers a été enregistrée, ses adversaires politiques et détracteurs, estimant qu'il a enfreint la Constitution des Etats-Unis. Sur un autre registre, ce premier sommet du Président Trump doit se pencher sur les mesures supplémentaires à prendre pour mettre fin au financement des organisations terroristes, car la Maison Blanche a à ,plusieurs reprises, appelé à une implication «plus forte» des pays du Golfe, dans la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme. En clair, les participants à ce sommet, américains, pays arabes et musulmans doivent mettre en place de nouveaux mécanismes de lutte contre l'extrémisme religieux, contre ses sources de financement, contre le terrorisme et ses relais dans le monde. Il s'agissait également, de mettre en place un agenda commun pays arabes et musulmans / Etats-Unis pour définir «les contours d'une vision commune sur la sécurité mondiale», «la coopération sécuritaire arabo-islamo-américaine», et «les relations politiques et économiques». Vaste programme, que devrait prendre en charge le futur «Centre international de combat contre le terrorisme», qui sera inauguré à Ryadh, à la fin du sommet. Mais, au-delà de ce sommet, qui a pris les contours d'une véritable vassalisation, sinon une sorte d'allégeance du monde arabe et musulman, sous la conduite de l'Arabie Saoudite, à la position des Etats-Unis sur la question de la lutte contre le terrorisme, beaucoup de questions émergent, et restent en suspens. D'abord, il y a le fait que le nouveau locataire de la Maison Blanche a marqué un point dans sa vision du monde arabe et musulman, qu'il considère comme un terreau de terroristes. Ensuite, il est clair que l'avenir des relations entre les Etats-Unis et le monde arabe et musulman sera, de plus en plus, prescrit par l'Arabie Saoudite, qui veut internationaliser et impliquer davantage les Etats-Unis, sous le règne de Trump, dans son conflit avec l'Iran et la Syrie. Le roi Selmane, en recevant le président américain, à son arrivée, samedi au royaume, s'est même plaint ouvertement et sans autre protocole de la Syrie. Sombres perspectives pour la question palestinienne, l'avenir de la Syrie et le monde arabe en général.