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Il a été inhumé hier: Le président du CNES, Mohamed-Seghir Babes, s'en va

par Ghania Oukazi

  Mohamed-Seghir Babes s'en est allé mardi dernier en laissant derrière lui de grands et importants chantiers pour le redressement de l'économie nationale.

Sorti de l'hôpital militaire Mohamed-Seghir Nakkache de Aïn Naadja, le corps du président du CNES a reposé hier quelques heures dans son domicile situé aux alentours de Bir Mourad Raïs. Son enterrement devait se faire à la prière du Dhor mais tous les officiels, gouvernement et responsables d'institutions étaient à la cérémonie organisée à l'hôtel El Aurassi en l'honneur des femmes à l'occasion de leur journée internationale. «Le vivant passe avant le mort», disent nos sages. L'enterrement a donc été retardé à la prière d'Al Assr. Couvert de l'emblème national, le cercueil de Mohamed-Seghir Babes a été sorti de la maison aux environs de l'heure d'Al Assr pour être amené à sa dernière demeure, le cimetière de Sidi Yahia.

Les cadres et experts du CNES étaient présents. L'image de son frère le pleurant à chaudes larmes a affecté tout le monde. Son autre frère, venu en catastrophe de l'étranger, sanglotait lui aussi jusqu'à ne plus pouvoir parler. Sa sœur en larmes semblait perdre ses repères, un repère?

Babes a été malade depuis de longs mois. Il avait subi une intervention chirurgicale très lourde et très délicate au niveau du cœur. En revenant de Annaba où il avait assisté aux travaux de la tripartite, le secrétaire général de l'UGTA avait été prévenu que le président du CNES avait sombré dans un profond coma. Bien que tout son entourage savait qu'il était gravement malade, sa disparition a fait très mal?

Nommé par le chef de l'Etat en 2005 président du CNES, Mohamed-Seghir Babes avait lancé plusieurs réflexions sur la situation économique et sociale du pays.

«Intellectuel racé et modeste»

La toute dernière, il l'avait entamée en 2014 sur saisine du gouvernement. Il s'agit du nouveau modèle économique de croissance exigé par l'installation de la crise financière après la chute drastique des cours du pétrole. En 2010, il avait mis le CNES sur une trajectoire bien moderne, une réflexion sur «l'économie fondée sur la connaissance». Le défunt avait un lexique assez complexe que beaucoup n'en saisissaient pas le sens. Il faisait dans un néologisme qui parfois mettait mal à l'aise son assistance. Mais il en construisait des problématiques d'ordre primordial pour la relance de l'économie du pays. Ses cadres et experts témoignent de l'importance du travail engagé. «Il a été un intellectuel racé et modeste», disent-ils de lui. «Un brave homme !», dit de lui Mohamed Bahloul, universitaire et directeur de l'institut national des ressources humaines d'Oran.

Babes avait planché avec ses équipes sur la diversification de l'économie nationale avant de déterminer les grands agrégats du nouveau modèle économique de croissance. L'on rappelle qu'il avait organisé en septembre 2015 à la résidence d'Etat El Mithak, une rencontre entre le gouvernement et des experts nationaux de grande renommée. Ces derniers avaient contredit toutes les politiques et approches du gouvernement. Ils avaient mis à nu de terribles dysfonctionnements dans la sphère économique et en matière de gouvernance.

L'Algérie perd ses compétences

En février 2015, en collaboration avec le PNUD, il avait soumis pour examen la problématique du développement humain durable. Entretemps, le CNES élaborait une fois par an les rapports sur la conjoncture. Il faut noter qu'au temps du défunt Mohamed-Salah Mentouri, ces rapports étaient semestriels. Avec son esprit contradicteur aux approches du gouvernement et sa force de propositions alternatives, Mentouri obligeait les gouvernants à plus de sérieux et de rigueur, voire à être plus alertes. Babes avait opté pour des notes de conjonctures annuelles parce que sa santé commençait à se fragiliser et ne lui avait donc pas donné d'autres choix. Il a eu le temps et le courage d'initier la création de l'institut africain de recherche sur le développement durable. Bien qu'il ait été mis en place par décret en 2014, l'institut a été mis en sourdine pour des considérations jusque-là inconnues. Babes a en outre été à l'origine de l'institution de l'Académie des Sciences en 2015, aujourd'hui opérationnelle sous l'égide du ministère de l'Enseignement supérieur.

Mohamed-Seghir Babes avait à cœur d'organiser durant l'année en cours les assises nationales sur le développement durable en vue de déterminer les possibilités d'intégrer la durabilité dans les politiques publiques. Il n'en a pas eu le temps. Babes et Mentouri sont tous deux partis tôt laissant un pays en quête de compétences pour le sortir de ses crises.

Hier, vers 13h, un notable de Tamanrasset, en tenue targuie, était rentré où reposait le cercueil du défunt pour se recueillir à sa mémoire. Ses prières avaient fait pleurer tous les présents. Elles seront suivies par d'autres qui ont été dites par un membre de la tarika El Rahmania du cheikh Abderrahmane El Azhari de Bouzeguène. Un moment de recueillement très émouvant.