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Les dissidents du RND maintiennent la pression

par Ghania Oukazi

Les militants et cadres dissidents au secrétaire général du RND viennent d'installer une commission chargée d'examiner les moyens de participation aux prochaines élections «sur la base de critères comme la compétence, l'expérience et la rigueur».

C'est ce qu'ils font savoir dans le communiqué qu'ils ont rendu public hier dans l'après-midi après s'être réunis à Alger. Ils étaient une dizaine d'entre ceux des membres du RND qui ont tenu et tiennent tête à Ahmed Ouyahia pour le faire reculer sur certaines de «ses manœuvres» par lesquelles «il veut faire taire toutes les voix discordantes au sein du parti», nous disent certains d'entre eux. Ce sont les Mustapha Yahi, Zoghbi Smati, Nouria Hafsi, Tayeb Zitouni, Kacem Kebir et autres Ali Sahel, Mokhtar Boudia et Abdelhamid Benbouzid qui ont signé le communiqué au nom, disent-ils, «de nombreux cadres et militants de toutes les wilayas qui refusent le diktat d'Ouyahia».

Pour rappel, ce même groupe s'était réuni en tant que «comité national des dissidents» le 6 octobre dernier, la veille de la conférence de presse que devait animer le SG du RND. (Voir le Quotidien d'Oran du 8 octobre 2016). C'est un comité qui regroupe 17 cadres et militants qui avaient tenu à dire à Ouyahia que «désormais c'est un RND qui affrontera un autre pour faire triompher les véritables militants du rassemblement». Depuis qu'elle est née, cette dissidence reproche à Ouyahia de faire dans «la marginalisation et l'exclusion des militants, cadres et membres fondateurs du parti notamment lors de la préparation du congrès extraordinaire qui s'est tenu les 5, 6 et 7 mai dernier». Ils en dénoncent l'exclusion de nombreux membres fondateurs de toutes les instances du rassemblement. Dans leur réunion du 6 octobre, ils nous ont déclaré qu'ils voulaient «ramener Ouyahia à de meilleurs sentiments, nous voulons ouvrir les voies du dialogue et s'entendre sur la préparation des locales et des législatives à venir parce qu'il n'a aucun droit de mener le parti en rangs dispersés à ces rendez-vous ».

A l'issue de leur réunion d'hier, ils persistent dans leurs reproches mais changent de ton et passent même à l'action en instituant de fait «une commission pour examiner les moyens de participation aux prochaines élections sur la base de critères comme la compétence, l'expérience et la rigueur».

Quand Saadani donne des idées

L'on pourrait alors considérer qu'ils décident bien de mettre les pieds dans le plat en affirmant examiner eux-mêmes les candidatures aux prochaines élections. «Nous ne quémandons rien du tout auprès d'Ouyahia, on a décidé de passer à l'action en position de force», nous dit-on. «S'il veut rassembler, on n'est pas contre», précisent nos sources. Certains dissidents nous rappellent que «Ouyahia nous a toujours accusés d'être instrumentés par Amar Saadani qui selon lui nous dicte ce que nous devons faire». Aujourd'hui que Saadani a été limogé, les dissidents veulent, disent-ils, «montrer à Ouyahia qu'on n'a rien à voir avec l'ex-SG du FLN(?) et nous faisons ce qui nous paraît utile de faire».

Le départ programmé de Saadani comme déjà annoncé l'été dernier dans ces mêmes colonnes tout autant que la préparation du retour de Belkhadem en prévision d'un 5ème mandat présidentiel (voir le Quotidien d'Oran du 2 août 2016) doivent avoir renforcé l'idée des dissidents de faire partir Ouyahia de son poste de SG du RND. En tout cas, tous les feux verts semblent être donnés à tous les dissidents de tous les partis pour probablement reconfigurer la scène politique nationale en prévision des législatives et locales de 2017 et pour recadrer et consolider les soutiens à l'élection présidentielle de 2019.

C'est ce que laissent entendre les adversaires d'Ouyahia en réitérant les griefs qu'ils retiennent contre lui et en dénonçant dans leur communiqué d'hier «les dérives et les marginalisations avant, pendant et après le congrès extraordinaire tenu les 5, 6 et 7 mai dernier, ce qui en a découlé comme provocations et exclusions programmées notamment de militants et cadres fondateurs porteurs des principes authentiques du rassemblement et œuvrant pour la réalisation d'objectifs qui ont prévalu à sa création, et leur remplacement par une nouvelle configuration constituée par la voie de l'allégeance, le copinage et le business(?).» Le groupe signataire fait savoir qu'il a élargi ses consultations à la base militante de toutes les wilayas, aux membres du Conseil national, du bureau national et autres(?) «pour examiner les développements au sein du parti et la mise en place de mécanismes pour continuer la lutte contre les mauvaises pratiques(?)».

«La position honteuse des dirigeants du parti»

Après un large débat, écrivent-ils, il a été décidé «la poursuite de la mobilisation autour du programme du président de la République dans une conjoncture aussi délicate où l'Algérie traverse des circonstances difficiles particulièrement celles sécuritaires et économiques». Ils affirment, par ailleurs, «soutenir les instructions données par le chef de l'Etat aux parties habilitées pour rapatrier les crânes des moudjahidine martyrs du musé de l'Homme de la France coloniale». Ils notent que «nous condamnons la position honteuse des dirigeants du rassemblement à cet effet».

Pour rappel, lors de sa dernière conférence de presse, le SG du RND a fait comprendre qu'il était contre ce rapatriement puisqu'il s'était demandé si «c'était mieux de ramener ces crânes des martyrs ou de les laisser là-bas pour qu'ils restent témoins de la mémoire collective». Ses dissidents appellent dans leur communiqué «tous les militants nationalistes notamment la famille révolutionnaire à exiger leur rapatriement et nous disons que nous n'avons pas oublié et nous n'oublierons pas la mémoire collective de la nation».

Autre condamnation, «on s'étonne de la position irresponsable et non honorable des dirigeants du rassemblement à l'encontre de ses cadres qui luttent contre la corruption et le pillage de l'économie nationale». L'allusion est en évidence un soutien des signataires du communiqué au ministre du Commerce Bakhti Belaïb que Ouyahia n'a pas ménagé encore moins soutenu lorsqu'il avait dénoncé des pratiques de corruption et d'intimidation dans son secteur. Il reste curieux cependant pourquoi ne l'ont-ils pas cité nommément?

«Marginalisation, incompétence et grosses fortunes»

Ils dénoncent par ailleurs «le changement de certains coordonateurs de wilayas sans respect des statuts pourtant dûment adoptés par le congrès extraordinaire et leur remplacement par les détenteurs de grosses fortunes». Ils font savoir que «la liste nationale portant membres du Conseil national et celle du bureau national n'incluent pas plus de trois wilayas, ce qui montre clairement le croisement de l'allégeance, de l'incompétence, du régionalisme et des grosses fortunes». Ils s'insurgent ainsi contre «ces graves phénomènes qui minent non seulement le RND mais toutes les formations politiques et pourrissent l'activité politique sur la scène nationale (?)».

Les dissidents se demandent si «le RND va présenter les mêmes visages qui sévissent pendant près d'une décennie alors que les vrais militants et cadres sont marginalisés et éloignés de la décision». Ils affirment que «la confiance du militant et du citoyen ne peut être acquise que si en premier le rassemblement évalue le travail de ses élus et présente des candidats militants aux qualités reconnues comme la compétence, l'intégrité et l'expérience». Ils estiment que «l'Algérie traverse une étape cruciale de son histoire qui se caractérise par une baisse drastique de ses revenus(?), ce qui oblige le RND et toutes les formations politiques à présenter des candidats capables de bonne gouvernance et ayant le sens de la responsabilité(?)». Ils en appellent en dernier «à tous les militants à prendre conscience de l'importance des défis et aux militants émigrés exclus du parti de se mobiliser pour se mettre au service de l'Algérie».