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Agroalimentaire: En attendant le complexe frigorifique d'El-Kerma

par Houari Saaïdia

Le futur complexe frigorifique d'El-Kerma sera un chaînon important du circuit de l'agroalimentaire et un moyen de régulation du marché local.

A en juger par la consistance du projet, on peut accorder un crédit à ces objectifs «officiels». Ce qui est sûr, c'est que les 30.000 m3 de capacité de stockage de cette plateforme logistique de froid représentent un apport sans équivalent à l'échelle de l'Oranie.

A vrai dire, ce petit record régional en termes de capacité, mis au compte de l'EPE Frigomedit (SGP Proda) au travers de ce projet domicilié à Oran, vient «par défaut». Sans vouloir réduire de l'importance de cet investissement ambitieux, force est de constater qu'à défaut de structures de froid consistantes dans tout l'Ouest, se traduisant par un déficit de plusieurs centaines de milliers de mètres cubes, le complexe de petite-moyenne taille d'El-Kerma se retrouve mine de rien leader régional. L'achèvement et la mise en service de ce projet implanté au pôle agroalimentaire en devenir d'El-Kerma/Tafraoui, sur un site de 5 hectares mitoyen au marché de gros de fruits et légumes, est prévu pour juin 2018, selon le délai prévisionnel du chantier (24 mois), dont la pose de la première pierre remonte au 28 juin dernier, en présence du wali, Abdelghani Zâalane, et du P-DG du propriétaire du projet (l'entreprise publique Frigomedit), Djahid Zefzef. Doté d'une capacité de stockage de 30.000 m3 et d'une bi-température de 6.000 m3, ce complexe de froid comprend notamment des entrepôts frigorifiés, des magasins, des locaux techniques, un pôle de production, outre de structures de collecte, d'entrepôts, de distribution et d'exportation. «Ce complexe frigorifique est d'autant plus important qu'il est situé sur la plaine de la Mlata, où 5.000 hectares seront, dans un premier temps, irrigués à partir des eaux usées traitées par la station d'épuration d'El-Kerma et atteindront, par la suite, les 8.000 ha. Ainsi, les agriculteurs installés dans ce périmètre agricole auront-ils à disposition un complexe frigorifique d'une grande capacité de stockage pour leurs produits agricoles», estime le wali. Selon les explications des responsables Friomédit, le complexe, qui génèrera 90 emplois directs, sera doté d'une ligne de traitement des produits et de leur conditionnement «selon les normes en vigueur dans le monde». Le coût du projet avoisine le 1,5 milliards de DA.

Défauts et déficit

Localement, en particulier, l'apport de cette plateforme de froid est tout simplement indispensable à moyen terme, dans une wilaya qui se targue d'être un pôle économique polyvalent mais qui, paradoxalement, manque terriblement de chambres froides. Même le marché de gros d'à-côté qui ne fait jusqu'ici, après quatre ans de services, que vendre fruits et légumes aux marchands détaillants alors qu'il était question d'autres produits (poissons frais, œufs, olives?) à commercialiser au fur et à mesure, ne dispose que d'un petit volume de froid, à peine 3.200m3 (24 micro-chambres froides). La «Glacière», seul entrepôt frigorifié de la wilaya d'Oran qui fut au cœur d'un long feuilleton judiciaire avec comme objet un contentieux sur la propriété des lieux, ne dispose que d'une capacité plus que modeste, puisqu'il ne dépasse pas les 6.000 m3.

A ce déficit criard en capacité de réfrigération s'ajoute un autre problème. Bon nombre de chambres de stockage privées ne sont pas conformes aux normes et échappent à tout contrôle. Ce qui rend vaines les tentatives «épisodiques» du gouvernement qui souhaite renforcer le dispositif de régulation des produits de large consommation pour protéger le marché intérieur contre la rareté provoquée des produits de large consommation, la rétention et la spéculation, notamment à l'approche du mois de ramadhan.

Ce n'est pas un secret, les villas à étages, notamment dans les zones périphériques, disposant de locaux commerciaux spacieux appelés «dépôts» ou «hangars» dans le jargon de l'affairisme, sont particulièrement prisés par les «réseaux» des chambres froides articulés par des agriculteurs ou des importateurs stockant fruits, légumes ou viande en toute illégalité. Des chambres froides non déclarées et sans registre de commerce, il y en a tant à Oran. Le boom des chambres froides, réglementaires ou à mi-chemin entre le légal et le clandestin, a coïncidé avec la pénurie de la pomme de terre et de la viande rouge survenue en 2004, sur fond d'annonces soutenues du ministre de l'Agriculture de lever le monopole étatique -qui ne disait pas son nom- sur le créneau de réfrigération afin de stocker le surplus de la production nationale et inciter les investisseurs à s'intéresser au créneau dans le but de mettre fin à la spéculation. Mais le «boom» qu'a connu le circuit s'est fait parfois aux dépens de la qualité, des règles les plus élémentaires même. Entre autres techniques plus que douteuses, la réfrigération par climatiseur et gazéification de certains produit avec du CFC (chloro-fluoro-carbone), gaz à effet de serre, dangereux et nocif pour la santé. Objectif : frigorifier l'aliment à peu de frais, sans l'installation d'équipements coûteux. Il faut savoir par ailleurs que l'Algérie tout entière ne compte que 21 unités de stockage publiques dont 12 opérationnelles, les autres étant en cours de réalisation. Elles sont chapeautées par la société publique SGP Proda.