Ils sont là depuis quelques temps déjà. Assis dans un coin ombragé, les deux bonhommes ne cessent de parler à la fois de tout et de rien. Souvent leur discussion tourne autour de la vie de tous les jours et ses difficultés, l'époque d'antan, en évoquant des amis à eux disparus ou malades.

L'un d'eux parle de la fête de l'aïd où il s'est rendu chez ses proches, de la cherté de la vie, sa minuscule pension de retraite n'arrive plus à subvenir à ses besoins et la dernière augmentation de 2,5% lui semble dérisoire, alors qu'il comptait donner de l'argent à sa fille mariée pour acheter des vêtements à son petit-fils de 5 ans, le père de ce dernier est actuellement au chômage. Son compagnon aborde le sujet de la mauvaise récolte de cette année, la sécheresse a réduit à rien les espérances de nombreux agriculteurs dans sa région natale du nord de la wilaya de Tébessa, une moisson bien maigre qui ne va pas permettre d'en vendre une partie pour pouvoir achever la construction de la maison de son fils, appelé à se marier l'année prochaine.

Les deux personnes d'un certain âge continuent leurs palabres et ne voient pas le temps passer en cette longue journée de ce mois de juillet caniculaire. Il est déjà midi, l'un d'eux apostrophe son compère qu'il est temps d'aller à la mosquée pour la prière et celui-ci lui rétorque qu'après, ils feront ensemble une virée au marché des légumes et fruits. Puis, ils se lèvent et se dirigent d'un pas alourdi par les ans vers la mosquée, sur leurs visages se lit toute une histoire de cette catégorie de citoyens qui arrivent difficilement à joindre les deux bouts, dans une conjoncture sociale impitoyable, laissant sur le carreau les moins protégés, les sans ressources. Pendant ce temps-là, nos deux vieux disparaissent dans la nature, léguant leur place à l'abri d'un arbre à d'autres qui eux aussi viendront raconter les moments de leur parcours avec un brin de nostalgie.