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TIARET: Sofiane, Khaled, Abdenour et les autres

par El-Houari Dilmi

Ils n'ont pas le droit aux vacances comme les autres enfants de leur âge, devenus adultes avant terme; ils triment comme des forcenés: ce sont ces chérubins, vendeurs de ferraille et de pain maison.

Sofiane, habitant le populeux quartier Med Djahlane, a quitté l'école il y a déjà 4 ans. Agé d'à peine 18 ans, il rêve « avant l'heure » de se payer une Clio 4. « Je suis fou de cette bagnole, je finirai par l'avoir », nous décoche-t-il, poussant une charrette chargée de ferraille. «Rôtis» par un soleil dardant et parcourant jusqu'à dix kilomètres par jour, des enfants s'époumonent à chaque coin de rue pour proposer un matloue ou un «pain volcan» à des clients pas toujours réceptifs à l'ahanement de ces mioches portant des sacs en plastique pesant jusqu'à quinze kilogrammes.

Pas plus haut que deux pommes, Khaled parcourt par des températures infernales les quatre coins de la ville pour proposer du pain maison «croustillant et à bon marché», crie-t-il à tue-tête à l'adresse de «ses» clients mi-séduits, mi- réticents. Habitant au populeux quartier de Oued Tolba dans la périphérie sud de Tiaret, Khaled nous dit trimer, de 10h à 13h, pour aider son père malade et au chômage depuis longtemps. Scolarisé en quatrième année primaire, le petit Khaled, originaire d'un petit village de la périphérie de la ville, n'a jamais eu le droit à des vacances. «Je rêve de piquer un plongeon quelque part sur une plage du pays; j'entends, chaque année, parler de colonies de vacances, mais je n'ai jamais eu la chance de décrocher une place», soupire-t-il sous le regard amusé de son petit ami d'infortune, lui aussi vendeur de pain maison. Au quartier d'Erras Soug, dans la partie nord de la ville, dès les premières lueurs de la matinée, des processions d'enfants pas plus hauts qu'une baguette proposent du pain frais et chaud à raison de vingt dinars pièce. A bord de charrettes déglinguées, d'autres mioches s'esquintent les reins à convoyer de la ferraille et autres métaux, jusqu'à des revendeurs, installés le long de la voie d'évitement sud de la ville.

Abdenour et ses amis d'infortune parcourent eux aussi de longues distances; ils se déplacent jusqu'aux confins de la ville pour vendre aux éleveurs à vil prix du pain rassis, récupéré de chez les ménages ou même dans les poubelles. Sur la route d'Alger, non loin de la jumenterie, des enfants portant sur leurs épaules frêles des «fagots» de déchets métalliques en tous genres est un spectacle quotidien. A la vue de ces bambins exploités comme des «nègres», certains, par mauvaise conscience, détournent le regard. D'autres se posent la question à qui ces mioches pourraient-ils vendre ces déchets et à quel prix ? Mais le «boulot» auquel tous les enfants tiaretis participent souvent, c'est, bien sûr, aller chercher de l'eau dans des jerrycans, certains quartiers de la partie sud de la ville étant privés d'eau potable, depuis plusieurs jours, à cause d'une panne de motopompe au niveau du barrage de Benkhada, selon l'Algérienne des eaux. Ainsi va la vie au quotidien estival des enfants qui n'ont droit ni aux vacances sur la grande bleue ni même à une vie comme celle des autres enfants de leur âge.