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Guerre en Syrie : La Turquie piégée

par M'hammedi Bouzina Med : Bruxelles

En envoyant ses avions chasseurs et bombardiers en Syrie et au nord de l'Irak, la Turquie risque d'importer la guerre jusque sur son sol. De plus, la question kurde apaisée jusque-là, revient avec violence dans toute la région.

Il restait à aspirer la Turquie, pleinement, dans la guerre en Syrie - et par extension en Irak- c'est chose faite depuis jeudi dernier. Les avions chasseurs bombardiers turcs sont, désormais, en action en Syrie avec les encouragements des américains, français, Australiens etc. Avec la Turquie, se sont maintenant 64 pays qui sont " coalisés " et en guerre en Syrie contre le ramassis de hordes de mercenaires de tous bords désignées sous le qualificatif surprenant " d'Etat " islamique. A la différence que la Turquie est frontalière de la Syrie et de l'Irak ; à la différence qu'il y a un peuple kurde vivant à cheval sur les trois pays Syrie, Irak et Turquie. Du coup, Ankara ne saura éviter des conséquences violentes (actes terroristes et instabilité politique) sur son propre territoire, tant les revendications autonomistes et indépendantistes kurdes sont toujours d'actualité. La boucle est bouclée : le projet de réorganisation du Grand-Moyen Orient (GMO) pensé par les néoconservateurs américains sous l'ère des USA de la dynastie des Bush dès les années 90 a fait un grand pas.                 Des raisons, signalons-le au passage, de s'inquiéter pour ce qui reste de pays encore stables au sud de la méditerranée comme l'Algérie.

D'ailleurs, comme une étrange coïncidence, des médias " bien intentionnés " promettent un été " sanglant " en Algérie et spéculent sur des allégeances de groupes terroristes algériens à l'Etat islamique. Comme en écho à l'excentrique président français, Nicolas Sarkozy, que l'avenir de l'Algérie " angoisse " tant. A défaut de n'avoir pas pu aspirer l'Algérie dans l'aventure armée dans le Sahel africain, les promoteurs du GMO rêvent de la précipiter chez elle, conte elle-même, contre ces étranges groupes de tueurs ex- alliés d'Al Qaeda annonçant leur allégeance au nouveau promu : l'Etat islamique. Aujourd'hui donc, c'est la Turquie qui entre dans le jeu de la guerre et de la violence en Syrie. Malheureusement pour ce pays à la fois majoritairement musulman et membre fondateur de l'Otan, l'équation sera plus compliquer à résoudre avec la fin du cessez-le feu décrétée par les kurdes du PKK (parti des travailleurs kurdes). L'autre parti kurde en Turquie, le HDP, entré au gouvernement avec 10 % des voix aux dernières législatives de juin, risque de bouleverser la donne politique du pouvoir turc aux mains des islamistes de l'AKP de Recep Erdogan. Ankara devra se battre sur deux fronts : en Syrie et nord de l'Irak et à l'intérieur de son propre territoire. La vague d'arrestation des présumés militants kurdes et intégristes islamistes (plus de 600 en 4 jours) en Turquie n'est pas une garantie de sécurité contre des actes de violence.        Par ailleurs, la chasse ordonnée contre les militants kurdes et les bombardements menés par l'aviation turque contre les autres kurdes dans le nord de l'Irak complique la donne au sein même de la coalition des 64 pays : le gouvernement autonome du Kurdistan irakien est un allié soutenu par les coalisés et son agression par la Turquie ne les arrange pas.

Le leader kurde d'Irak, Massoud Barzani, vient d'annoncer son droit de défendre le peuple kurde contre la " répression d'Ankara ". Mis en difficulté après les dernières élections législatives, l'AKP et le président Erdogan n'ont plus de majorité parlementaire. Fini la volonté d'Erdogan de réviser la Constitution pour muter le régime vers un présidentialisme qui lui aurait permis de mener le jeu politique à sa façon. Est-ce une explication de la répression menée contre les kurdes de Turquie ? Jusqu'à, peut-être interdire le HDP qui lui fait barrage au parlement ? Dans tous les cas, en décidant d'aller même tardivement à la guerre en Syrie, Recep Erdogan, vient d'engager son pays dans une vraie aventure de violence avec des lendemains incertains.