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Pénurie de médicaments : Les assurances de la tutelle

par Moncef Wafi

Y a-t-il ou pas pénurie de certains médicaments sur le marché algérien? La question est devenue récurrente alors que la tutelle essaye de rassurer. Pour Hamou Hafedh, directeur de la pharmacie et des équipements au ministère de la Santé cité par l'APS, les médicaments sont disponibles. Ainsi, tout problème de pénurie est écarté !

Même en ne remettant pas en cause la bonne foi du fonctionnaire, il est très difficile de croire à une situation de normalité du médicament en Algérie après les graves pénuries cycliques et les perturbations sérieuses de l'approvisionnement. Réagissant à certaines informations rapportées par des titres de la presse nationale, le département de la Santé a affirmé que «les hôpitaux disposent de tous les médicaments et il n'y a pas rupture de stocks» ; que les établissements sanitaires sont approvisionnés de façon «régulière et continue». Un tableau idyllique remis en cause par le ministre en personne qui reconnaissait, quelques heures plus tôt, que «certains médicaments tardent à être réceptionnés pour une durée d'une semaine et non pas d'un mois ou plus». Une explication du texte qui trouve sa raison dans ce que Abdelmalek Boudiaf qualifie de «dysfonctionnement dans la gestion». Un doux euphémisme pour expliquer ces crises dans l'approvisionnement en médicament qui ne dit pas son nom. Contredisant la version officielle, le Syndicat des pharmaciens d'officines (Snapo) persiste à dire que la pénurie «existe réellement», en évoquant une «dizaine de médicaments essentiels destinés à plusieurs pathologies concernés par ce problème en plus d'autres médicaments». Pour le Snapo, l'origine du problème réside dans le retard pris pour la validation des programmes d'importation de certains médicaments qui n'ont été libérés qu'en mars dernier au lieu de septembre 2014. Selon la liste établie par le Syndicat, 310 produits étaient en rupture de stock depuis janvier jusqu'à avril 2015.

Ces retards dans la programmation sont imputés aux négociations sur la réduction des prix sur certains médicaments entre les laboratoires pharmaceutiques et le ministère de la Santé. L'Union nationale des opérateurs en pharmacie (Unop) accuse le ministère de ne pas avoir «libéré la totalité des programmes d'importation». «Au lieu de négocier les prix en juin ou juillet 2014, le ministère de la Santé a commencé les négociations en décembre dernier et les programmes ont été libérés en mars et d'autres restent encore en attente», avait indiqué Nabil Mellah membre de l'Unop.

De son côté, le président du Conseil de l'ordre des médecins, Mohamed Bekkat Berkani, a pointé du doigt les grossistes qui font «dans la rétention des médicaments», affirmant qu'il est nécessaire de «revoir» le circuit actuel des grossistes (près de 500 entre grossistes réels et supposés). Pour lui, la solution viendrait de l'Agence du médicament, «unique organe capable de suivre la traçabilité des médicaments et régler leur circuit». Créée en 2008, l'Agence n'a toujours pas été installée.

L'autre aspect qui agite le microcosme du médicament en Algérie est le phénomène dit du cabas, un raccourci pour évoquer les médicaments importés en douce. Le Snapo affirme avoir toujours lutté contre cette pratique, relevant que dans le cas de pénurie «certaines officines recourent à cette méthode illégale». Un dossier qui divise les professionnels dont certains soulignent sa dangerosité puisqu'il permet d'écouler sur le marché national des médicaments contrefaits en Chine ou en Libye entre autres. Rappelons que l'Algérie avait vécu, en 2011, une terrible et inexplicable pénurie de médicaments qui avait déchaîné les passions et désespéré les malades. Il aura fallu le début de 2012 pour que le gouvernement se décide à remettre de l'ordre dans un secteur à coups de milliards de dollars. Par ailleurs, pour encourager la production locale qui ne représente que 650 millions de dollars du marché national du médicament estimé à 2,5 milliards de dollars, l'Algérie a interdit l'importation de 120 médicaments produits localement. Une liste qui est appelée à être élargie à d'autres produits pour également inciter les laboratoires à investir davantage dans ce créneau. Dans le but de réduire les importations des médicaments, l'Algérie ambitionne de produire localement 70% de ses besoins en médicaments avec l'aide des laboratoires étrangers d'ici à la fin 2015 et devenir ainsi une plate-forme de production du générique.