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La question fait de nouveau débat : Faut-il abolir la peine de mort ?

par El-Houari Dilmi

« Le débat sur l'abrogation, ou non, de la peine de mort en Algérie a été relancé à la demande de la Commission des droits de l'homme des Nations unies », a indiqué hier sur les ondes de la Chaîne III de la radio nationale Me Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme.

En effet, à la veille de la tenue d'un séminaire national sur la peine de mort, prévu dans les prochains jours à Alger, Me Farouk Ksentini a exprimé le vœu «d'ouvrir des discussions sur ce sujet avec toutes les sensibilités du pays, pour savoir s'il faut, ou non, abolir la peine de mort ». «C'est une question éminemment importante ; sa délicatesse et sa complexité nécessitent un vrai débat de société», a-t-il expliqué. A la question de savoir les fondements idéologiques, sociologiques ou religieux, à l'origine des avis contradictoires concernant l'application ou non de la peine de mort, Ksentini, exemples à l'appui, a expliqué qu'il s'agit là d'un « débat classique où les défenseurs de l'application de la peine de mort peuvent devenir ceux qui demandent son abolition et vice-versa».

Pour le président de la CNCPPDH, «les Algériens, dans leur écrasante majorité, sont contre l'application de la peine de mort», sans donner des détails sur cette tendance contestée par d'autres parties. Reconnaissant que « si la peine de mort est abolie, d'un trait, il faudrait, cependant, la laisser subsister pour les cas d'homicide volontaire, pour satisfaire aux vœux des croyants, vis-à-vis d'une disposition coranique à laquelle il est hors de question de déroger », a-t-il affirmé. Citant le droit pénal algérien, le président de la Commission consultative de promotion et de protection des droits de l'homme rappelle que celui-ci fait état de 17 crimes qui sont passibles de la peine de mort.

«Si nous en éliminons 16, il n'en restera qu'un seul : celui de l'homicide volontaire, et cela constituera un progrès ». Rappelant qu'un moratoire à l'application de la peine de mort est en vigueur depuis 1993, et «contre lequel personne n'a protesté». Ksentini ajoutera que «le temps est venu pour mettre en conformité les textes législatifs avec la réalité de l'Algérie d'aujourd'hui».

Au sujet de la situation des droits de l'homme en Algérie, Farouk Ksentini dira que «l'abolition de la peine de mort, et surtout l'amélioration de la qualité de la justice, restent notre véritable cheval de bataille pour arriver à l'instauration d'un Etat de droit digne de ce nom». «Des améliorations restent à apporter à la qualité de la justice en Algérie, à laquelle je reproche une certaine brutalité et un penchant pour la répression, notamment en matière pénale», a martelé le président de la CNCPPDH ajoutant que «les magistrats algériens, faute de formation adaptée, font dans le vagabondage judiciaire en matière de droit civil, commercial et administratif». Ksentini appelle à «un redressement de la situation au plus tôt». Rebondissant sur le sujet, il parlera de «véritables dégâts» à cause du recours excessif à la détention préventive, de même que «la dépénalisation de l'acte de gestion n'est malheureusement pas encore une réalité sur le terrain».

Farouk Ksentini rappelle que 270.000 dossiers sont pendants devant la cour suprême «comme reconnu par le ministre de la Justice lui-même». Il imputera la situation au « mécontentement des Algériens d'une justice mal rendue au niveau des instances judiciaires du pays».

Sur le contenu «très critique» des rapports des organisations internationales, américaines surtout, au sujet de la situation des droits de l'homme en Algérie, Ksentini les qualifiera de «très exagérés et sans rapport avec la réalité du terrain; les choses se sont beaucoup améliorées dans notre pays», a-t-il tranché en ajoutant qu'un rapport détaillé sur la situation globale du pays, notamment en matière des droits économiques et sociaux des Algériens, sera remis fin décembre au chef de l'Etat.