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Fin des travaux de la conférence sur le développement économique et social : Des sujets qui fâchent

par Ghania Oukazi

Le président du Conseil national économique et social a apporté la contraction au discours soutenu du gouvernement en plaidant carrément pour la suppression de la règle 51/49.

Mohamed-Seghir Babès a été appelé jeudi dernier à la tribune par le ministre de l'Industrie et des Mines pour marquer la fin des travaux de la conférence sur le développement économique et social dont les travaux se sont déroulés pendant trois jours au Palais des Nations du Club des pins. Abdesselem Bouchouareb a tenu à ce que le président du CNES dise son mot dans ce forum parce qu,'a-t-il dit, «je considère qu'il a toujours su construire des consensus au sein de l'institution qu'il préside».

Babès a suggéré clairement au gouvernement de se départir de la règle 51/49 pour tout investissement avec les étrangers. Il conforte sa vision des choses en s'interrogeant sur l'utilité de cette règle en prenant l'exemple d'un actionnaire étranger qui voudrait s'associer à une entreprise publique nationale avec son capital intellectuel ou expérience. «Allez-vous lui imposer cette règle et comment calculeriez-vous les 49% des actions alors qu'il veut entrer avec un capital intellectuel ?», a-t-il interrogé. Il est connu que le président du CNES a toujours voulu valoriser l'économie du savoir ou de la connaissance et tout ce qui met en valeur les idées nouvelles et les innovations. Il a dû donc se rendre compte que la règle 51/49 bloque la dimension de la connaissance pour la confiner dans un capital d'entreprise uniquement sonnant et trébuchant. La loi ne lui permet pas ainsi de se développer ou d'être comptée comme capital. Le transfert de technologies inscrit dans les cahiers des charges est une simple vue de l'esprit.

La suggestion clé du président du CNES (la suppression de la règle 51/49) n'a pas provoqué de réactions publiques sur-le-champ. Mais juste un bruit de fond qui s'est fait entendre dans la salle. Le bruit venait de l'endroit où était assis le secrétaire général de l'UGTA.

«LA GROGNE» ENTENDUE DU SG DE L'UGTA

Sidi Saïd grognait intérieurement en laissant échapper des bribes de phrases dont la teneur se remarquait sur son visage mécontent de la proposition de Babès. Le SG de l'UGTA n'a pas demandé la parole pour lui répondre publiquement. Ce n'était peut-être pas prévu.

Interrogé en aparté sur cette question, un syndicaliste proche de Sidi Saïd nous a dit que «le 51/49 est bon aujourd'hui mais il faut s'en départir à terme, lorsque le pays aura une économie bien assise». Il interroge d'ailleurs «quelle est la raison d'être de cette règle par rapport à la bureaucratie et la corruption régnantes ?» Il estime alors que «le seul problème pour l'entreprise publique, c'est la lourdeur du code des marchés publics, c'est une dictature administrative». Notre interlocuteur pense que l'enfermement de l'entreprise publique économique dans le code des marchés publics est une aberration. Il affirme qu'il serait judicieux de la placer sous les dispositions du code du commerce comme c'est le cas de l'entreprise nationale privée. Sinon «comment voulez-vous intégrer l'entreprise publique économique dans la chaîne de la création de richesses et de valeurs ajoutées ?», interroge-t-il.

Face à ceux qui réclament la révision du code des marchés publics, les syndicalistes demandent son annulation pour la sphère économique publique tout en proposant son maintien dans la sphère des services (Education, télécoms?).

«L'ENTREPRISE PUBLIQUE ECONOMIQUE EST DE STATUT PRIVE»

Les contraintes subies par l'entreprise publique économique à cause des dispositions du code des marchés publics sont légion. Elles ont été décriées par plusieurs gestionnaires publics qui s'alignent sur la vision syndicaliste sur ce sujet. Ils affirment que l'obligation qui leur est faite par «l'Etat actionnaire» de n'agir que conformément à ce code en question, les laisse à la traîne pendant que l'entreprise privée prend de l'avance en gagnant du temps lorsqu'il s'agit d'importer les matières premières et les équipements. Gestionnaires et syndicalistes s'accordent à réclamer la suppression du code des marchés publics puisque, disent-ils, «l'entreprise publique économique est une SPA (société par actions) donc de statut privé et ses actions peuvent être vendues».

Tout un débat qui ne semble pas avoir eu l'écho voulu et attendu dans la série de recommandations retenues par la conférence de Bouchouareb. Mais il semble cependant que le gouvernement pense à une sortie honorable de ce bourbier. Il agit en douceur pour ne pas qu'il soit dit de lui qu'il tombe -toujours- dans ses propres contradictions. Lors de la conférence de presse qu'il a animée jeudi en fin de journée au Palais des Nations, le ministre de l'Industrie et des Mines a précisé que «la règle 51/49 n'a rien à faire dans le code des marchés publics, elle relève de la réglementation des activités». Il s'agit sans nul doute des activités enregistrées au niveau du Centre national du Registre du commerce (CNRC). L'on a déjà noté que cette règle est défendue par le gouvernement pour la conclusion de gros investissements avec les partenaires étrangers parce que, nous dit-on, «on en a conclu pas mal et d'importants sans grandes difficultés». Leurs exemples récents, les lourds projets économiques que le 1er ministre inaugurera lundi prochain à Arzew. Mais il est question de supprimer cette règle quand il s'agit de conclure «des petits projets». L'on apprend au passage qu'une réflexion est menée au niveau du 1erministère dont la finalité est l'établissement d'une liste d'activités qui devraient être exemptes de cette règle. Activités qui seraient «re qualifiées» à cet effet sur la base de leur enregistrement au niveau du CNRC. Une fois finalisée, la liste sera présentée en Conseil des ministres pour approbation.

Le président du CNES ne parlait donc pas pour rien et la réaction timide du SG de l'UGTA est tout à fait conforme à ce qui a l'air de prendre forme en matière de législation et réglementation. Les deux hommes doivent certainement se comprendre à demi-mots.

«LA GRAVE ERREUR»

Les syndicalistes de Sidi Saïd enchaînent la discussion en abordant l'instruction du 1er ministre exigeant la mise à la retraite des cadres à partir de 60 ans. Au regard du décompte fait par les services de Sellal sur ces départs d'ici fin décembre prochain, (nous en avions eu une copie mais on n'a pu la publier pour cause de contraintes de bouclage), nos interlocuteurs ragent à propos de ce qu'ils qualifient de «saignée des cadres conformément à une instruction qui n'est ni intelligente ni réfléchie». Pour eux, «c'est une grave erreur quand le gouvernement décide de vider l'entreprise ou l'administration publique de ses cadres alors qu'on parle de relance et de développement dont l'élément moteur est le capital-expérience et la mise en confiance de la ressource humaine».

Au 1er ministère, on reconnaît «l'erreur» mais on estime qu'elle peut être corrigée en permettant aux dirigeants publics de garder les cadres qu'ils estiment compétents et ce sur la base de dérogations dûment signées par ses services. Les syndicalistes et experts sont convaincus que «ce n'est pas la bonne solution, mais si les lois économiques et commerciales sont apurées et deviennent efficientes, l'entreprise sera désormais soumise à résultats, elle sera obligée pour cela de faire dans l'optimisation de ses effectifs, et le choix de ses gestionnaires et cadres sera fait en fonction des résultats et des objectifs qu'ils se fixent». Pour eux, «il serait intelligent de supprimer l'instruction et se charger de remettre l'économie sur les bons rails». Le décompte s'imposera de lui-même. «Il sera mis fin ainsi au clientélisme, au régionalisme et à la complaisance qui sont érigées en règles de gestion depuis la nuit des temps», affirment-ils.

«Dès qu'il s'agit de rendre compte avec obligation de résultats, soutiennent-ils, avec en bout de chaîne des sanctions au lieu de l'impunité ambiante, toutes les compétences de tous les âges se conformeront à ces nouvelles règles».