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Les syndicats en rangs dispersés

par Abdelkrim Zerzouri

Si l'on se fie aux préparatifs en cours dans le milieu des syndicalistes de l'Education nationale, on croirait à une coalition en marche pour faire front de bataille contre Mme Benghebrit. Ces derniers jours, une rencontre frappée du sceau de la confidentialité a regroupé des responsables de quelques syndicats autonomes du secteur, dont des représentants de l'Unpef, du Snte et du Snapap, avec, à l'ordre du jour, l'évaluation de la rentrée scolaire, les dernières sorties de la ministre et les voies et moyens à mettre en œuvre pour répondre aux « provocations » et aux accusations contre les partenaires sociaux, qualifiés de « perturbateurs et incitateurs » à l'endroit des enseignants pour les pousser vers la voie de la grève. Mais, il semble qu'en guise de regroupement, seulement trois syndicats parmi le panel de la représentation syndicale en activité dans le secteur se sont rencontrés ces derniers jours, et « rien de sérieux n'a été envisagé pour le moment » à l'issue de leur rencontre, a-t-on appris de sources crédibles. Avouant qu'il n'a pas pris part à la rencontre en question, M. Amraoui, le porte-parole de l'Unpef, s'est abstenu au début de toute déclaration à ce sujet, mais il indiquera qu'il s'agit d'une première rencontre, et qu'il ne peut y avoir dans l'immédiat des décisions concrètes qui engageraient les syndicats dans un même mouvement ou position commune.

Non sans souligner que l'Unpef a été invitée à la rencontre, et qu'il n'est donc pas son initiateur. Toutefois, cela ne peut guère voiler le risque d'un clash entre les syndicats représentatifs et la tutelle. Même si les syndicalistes n'y vont pas en rangs serrés, la protesta est dans l'air.

L'Unpef se trouve déjà engagée sur la voie de la contestation en parrainant la grève des économes. Une autre façon de tâter le terrain en attendant le rappel en force des troupes, car l'Unpef constate et déplore profondément l'absence de tout dialogue à l'ombre de ce débrayage initiée par les économes. « La ministre insiste sur le dialogue et ne rate jamais l'occasion de préciser que les portes du ministère sont ouvertes, mais en réalité il n'y a rien sur le terrain », dira M. Amraoui, citant en exemple le conflit des économes qui s'enlise et personne pour inviter le partenaire social à la table des négociations !? Paroles sans actes concrets ? On commence à y croire sérieusement, à cette finalité.

De son côté, le coordinateur national du Cnapest, M. Larbi Nouar, nous dira que son syndicat n'a pas pris part à la réunion des syndicats autonomes du secteur de l'éducation. Même s'il soutient certaines revendications soulevées lors cette réunion, à l'image du rejet de la signature des PV par le responsable des ressources humaines du ministère en lieu et place de la ministre, notre interlocuteur relèvera que « le Cnapest n'a jamais visé une personne, quel que soit son rang, dans ses actions de protestation ». Ajoutant que le Cnapest a soumis les revendications des travailleurs qui lui sont affiliés, et que les propositions reçues à ce sujet ont été transmises à la base qui décidera des suites à donner à la situation. Laissant clairement entendre que le Cnapest ne s'inscrit pas dans cette logique de front commun des syndicats autonomes de l'éducation qu'on cherche à dessiner.

Quoiqu'un front commun, dira-t-il encore, s'il devait exister, il serait intéressant dans le cas d'un élargissement des discussions autour du projet de code du travail, laissera-t-il entendre. Par ailleurs, notre interlocuteur affiche toute son indignation du fait que les décisions de la ministre ne soient pas ventilées aux syndicats représentatifs. « Des décisions importantes qui concernent directement les enseignants ont été prises ces derniers jours, et il est malheureux qu'on soit mis au courant à ce propos par le biais des directions de l'éducation ou par voie de presse », relève-t-il avec dépit. Non sans souligner que cette pratique, imprégnée d'un manque de considération flagrant, n'est pas nouvelle, « car elle s'inscrit sur le registre de la gestion de l'actuelle ministre de l'Education nationale, tout comme ses prédécesseurs », précise M. Nouar. Pour le moment, la scène est marquée par cette attente qualifiée « d'interminable » qui use, et abuse des nerfs des syndicalistes.