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Dossier libyen : «L'intransigeance» algérienne à l'épreuve

par Moncef Wafi

La présence du général d'armée Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées françaises, en Algérie continue d'alimenter les spéculations autour de la participation ou non d'Alger à une éventuelle intervention militaire française en Libye.

Le fait que le haut gradé français ait demandé de visiter l'école d'application des troupes spéciales de Biskra, située dans la 4e Région militaire, comme précisé dans un communiqué du ministère de la Défense nationale (MDN) conforte davantage la thèse de l'importance accordée par Paris aux forces armées algériennes et plus particulièrement les commandos-parachutistes de Biskra qui se sont illustrés lors de l'assaut contre les groupes armés qui ont attaqué le site gazier de Tiguentourine, dans la wilaya d'Illizi. Des troupes d'élite qui auraient, selon certains sites d'information, participé à des opérations localisées sur le territoire libyen en collaboration avec les Français et les Américains, une information démentie par l'Algérie.

Si officiellement cette visite entre dans le cadre «des visites de responsables français» comme précisé par le ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra, il n'en demeure pas moins qu'elle charrie derrière elle tout un contingent d'interrogations autour du dossier libyen. Le MDN dans son communiqué a indiqué, pour sa part, que les chefs d'état-major des deux pays «aborderont les questions d'intérêt commun et échangeront les analyses et points de vue sur les problèmes d'actualité revêtant un intérêt pour les deux pays».

Si la décision d'intervenir ou pas dépend uniquement du politique, il reste que les déclarations officielles sont à prendre avec précaution quand on connaît le précédent malien et l'intransigeance algérienne quant à une intervention étrangère à ses frontières. A l'époque, on a assisté au même discours que celui développé aujourd'hui et au final, le ciel algérien a été ouvert aux avions de chasse français pour aller frapper le nord du Mali. L'information a été passée sous silence du côté algérien et l'opinion nationale n'a été informée que grâce à la presse hexagonale.

Si l'information officielle n'est pas le fort de nos institutions, les spéculations seront forcément de retour et l'on voit mal l'Algérie refuser de s'impliquer dans le dossier et se contenter de prier pour que le problème libyen trouve une solution interne surtout avec le forcing français pour mobiliser l'opinion internationale. Un scénario déjà vu avec le dossier malien où Paris a usé de tout son poids diplomatique pour avoir le quitus onusien d'intervenir militairement au Nord-Mali. Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui avait vendu la mèche dans une interview accordée au «Figaro» avait appelé à la mobilisation de Bruxelles ainsi que la saisine de l'Assemblée générale des Nations unies. Paris avait brandi la menace «djihadiste» appelant à «une opération militaire de grande ampleur» pour libérer la Libye en mettant en avant le danger qui plane sur «le processus politique démocratique» entamé par «la dégradation de la situation sécuritaire».

Evoquant plus particulièrement le Sud libyen, il le comparera à un terminal où viennent s'approvisionner les groupes terroristes «y compris en armes», et de citer l'émir Droudkal ou Mokhtar Belmokhtar qui «y transitent régulièrement». Si la France parvient à inscrire le dossier libyen à l'agenda du Conseil de sécurité de l'Onu, Alger devra logiquement s'incliner devant la résolution onusienne si une intervention militaire sous son égide serait décidée. De là à dire quel sera le degré de sa coopération, seuls le temps et les médias étrangers nous le diront.