Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Le piège religieux

par M'hammedi Bouzina Med : Bruxelles

Voir le chaos que vit le nord de l'Irak sous le seul aspect religieux, c'est donner raison aux djihadistes de l'Etat islamique. C'est renforcer la thèse de tous ceux qui estiment la paix impossible entre le monde musulman et l'Occident.

Gros dilemme et gros embarras pour les pays arabes face à l'intervention militaire américaine en Irak : comment se débarrasser des hordes de djihadistes qui déclarent vouloir reconquérir les pays du Sham, c'est-à-dire tout le Proche et Moyen-Orient, sans l'intervention des Occidentaux ? Comment demander l'aide américaine et occidentale sans être perçus comme leurs supplétifs et surtout accusés d'alimenter la thèse des guerres de religions et de civilisations ? C'est que depuis le début de cette année, l'avancée des groupes djihadistes des frontières syriennes vers la capitale irakienne, Bagdad, ne rencontre pas de vraie résistance. Les pays arabes ne manifestent, à ce jour, aucun signe de solidarité avec l'Irak. Ils regardent, de loin, l'étrange et énigmatique Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) s'installer au cœur même du monde arabe, sans réagir. L'intervention américaine en Irak n'est pas vue par les gouvernants arabes d'un si mauvais œil ; au contraire, ils espèrent qu'elle mettra fin au projet de ces funestes groupes de terroristes qui, au nom de l'Islam, sèment le chaos dans le fragile équilibre politique et géostratégique dans la région arabe. Bien sûr que les USA et les Occidentaux d'une manière générale, courent dans la région pour défendre leurs intérêts économiques et géostratégiques (pétrole et gaz essentiellement). Faut-il leur en vouloir ? Les USA sont entrés avec armes et bagages en Irak, voilà plus de 11 ans (en 2003) et ne sont pas près de le quitter totalement, même après le départ de leurs troupes au sol. Au large des côtes du golfe Persique et en Méditerranée, les navires de guerres, porte-avions et autres missiles veillent sur les routes de l'énergie qu'ils contrôlent. Cependant, après le constat évident de ce jeu d'intérêts géostratégiques auquel se livrent les puissances occidentales dans la région, faut-il en déduire de nouvelles «Croisades» ? C'est-à-dire une guerre des judéo-chrétiens contre les musulmans ? Voir sous cet angle ce qui se passe en Irak ne peut que donner du crédit aux djihadistes et alimenter le débat sur l'impossible paix entre les musulmans et les autres peuples non musulmans. Ce sont pourtant les djihadistes qui persécutent, assassinent, violent et chassent les chrétiens de la région et tous ceux qui ne se prosternent pas devant leur diktat, et veulent un affrontement de religions. Mieux, ils sèment la discorde et la violence entre les différents courants de l'Islam (sunnites / chiites essentiellement). La meilleure manière de faire oublier les vrais enjeux (économiques et énergétiques) pour lesquels les Occidentaux interviennent en Irak est de limiter la guerre en Irak ou en Palestine à une guerre de religions. Du reste, que font les gouvernants des pays arabes pour aider à une solution juste en Irak, en Palestine, en Syrie, en Libye par exemple ? Souvent les pays arabes se cachent derrière le principe de non-ingérence. Une manière de fuir la responsabilité au risque de subir de graves conséquences dans leurs propres pays. L'éventualité d'un retour des Français en Libye avec l'appui des Occidentaux n'est pas exclue si jamais leurs intérêts son menacés. Verra-t-on là aussi une guerre des religions ? Entre 1992 et 1995, lors de l'invasion serbe en Bosnie-Herzégovine, le monde arabe soutenait que c'était une guerre contre les musulmans de Bosnie, sans bouger le petit doigt. Ce sont les avions de l'Otan (américains) qui ont mis fin au massacre des musulmans de Bosnie. Les leaders serbes ont été poursuivis, arrêtés et condamnés par le tribunal pénal international. Aujourd'hui, au nord de l'Irak, se sont les chrétiens et autres obédiences religieuses qui subissent l'enfer des djihadistes qui, par ailleurs, menacent les intérêts occidentaux. Ces derniers ne se laisseront pas faire. Et tant mieux s'ils arrivent à vite débarrasser la région de ces innombrables groupuscules terroristes qui sont une tragédie d'abord pour les musulmans.