Voir le chaos que
vit le nord de l'Irak sous le seul aspect religieux, c'est donner raison aux
djihadistes de l'Etat islamique. C'est renforcer la thèse de tous ceux qui
estiment la paix impossible entre le monde musulman et l'Occident.
Gros dilemme et
gros embarras pour les pays arabes face à l'intervention militaire américaine
en Irak : comment se débarrasser des hordes de djihadistes qui déclarent
vouloir reconquérir les pays du Sham, c'est-à-dire tout le Proche et
Moyen-Orient, sans l'intervention des Occidentaux ? Comment demander l'aide
américaine et occidentale sans être perçus comme leurs supplétifs et surtout accusés
d'alimenter la thèse des guerres de religions et de civilisations ? C'est que
depuis le début de cette année, l'avancée des groupes djihadistes des
frontières syriennes vers la capitale irakienne, Bagdad, ne rencontre pas de
vraie résistance. Les pays arabes ne manifestent, à ce jour, aucun signe de
solidarité avec l'Irak. Ils regardent, de loin, l'étrange et énigmatique Etat
islamique en Irak et au Levant (EIIL) s'installer au cœur même du monde arabe,
sans réagir. L'intervention américaine en Irak n'est pas vue par les
gouvernants arabes d'un si mauvais œil ; au contraire, ils espèrent qu'elle
mettra fin au projet de ces funestes groupes de terroristes qui, au nom de
l'Islam, sèment le chaos dans le fragile équilibre politique et géostratégique
dans la région arabe. Bien sûr que les USA et les Occidentaux d'une manière
générale, courent dans la région pour défendre leurs intérêts économiques et
géostratégiques (pétrole et gaz essentiellement). Faut-il leur en vouloir ? Les
USA sont entrés avec armes et bagages en Irak, voilà plus de 11 ans (en 2003)
et ne sont pas près de le quitter totalement, même après le départ de leurs
troupes au sol. Au large des côtes du golfe Persique et en Méditerranée, les
navires de guerres, porte-avions et autres missiles veillent sur les routes de
l'énergie qu'ils contrôlent. Cependant, après le constat évident de ce jeu
d'intérêts géostratégiques auquel se livrent les puissances occidentales dans
la région, faut-il en déduire de nouvelles «Croisades» ? C'est-à-dire une guerre
des judéo-chrétiens contre les musulmans ? Voir sous cet angle ce qui se passe
en Irak ne peut que donner du crédit aux djihadistes et alimenter le débat sur
l'impossible paix entre les musulmans et les autres peuples non musulmans. Ce
sont pourtant les djihadistes qui persécutent, assassinent, violent et chassent
les chrétiens de la région et tous ceux qui ne se prosternent pas devant leur
diktat, et veulent un affrontement de religions. Mieux, ils sèment la discorde
et la violence entre les différents courants de l'Islam (sunnites / chiites
essentiellement). La meilleure manière de faire oublier les vrais enjeux
(économiques et énergétiques) pour lesquels les Occidentaux interviennent en
Irak est de limiter la guerre en Irak ou en Palestine à une guerre de
religions. Du reste, que font les gouvernants des pays arabes pour aider à une
solution juste en Irak, en Palestine, en Syrie, en Libye par exemple ? Souvent
les pays arabes se cachent derrière le principe de non-ingérence. Une manière
de fuir la responsabilité au risque de subir de graves conséquences dans leurs
propres pays. L'éventualité d'un retour des Français en Libye avec l'appui des
Occidentaux n'est pas exclue si jamais leurs intérêts son menacés. Verra-t-on
là aussi une guerre des religions ? Entre 1992 et 1995, lors de l'invasion
serbe en Bosnie-Herzégovine, le monde arabe soutenait que c'était une guerre
contre les musulmans de Bosnie, sans bouger le petit doigt. Ce sont les avions
de l'Otan (américains) qui ont mis fin au massacre des musulmans de Bosnie. Les
leaders serbes ont été poursuivis, arrêtés et condamnés par le tribunal pénal
international. Aujourd'hui, au nord de l'Irak, se sont les chrétiens et autres
obédiences religieuses qui subissent l'enfer des djihadistes qui, par ailleurs,
menacent les intérêts occidentaux. Ces derniers ne se laisseront pas faire. Et
tant mieux s'ils arrivent à vite débarrasser la région de ces innombrables
groupuscules terroristes qui sont une tragédie d'abord pour les musulmans.