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L'imprévu libyen

par Abdelkrim Zerzouri

Les plans des voyagistes et vacanciers algériens qui ont renoué cette saison avec la destination Tunisie après deux années de désertion à cause de la dégradation de la situation sécuritaire, sont totalement perturbés par ce qu'on qualifie déjà chez les professionnels du tourisme d'«imprévu libyen». Tout était pourtant bien parti pour ces vacances en Tunisie qu'on préparait depuis des mois des deux côtés de la frontière, les Tunisiens ayant été offensifs sur ce registre lors de la tenue au mois de mai du Salon international du tourisme et du voyage (SITEV), et les professionnels algériens qui maîtrisent parfaitement pour leur part ce produit de la destination tunisienne n'ont pas eu à déployer trop d'efforts pour convaincre les vacanciers de l'attractivité des séjours chez nos voisins de l'Est. Les prévisions « d'un million et demi de vacanciers algériens attendus cet été en Tunisie » n'étaient donc pas du tout exagérées. D'ailleurs on commence à s'assurer de cette estimation dès la fin du mois du ramadhan. Les formules attrayantes proposées par les Tunisiens pour séduire les touristes algériens avant et après le Ramadhan, dont des produits diversifiés et d'autres offres promotionnelles exceptionnelles, ont effectivement permis de faire le plein. Il y a deux années, seuls les jeunes se manifestaient pour une virée touristique en Tunisie, maintenant on constate le retour des familles qui reprennent confiance après l'amélioration de la situation sécuritaire et grâce aussi au savoir-faire des professionnels tunisiens qui ont été très persuasifs sur le registre du marketing. A peine donc l'Aïd El Fitr célébré, des centaines de véhicules convergent quotidiennement vers le poste frontalier d'Oum Tebboul. «C'est que les réservations ont été faites depuis longtemps, sans tenir compte des développements de la situation chez le voisin libyen », relève sur un ton plein d'appréhension M. Farid Larbaoui, chef d'agence de voyage à Sétif et président du syndicat national des agences de voyages de l'Est. Contacté hier au sujet des destinations privilégiées par les vacanciers algériens, notre interlocuteur affirme que la destination Tunisie demeure sans conteste au premier rang. « Tout est programmé, et il n'est guère aisé de faire marche arrière maintenant », souligne-t-il. Les Algériens continueront à affluer chez nos voisins de l'Est, au même moment d'une autre ruée des Libyens chez leur voisin de l'Ouest. Ces derniers, fuyants les combats violents qui déchirent leur pays, ont pris d'assaut la Tunisie. Ils ont traversé la frontière par milliers ces derniers jours, et les Tunisiens qui menaçaient de fermer les passages si leur sécurité interne subissait les contrecoups de ce rush massif sont finalement passés à l'acte avant-hier. Selon des sources sécuritaires, des Libyens ont tenté de passer avec des armes à feu en terre tunisienne. Il n'en fallait pas plus pour que le spectre de l'insécurité revienne hanter les contrées tunisiennes. Et, au-delà de cet aspect, les vacanciers algériens seront confrontés à une hausse vertigineuse des prix. « Les chambres d'hôtel sont cédées au double, voire au triple, du prix réel », indique M. F. Larbaoui. Aussi, il ne faudrait pas s'étonner d'une flambée générale des prix, chose qui ne pourrait que gâcher les vacances des Algériens, eux qui croyaient qu'ils dépenseraient peu pour des vacances de rêve. Et puis, les voyagistes craignent d'être confrontés à des défections, comme l'annulation pure et simple de séjours. Les Libyens sont des réfugiés très particuliers, « ils ne demandent rien », selon l'expression du responsable local du Croissant-Rouge. « Les Libyens sont en terre conquise en Tunisie où ils tiennent des hôtels, des restaurants et même des zones touristiques, et ils ne sont pas près de libérer dans l'immédiat les lieux qu'ils occupent, sans réservation préalable », soutiennent des avis de professionnels largement partagés. Le conflit libyen jette une ombre opaque sur les vacances des Algériens en Tunisie. Et, dans ce contexte précis, il ne serait pas étonnant de voir les gens se ruer vers d'autres destinations qui occupaient les secondes positions dans le choix des vacanciers, en l'occurrence la Turquie, le Maroc, Charm el Cheikh (Egypte) et Dubaï. Enfin, au-delà des réticences soutenus par la cherté des prix locaux et certaines mentalités qui feront tout pour enlaidir l'atmosphère et contrarier la tranquillité des gens, il y aura toujours cette opportunité de passer les vacances en Algérie où la nature n'a rien à envier aux sites les plus beaux du monde.