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Tunisie, Libye : Menaces sur l'Algérie

par Moncef Wafi

Tout converge à constater que la Libye est devenue la pierre angulaire d'un terrorisme transnational qui menace et frappe ses frontières directes.

L'Algérie, le Mali et surtout la Tunisie et un peu plus loin, la Syrie, sont devenus le prolongement d'une activité djihadiste qui s'est intensifiée, depuis la chute du régime de Kadhafi. Et les derniers bouleversements militaires, en terre libyenne, concernent toute la région déstabilisée et qui risque de l'être, davantage, avec la guerre civile qui se profile, à l'horizon, après la dernière attaque aérienne du très controversé général Khalifa Haftar et de la riposte, jusque-là «verbale» de «Ansar Charia» qui lui promet l'enfer ainsi qu'à son allié, présumé, les Etats-Unis d'Amérique, si d'aventure ils intervenaient en Libye. Washington a recommandé à tous ses ressortissants de quitter «immédiatement» ce pays. Les Etats-Unis ont décidé de déployer un navire avec un millier de soldats, du corps des Marines, à son bord, à proximité des côtes libyennes pour être prêts à conduire une éventuelle évacuation de son ambassade, à Tripoli où un fonctionnement «normal» est maintenu.

Ce chaos se répercute, directement, sur la sécurité des frontières est et sud-est de l'Algérie, qui a décidé, dernièrement, d'envoyer des renforts pour ses forces frontalières.

Sur fond d'une bataille pour la prise de Benghazi, le bastion fort du groupe islamiste «Ansar Charia», un autre front s'est ouvert, politique, cette fois, avec les élections législatives qui auront bien lieu, le 25 juin, a affirmé, ce jeudi, la Haute Commission électorale (Hnec).

Le futur parlement doit remplacer le Congrès général national (CGN, Parlement), la plus haute autorité politique et législative de Libye, élu, en juillet 2012, lors du premier scrutin libre, dans le pays. Contesté pour avoir décidé de prolonger, unilatéralement, jusqu'en décembre 2014,son mandat arrivé à expiration, en février, le CGN a décidé de la tenue des élections de juin, sous la pression de la rue. Pourtant, et depuis mercredi, la Libye se retrouve avec deux gouvernements, sur fond d'imbroglio politico-judiciaire. Le cabinet du Premier ministre sortant, le libéral Abdallah al-Theni, a affirmé, dans un communiqué, qu'il s'en remettait à la justice pour déterminer s'il devait céder le pouvoir au nouveau gouvernement d'Ahmed Miitig, appuyé par les islamistes et dont l'élection au CGN, début mai, est contestée.

Rappelons que des milices de la région de Zenten, qui contrôlent le sud de Tripoli, avaient lancé, le 18 mai dernier, une attaque contre le siège du CGN. Mokhtar Farfana, le chef de la police militaire avait annoncé, de son côté, la suspension du Parlement, demandant à l'Assemblée constituante, de prendre sa place. Le CGN a focalisé toute la frustration de forces politiques et militaires et d'une grande partie de la population, en décidant de prolonger son mandat.

LA MENACE DE «ANSAR ACHARIA»

Sur le plan militaire, les forces du général Khalifa Haftar ont lancé, mercredi, des raids aériens contre une brigade islamiste, à Benghazi. Dans l'ouest de Benghazi, «un avion militaire a mené des raids contre un camp de la «Brigade des martyrs du 17 février», touché par deux missiles», a annoncé Ahmed al-Jazaoui, porte-parole de plusieurs brigades d'ex-rebelles qui avaient combattu l'ancien régime. Le général Khalifa Haftar, dont la force paramilitaire s'est auto-déclarée «Armée nationale libyenne», avait, le 16 mai dernier, fait une première offensive contre des groupes islamistes, à Benghazi avant de se retirer et de promettre que l'opération «Dignité» allait se poursuivre. Ses forces ont été ralliées par les Forces spéciales, à Benghazi, une unité d'élite de l'armée régulière, et des officiers de la base aérienne de Tobrouk. Les hauts gradés, sous l'ancien régime, bien que certains aient participé à la révolte l'ayant renversé, ont été marginalisés ou écartés par les nouvelles autorités, regroupées au sein du CGN.

Mardi, Mohamed Al-Zehawi, chef de «Ansar Charia» à Benghazi, a accusé le général dissident d'être un «nouveau Kadhafi» et un «agent des renseignements américains». Il a menacé de faire appel à des combattants de la région entière, comme en Syrie, si Khalifa Haftar poursuivrait sa campagne. M. Zehawi a, également, prévenu les Etats-Unis de rester à l'écart ou de connaître le même sort qu'en Irak, en Afghanistan ou en Somalie. Le groupe djihadiste libyen avait, déjà, averti le général, qu'il riposterait à toute nouvelle attaque lancée contre ses troupes, après l'offensive du 16 mai. «Ansar Charia», classé organisation «terroriste» par Washington, a déclaré, solennellement, que «la confrontation est, désormais, inévitable pour défendre notre ville et notre terre». Son communiqué d'alors qualifie l'opération, menée par le général de «guerre contre l'Islam, appuyée par l'Occident et ses alliés arabes», faisant, certainement, référence aux accointances de Haftar avec les Américains.

En Tunisie, pour rappel, une attaque terroriste à la Kalachnikov contre la résidence du ministre de l'Intérieur, à Kasserine (centre-ouest ), avait causé la mort de quatre policiers alors que deux autres ont été blessés. Kasserine est située au pied du Mont Chaambi, un massif, à la frontière algérienne où l'armée pourchasse, depuis décembre 2012, un groupe accusé de liens avec «Al-Qaïda» qui n'a, toujours, pas été neutralisé malgré des bombardements aériens réguliers et des opérations au sol. Des soldats et gendarmes tunisiens sont, régulièrement, blessés ou tués sur ce mont, généralement par l'explosion de mines. Deux militaires ont, encore, été tués, la semaine dernière, dans les mêmes circonstances. «Les terroristes qui ont commandité cette opération, sont liés avec des groupes armés, en Libye, dont l'objectif principal est d'y entrer sur le territoire tunisien», a affirmé le porte-parole du ministère de l'Intérieur.