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Le FNI devient un acteur majeur en Algérie avec l’acquisition de Djezzy

par Yazid Taleb

En signant, vendredi à Paris, un contrat d’acquisition de 51% dans la société Orascom Telecom Algérie SPA (OTA) pour un montant de 2,6 milliards de dollars, le Fonds national d'investissement (FNI) met un terme à un «processus long et complexe». Il marque aussi un retour remarquable du Fonds public au devant de la scène économique algérienne.

« L’acquisition d’une participation majoritaire dans OTA s’inscrit parfaitement dans la mission confiée par les pouvoirs publics au FNI, de participer au développement économique de l'Algérie et dans notre plan stratégique," a indiqué le PDG du FNI, M.Ahcène Haddad. C’est donc un retour du FNI sur le devant de la scène économique, où son action, bien que très loin d’être négligeable, est restée au cours des dernières années, entourée d’une certaine discrétion.

Les premières activités du FNI, entamées depuis maintenant plus de 4 années, ont déjà entraîné la mobilisation de près de 2 milliards d’euros de fonds propres. C’est ainsi que l’institution a contribué, dès 2009, à travers des prêts à long terme, aux programmes d’investissement de nombreuses entreprises publiques. Cette préférence pour le secteur public s’est exprimée essentiellement par des injections massives de capitaux dans un certain nombre d’entreprises réputées stratégiques.

LE SECTEUR PUBLIC D’ABORD

Le processus a été engagé dès juillet 2009 avec un des enfants chéris des pouvoirs publics algériens, le groupe des cimenteries publiques Gica, à qui on a attribué un prêt d’un montant de 180 milliards de dinars, à échéance de plus de 20 ans. En contrepartie, l’objectif assigné au secteur, est de porter la production annuelle de 11 millions de tonnes actuellement à 18 millions de tonnes en 2014.

Les interventions les plus importantes du FNI ont concerné en outre le renouvellement de la flotte d’Air Algérie et, plus récemment, l’ambitieux programme de développement du champion national de l’industrie pharmaceutique Saidal, qui doit se traduire par des prêts à long terme estimés à plus de 100 milliards de dinars. Plus récemment encore, on apprenait que le FNI allait financer l’acquisition de 2 nouveaux ferrys par l’ENTMV, moyennant un crédit de 30 milliards de dinars.

La liste est loin d’être exhaustive et constitue d’ailleurs, à l’heure actuelle, un secret bien gardé. Les conditions préférentielles accordées par le FNI à ces grandes entreprises publiques, qui en ont jusqu’ici été les bénéficiaires exclusives, se traduisent par des prêts à échéances beaucoup plus longues (au moins 20 ans en général) que celles pratiquées par les banques commerciales, ainsi que des taux d’intérêt fortement bonifiés.

DE COSIDER A AXA ET TONIC…

En marge de ces nombreuses actions de financements, le FNI a surtout été projeté sur le devant de la scène économique nationale en raison de ses prises de participation spectaculaires dans des entreprises publiques et privées. C’est ainsi qu’on a appris, dès novembre 2009, que la contribution du FNI au plan de croissance de Cosider, première entreprise de travaux publics du pays dont le développement est «couvé» par les pouvoirs publics, se traduirait par la substitution pure et simple du fonds d’investissement public aux anciens actionnaires qu’étaient la BEA et le holding public du secteur. Le FNI est ainsi devenu, à la suite de cette opération, unique en son genre jusqu’à présent, le propriétaire et l’actionnaire unique de Cosider SPA, moyennant un investissement de 4 milliards de dinars (40 millions d’euros).

Cette première prise de participation a été suivie par l’intervention du FNI, aux côtés de la BEA et du groupe AXA, dans l’accord de partenariat qui a permis au numéro un mondial de l’assurance de s’installer en Algérie. Il s’agissait de la première prise de participation du FNI dans le capital d’un projet d’investissement réalisé en partenariat avec une entreprise étrangère. Le fonds public dispose d’une minorité de blocage de 30% dans les 2 filiales de la nouvelle société, dans lesquelles il a investi environ 1 milliard de dinars(10 millions d’euros). Un peu plus tard, et toujours dans le secteur de l’assurance, le FNI était également appelé à participer au tour de table de Taamine life Assurance, la filiale de la CAAT spécialisée dans les assurances de personnes, dont elle détient 30% du capital.

En 2009, Le FNI avait en outre été l’instrument majeur d’un plan de sauvetage du papetier privé Tonic Emballage, en situation de faillite. Un dossier empoisonné qui avait conduit à l’incarcération des anciens propriétaires de l’entreprise ainsi que de plusieurs banquiers. L’intervention du FNI permettait tout d’abord de faire tourner à nouveau les machines d’un complexe de création récente, qui employait plus de 4 000 personnes. Elle avait en outre l’avantage de soulager la BADR, une des 6 grandes banques publiques, qui avait injecté, au mépris des dispositions prudentielles légales, le montant colossal de 65 milliards de dinars (650 millions d’euros) dans l’entreprise.
Bien que fortement médiatisées, ces différentes opérations ne représentaient finalement au total qu’un montant financier relativement modeste et, pour beaucoup d’observateurs, le FNI n’avait pas vraiment brillé dans ce domaine par son dynamisme. Le montant de ses prises de participation ne totalisant qu’environ 7 milliards de dinars (moins de 70 millions d’euros), soit à peine un peu plus de 1% du bilan de l’institution publique.

INVESTISSEMENT OU NATIONALISATION ?

L’opération annoncée la semaine dernière a donc, en premier lieu, la particularité de mobiliser des montants financiers considérables qui vont multiplier d’un seul coup par 30, et faire brutalement changer d’échelle, les investissements réalisés par le FNI sous forme de prise de participation. Un type d’opération, comportant pour la première fois,des implications internationales pour lesquelles le FNI n’était manifestement pas outillé. D’où, ainsi que l’indique le communiqué officiel, le recours «depuis de nombreux mois, à plusieurs cabinets conseils, notamment Shearman et Sterling LLP, qui a apporté tout son savoir-faire dans le montage juridique de l'opération et la rédaction des accords ainsi que FTI Consulting, expert financier impliqué dans la valorisation et la négociation des aspects financiers».

Une «méga acquisition» qui aura de plus, ce sera certainement à l’avenir son aspect le plus controversé, la particularité de concerner une entreprise déjà en activité, parfaitement viable et sans doute même beaucoup trop rentable aux yeux des autorités algériennes. Un banquier privé fait remarquer que «les 2,6 milliards de dollars investis par le FNI dans une opération qui a la plupart des caractéristiques d’une nationalisation, risquent donc fort de ne créer aucun emploi et de ne participer que faiblement au développement économique de l’Algérie». C’est sans doute dans le but de répondre à ces objections que M.Ahcène Haddad, après avoir affiché sa «fierté» d’investir aux côtés du groupe Vimpelcom, prend la précaution de préciser que cet accord va «permettre à Djezzy de poursuivre son activité dans un marché dynamique et d'intensifier ses investissements, notamment en renforçant et en développant son infrastructure de réseau», ajoutant que :«le pacte d’actionnaires permet à VimpelCom de conserver le contrôle managérial et opérationnel d’OTA, mais confère au FNI des droits de veto sur les grandes décisions stratégiques».