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Abdelatif Benachenhou à l'IBS d'Oran : «Toutes les entreprises, y compris étrangères, sont subventionnées avec l'argent de l'Etat»

par Ziad Salah

A l'aise parce que défait de toute obligation de réserve, décontracté, Abdelatif Benachenhou, l'ex-ministre des Finances, a donné une conférence au siège de l'IBS (International Business School) jeudi en fin d'après-midi.

Ayant choisi un thème vague, celui de «L'entreprise algérienne face à la mondialisation», le conférencier, ex-argentier du pays, s'est imposé une contrainte : ne pas verser dans les débats et les considérations politiques. Peine perdue, puisqu'il affirme, dès qu'il aborde la situation algérienne, qu'«il est difficile de cerner la réalité des entreprises algériennes, publiques ou privées». Et pour cause, «notre statistique est très faible», avance-t-il. Plus clairement, il lancera «l'ONS n'a pas suffisamment de moyens» pour pouvoir fournir des données fiables. A partir de ce constat, d'autres s'autorisent d'avancer une lecture très claire: le déficit de transparence conséquent au manque de performance de l'appareil chargé des statistiques est caractéristique des pays non démocratiques.

Benachenhou qui était dans les affaires, ne s'encombre pas de ce genre de considérations et s'emploie à trouver un biais pour contourner les défaillances de l'ONS. «La productivité, la compétitivité et la rentabilité sont les trois volets d'approche de l'entreprise algérienne», lancera-t-il. Il série 10 secteurs d'activité économique, à commencer par le secteur agricole. Son verdict, lui qui évite pour des raisons faciles à deviner de verser dans des polémiques politiques, ne souffre aucune ambiguïté, «le fruit d'une dizaine d'années d'effort pour relancer l'agriculture est parti dans les poches des spéculateurs». Il rappelle une réflexion du patron de la Banque Nationale Algérienne: «La production céréalière a marqué un bond cette année grâce notamment à la pluviométrie, mais ceci n'a pas empêché les prix de grimper de 25%». Benachenhou parlera de circuit de distribution déstructuré.

Attaquant l'analyse du secteur industriel privé, il dira que l'Etat subventionne «le coût du capital et l'énergie». Dans ce cadre, il lance que Sonatrach «offre de 6 à 7 milliards de $ comme cadeau aux Algériens». Sa sentence est sans appel : «Nous sommes dans une situation où toutes les entreprises, y compris étrangères, sont subventionnées avec l'argent de l'Etat». Benachenhou consacre une place particulière à Sonatrach dans son analyse. Il signalera que l'an dernier sa demande de prendre connaissance de l'audit de l'entreprise «a été mal prise». Il lancera que «la production de la valeur ajoutée a baissé de l'ordre de 22% depuis sept ans». Il estimera que la productivité de la première entreprise du pays est faible et décroissante, alors que sa compétitivité est moyenne et que son activité de RD (Recherche et développement) est faible. Soulevant «la mal gouvernance de cette entreprise», il remarquera que la saignée des ressources humaines qu'elle connaît ne fait que s'aggraver. Cependant, il reconnaîtra que la fiscalité à laquelle est soumise cette entreprise est la plus exigeante par rapport au reste des entreprises. «Je suis de ceux qui estiment très souhaitable d'ouvrir un débat sur la fiscalité de Sonatrach», tonnera-t-il.

Lors des débats, le conférencier s'est expliqué sur certaines questions. Il a notamment plaidé pour l'envoi des jeunes Algériennes et Algériens aux centres de formation au lieu et à la place des universités, «puisque des diplômés se retrouvent chauffeurs de taxi», ironise-t-il.