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Algérie-Union européenne : Législatives 2012, réformes, «printemps arabes»

par Ghania Oukazi

Les parlementaires européens sont à Alger pour, entre autres, vérifier si les autorités algériennes ont mis en œuvre les recommandations

de ceux d'entre eux qui ont observé les élections législatives de 2012.

Ce sont six sur les treize parlementaires européens qui constituent le groupe ?Maghreb' qui sont en visite, à Alger, depuis lundi dernier, avec en main un ordre du jour visant plusieurs objectifs. Présidée par Pier Antonio Panzeri, député issu du groupe de l'Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen, tout autant que deux de ses collègues, la délégation européenne comprend aussi deux membres des Verts. C'est la 13ème visite qu'une délégation, pour les relations avec les pays du Maghreb, effectue en Algérie. Certains d'entre ces membres, à l'exemple de leur président, ont fait partie de la Commission européenne d'observation des élections que l'Algérie a invitée, l'année dernière, pour suivre les législatives.

Les objectifs que ces parlementaires visent à atteindre, à travers leur déplacement, sont au nombre de trois.

«Le premier, c'est l'approfondissement des relations interparlementaires entre l'Union européenne et l'Algérie, en vue de les intensifier et de les stabiliser pour que le processus de réformes démocratiques engagées arrive à son terme,» a indiqué Panzeri, tout au début de la conférence de presse qu'il a animée, hier, au siège de la délégation européenne, à Alger.

Le 2ème objectif et qui semble tenir à cœur les parlementaires européens, consiste en la vérification de la mise en place des recommandations formulées par leurs pairs, venus l'année dernière, observer le processus des élections législatives. Ce sont 30 recommandations dont la plus importante, à leurs yeux, est la publication du fichier électoral. « C'est un point sur lequel nous avons insisté, il est essentiel et tout à fait décisif, si nous voulons aboutir à une réelle transparence des élections, nous insistons pour que ce fichier soit rendu public,» a-t-il déclaré. Il affirme, à cet effet, qu' «on nous a fait un certain nombre d'objections à cette publication comme une confidentialité sur la vie privée des électeurs à préserver, mais nous avions dit qu'une personne qui va voter le fait publiquement, donc la confidentialité n'a pas de sens.» Il déclare qu'«il y va de l'intérêt de l'Algérie et de ses gouvernants d'organiser des élections libres et transparentes (?), nous sommes là pour observer, j'espère que l'Algérie nous demandera de venir pour le faire, lors des prochaines élections, nous pensons que ce processus électoral soit amélioré, transparent, se perfectionne et permette que toute personne y participe.»

«IL FAUT APPORTER UNE REPONSE ET GARANTIR UNE JUSTICE»

En attendant, il pense qu'en terme d'évaluation de ce processus, «il y a eu du chemin, c'est un fait positif, on ne peut le nier, mais reste beaucoup à faire, en matière d'associations, de libertés syndicales, de parités hommes-femmes? C'est évident.»

2ème objectif : la question des disparus, à propos de laquelle, le parlementaire précise que «ce n'est pas un sujet sur lequel nous pouvons intervenir pour situer les responsabilités, nous voulons, par contre, que ces disparus soient retrouvés, ce qui exige un engagement des autorités algériennes, parce que réconciliation ne signifie pas se taire sur les injustices, il faut apporter une réponse et garantir une justice.» Il estime, ainsi, que «les vérités historiques doivent être établies et transmises au public pour que les familles des disparus puissent faire leur deuil.» Il qualifie «l'engagement des autorités à cet effet», de nécessité.

Enfin, comme dernier objectif, les parlementaires veulent que soient dépassés les obstacles qui minent la relation algéro-marocaine. «Pour que cette relation s'améliore, il faut la normaliser, il faut mettre entre parenthèses le conflit du Sahara Occidental, il faut que l'Algérie et le Maroc se parlent, entre eux, pour qu'ils puissent aller vers une nouvelle vision de règlement de ce conflit.»

Les parlementaires lient cette relation, entre les deux pays, à la réussite de l'intégration régionale. Ils pensent même que les accords d'associations que l'Union européenne a fait, en sorte de conclure d'une façon bilatérale avec chacun des pays maghrébins, ne sont, nullement, un obstacle à cette intégration.

«Les pays de la région peuvent travailler, ensemble, dans les domaines du social, des finances, des infrastructures, ce qui pourrait aider à une intégration extraordinaire pour avancer,» estime le président de la délégation. Il fait savoir que «l'UE est favorable à ce processus et peut l'accompagner.»

«PRINTEMPS ARABES» CONTRE STABILITE ?

A propos de la politique européenne de voisinage (PEV), il fera savoir que «le Parlement européen a adopté, il y a quelques jours, une résolution pour prendre acte des erreurs commises, par le passé, à l'encontre des pays de la Méditerranée.» L'UE peut selon lui, apporter, de plus en plus, de contribution financière accrue «principalement aux pays qui ont mis en œuvre les réformes démocratiques.» Il explique que «la PEV porte une perspective nouvelle, face à l'émigration régulière, il y a l'émigration circulaire au profit des jeunes que l'Europe peut former pour qu'ils rentrent dans leurs pays respectifs et participer à leur développement, c'est une perspective novatrice qui pourrait apporter ses fruits.»

 Interrogé sur «cette question bien plus complexe» de la détérioration de la sécurité dans la bande du Sahel après l'intervention de la France, Panzeri reconnaît que «la Communauté internationale a ses responsabilités, il faut éviter les ingérences et arriver à une coopération réelle.» Il avoue, cependant, que «la Commission européenne a sous-évalué le rôle de l'Algérie, dans la stabilité de la région, la lutte contre le terrorisme et la présence des éléments d'El Qaïda.» Il rappelle même que «la CE a joué la carte de la stabilité en maintenant en place les régimes, c'est ce qui a été payé par la suite.» A ceux qui estiment que «les printemps arabes» ont échoué, Panzeri leur dit que «l'histoire nous a enseigné qu'un processus de changement n'est pas linéaire et qu'il n'apporte pas ses fruits, en peu de temps.» Il souligne que «nous suivons de près ce qui se passe et sommes là pour faire face à ce qui émerge de nouveau.» Il pense même que «la Tunisie, qui a engagé un dialogue politique, pourrait, d'ici décembre, élaborer une constitution et organiser des élections au printemps prochain.»

«NECESSITE DE REVISER LA LOI SUR LES ASSOCIATIONS»

Et «si ce sera le cas, la Tunisie sera un exemple de démocratie pour les pays de la région, nous travaillons pour qu'elle connaisse ce changement et y arrive,» dit-il. Pour lui, «les printemps arabes» ont quelque peu déteint sur l'Algérie puisque, affirme Panzeri «les autorités algériennes ont donné des réponses à des questions qui leurs ont été posées, et donc ont pris tout à fait conscience de la voie dans laquelle elles devaient s'engager, elles sont bien conscientes de ces changements dans la région.»

Panzeri a fait, alors, savoir, au nom de ses collègues, que «trois thèmes importants ont émergé, clairement, de leurs discussions avec les membres de la société civile et un groupe d'étudiants. Il s'agit donc, selon lui, du lourd dossier conséquent à l'application de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, à savoir celui des disparus, le problème de la non reconnaissance des syndicats autonomes par les autorités et enfin la situation des associations et de leur financement.

«C'est un point délicat, et nous pensons qu'il y a nécessité de réviser la loi les concernant, afin de faciliter et non pas d'empêcher, la vie associative,» a-t-il déclaré. «Ce sont des thèmes que nous allons présenter aux autorités et responsables algériens que nous allons rencontrer,» a précisé Panzeri.

Les parlementaires européens ont reconnu, néanmoins, que «l'Algérie est un partenaire, extrêmement, important, c'est un partenaire économique qui a le plus de poids et un rôle essentiel dans l'équilibre de toute la région, notamment, pour ce qui est de la grave question de l'intégrisme, de la sécurité au Sahel, de l'émigration clandestine et de la présence d'El Qaïda.»