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Tunisie : Des négociations sur fond de crise sécuritaire

par Mounir Souissi De L'afp

Les pourparlers entre les islamistes tunisiens au pouvoir et l'opposition pour résoudre une profonde crise politique sur fond de violences jihadistes, devaient débuter hier après-midi après un engagement écrit du Premier ministre à démissionner. «Le dialogue national commencera à 15h00», a annoncé le syndicat UGTT, principal médiateur dans la crise. Annoncé pour 09h00 GMT vendredi, après deux reports les 5 et 23 octobre, le lancement de ces négociations a été retardé de nouveau vendredi car l'opposition estimait ne pas avoir reçu de garanties suffisantes sur la démission du Premier ministre, Ali Larayedh. Mais ce dernier a soumis au Quartette de médiateurs un document écrit promettant que le gouvernement laissera la place à un cabinet d'indépendants dans les trois semaines suivant le début des pourparlers. «Le Premier ministre tunisien a promis hier soir à la télévision de démissionner en conformité avec la feuille de route du Quartette et après la mise en œuvre des autres étapes de la feuille de route. Une déclaration signée de ce même engagement a été transmise au Quartette organisant le dialogue national», a indiqué le parti islamiste Ennahda au pouvoir.»A titre personnel, je pense que l'engagement écrit répond à l'attente du Front de salut national (coalition d'opposition, NDLR) et le dialogue va pouvoir commencer», a déclaré à l'AFP Mongi Ellouze, un des opposants mandatés pour examiner le courrier du Premier ministre. L'alliance d'opposition qui regroupe des partis allant du centre droit à l'extrême gauche n'a pas encore annoncé de position officielle. La feuille de route du dialogue national prévoit que la classe politique s'accorde en trois semaines sur la composition d'un gouvernement apolitique, après quoi seulement le cabinet Larayedh démissionnera formellement. Le Premier ministre a cependant souligné que les autres étapes devaient aussi être respectées au préalable: la formation de la commission électorale en une semaine, l'adoption article par article de la Constitution tout au long des négociations prévues pour durer un mois, ainsi que l'adoption d'une loi électorale.         

L'imbroglio autour du lancement du dialogue national intervient en pleine crise sécuritaire, les attaques attribuées aux jihadistes s'étant multipliées. La Tunisie observe d'ailleurs depuis jeudi un deuil de trois jours après que six gendarmes et un policier sont morts dans deux incidents séparés. Signe du climat de vives tensions, des policiers ont grièvement blessé par balle, hier vendredi, un jeune homme ivre qui, avec des amis, avait forcé en voiture des barrages de police, selon le ministère de l'Intérieur. Un policier ayant participé à l'opération avait indiqué à l'AFP que les suspects étaient des «terroristes». Le ministère a dans ce contexte appelé «toutes les personnes utilisant un moyen de transport à respecter les injonctions des forces de la sécurité intérieure et ceci dans le cadre de la situation sécuritaire exceptionnelle qui autorise les agents à recourir aux moyens d'intervention conformes à la loi». Le ministère semble ainsi évoquer l'usage de balles réelles. Les funérailles jeudi des gendarmes et du policier ont aussi été émaillées de violences visant des bureaux d'Ennahda, dans le nord-ouest de la Tunisie. Les heurts ont fait cinq blessés. L'opposition accuse les islamistes d'avoir fait preuve de laxisme face au courant salafiste et de faillite sur le plan sécuritaire. Le pouvoir assure être en «guerre contre le terrorisme», ce qui implique, selon lui, des pertes. La Tunisie, déstabilisée par les crises politiques et l'essor des violences jihadistes, n'est pas parvenue depuis la révolution de janvier 2011 à se doter d'institutions pérennes et d'une Constitution. L'assassinat du député Mohamed Brahmi fin juillet a achevé de paralyser la vie politique et institutionnelle, l'opposition refusant de participer aux différents travaux de la Constituante tant que les islamistes sont au pouvoir. La soixantaine de députés concernés doivent retourner dans l'hémicycle dès le début de dialogue national.