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Erreur de casting ou message codé ? Amar Saidani : le DRS «faiseur de rois», c'est fini !

par Salem Ferdi



Du jamais vu ! Un secrétaire général du FLN qui affirme, de manière très explicite, que les services de renseignements, donc le DRS, sont les «faiseurs de roi» et qui promet que ce ne sera plus le cas après la réforme constitutionnelle projetée par Bouteflika, cela ressemble à une erreur de casting ! De quoi susciter beaucoup de questions et des lectures multiples dans une Algérie politiquement figée.

Amar Saïdani est arrivé à la tête du FLN dans des conditions controversées et a commis une étrange lettre, restée sans réponse, à Hocine Aït Ahmed. Mais pour ceux qui connaissent la «maison FLN», rien n'est plus étrange que le message adressé jeudi ? à qui et au profit de qui? ? par Amar Saïdani, via l'agence Reuters. D'habitude les apparatchiks du FLN s'en prennent à la «parano» de ceux qui mettent en avant l'omniprésence du département du Renseignement et de la Sécurité (DRS) sur la vie politique et partisane. Découvrir chez M. Amar Saïdani une appropriation de ce diagnostic classique des opposants est, pour le moins, singulier. Le secrétaire général du FLN n'a pas fait dans la langue de bois, l'article de Reuters se résumant, à deux ou trois paragraphes, de déclarations de Saïdani. Mais des déclarations très «ciblées». Amar Saïdani a expliqué ainsi que le président de la République veut changer la Constitution avant la présidentielle d'avril 2014, afin de mettre fin au rôle de «faiseurs de roi» des Services de renseignements. Le président, a ajouté le secrétaire général du FLN, est décidé d'instaurer une «société civile» et à limiter l'influence politique du Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS).

«Le DRS continuera à jouer son rôle mais ne sera plus impliqué dans la vie politique, dans les partis, les médias et la justice», a déclaré Amar Saïdani.

LA CONSTITUTION ET LES SERVICES

Décapant car officiellement, l'Algérie fonctionne sur la base d'une Constitution où le DRS n'est guère mentionné, hormis, dans le cadre général du rôle de l'Armée nationale populaire. Celle-ci, suivant l'article 25 de la Constitution a pour «mission permanente la sauvegarde de l'indépendance nationale et la défense de la souveraineté nationale. Elle est chargée d'assurer la défense de l'unité et de l'intégrité territoriale du pays, ainsi que la protection de son espace terrestre, de son espace aérien et des différentes zones de son domaine maritime». A aucun moment, le texte de la Constitution ne parle, expressément, du rôle des Services de renseignements. Du coup, en toute logique, les observateurs se demandent ce qui pourrait être révisé dans la Constitution pour empêcher ce rôle de «faiseur de roi» du DRS. Amar Saïdani laisse entendre que la prochaine constitution va mentionner, de manière expresse, les «rôles respectifs du Service de renseignement et de l'Armée». Mais, encore une fois, la Constitution ne donne pas de rôle de «faiseur de roi» à l'armée ou au DRS. Ce rôle est une «réalité politique», pas une réalité juridique. Les Algériens le savent, depuis longtemps, le seul vrai problème des Constitutions est leur applicabilité et la traduction, dans la réalité, des institutions qu'elle prévoit. Du coup, la question de savoir à qui s'adresse le message est plus que posée. Est-ce que ce changement «révolutionnaire», annoncé, sert d'explication à une volonté de rallonger le mandat présidentiel de deux ans, voire d'aller vers un nouveau mandat. Amar Saïdani ne fait pas mystère de ses souhaits pour avril 2014. «Bouteflika est notre candidat. Il n'y a pas, pour nous, d'autres candidats pour l'élection présidentielle que lui», a-t-il assuré. Et il ne veut même pas envisager la possibilité qu'il ne soit pas candidat : «Il est encore trop tôt pour parler de ça».

ON NE POURRA PLUS DIRE «L'ALGERIE EST DIRIGEE PAR LES GENERAUX» !

Amar Saïdani affirme avec assurance que les «réformes et la prochaine élection vont faire taire ceux qui nous dénigrent à l'étranger. Ils ne pourront plus dire que l'Algérie est dirigée par les généraux». A l'étranger ! Est-ce le souci majeur ? Pourtant, au niveau interne, des signaux ne manquent pas pour montrer que le discours de Saïdani ne convainc pas. A six mois des élections présidentielles, les règles du jeu politique sont toujours opaques et rien n'indique que le pays est engagé dans une logique du changement.

L'idée que les «faiseurs de roi» disparaîtront, par le biais d'une révision constitutionnelle, ne s'adresse pas, à l'évidence, aux Algériens. La seule chose qu'ils retiendront est que M. Saïdani admet que le DRS a une influence politique déterminante. Pour le reste, ils demeureront sceptiques à l'idée que les électeurs algériens seront les «faiseurs de roi». La preuve, au FLN, lui-même, les militants ne sont pas les faiseurs de secrétaires généraux !