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Succession à Bouteflika : Entre rumeurs et scénarii pour une présidentielle anticipée

par Ghania Oukazi

Pendant que certains attendent un hypothétique retour du chef de l'Etat, le 5 juillet, pensent-ils, d'autres, plus futés, réfléchissent sur des scénarii pour l'organisation d'une présidentielle anticipée, en décembre prochain.

Ceux qui attendent Bouteflika sont issus du petit peuple qui croit en un retour «prodige» après une longue absence du pays. Ceci, même s'il est dit, ici et là, qu'il a «rechuté» (après la diffusion de son image à la télévision nationale) et qu'une récidive signifie, selon le milieu médical, qu'il s'en sortira avec beaucoup d'incapacités physiques et morales. Beaucoup de citoyens prient pour lui et demandent à Dieu de le guérir. La date du 5 juillet est avancée pour un éventuel retour à Alger du président «afin d'en faire un événement heureux, à l'occasion de la fête de l'Indépendance et de la Jeunesse». Certains milieux proches des services de sécurité affirment même qu'il est rentré, il y a quelques jours. Chacun y va de ses supputations et rumeurs. Il faut reconnaître que le peuple reste profondément humain, même s'il sait que chef de l'Etat doit lui faire connaître son état de santé, d'une manière précise et transparente. Mais ceci est un autre débat qui entraînerait un autre plus important, celui-ci lié à l'exercice du pouvoir et la conformité de cet exercice aux textes de la République en vigueur, notamment la Constitution. D'ailleurs, cette impérative approche ne figure, toujours pas, sur les tablettes du cercle décisionnel dont le nombre de ses membres s'est pourtant rétréci au gré des lois de la nature. Lois sur lesquelles aucun d'entre eux ne peut en changer le caractère obligatoire, inéluctable et fatal. Rien donc n'empêche ceux des rares d'entre eux qui se limitent à deux ou trois, tout au plus, de vouloir encore préserver un régime qu'ils ont toujours réussi à sauver des saccades les plus intenses qu'il a pu recevoir de l'intérieur ou de l'extérieur.

REFLEXION SUR LA VACANCE DU SIEGE PRESIDENTIEL

C'est dans cet esprit que ces stratèges sont, aujourd'hui, braqués sur la préparation d'une succession présidentielle à laquelle ils devaient, pourtant, s'être préparés depuis au moins 2005, année du premier grand malaise du président de la République. Pendant que le Premier ministre et le gouvernement occupent le terrain, la réflexion entre les responsables du DRS et ceux du MDN portent, selon nos sources, sur la manière avec laquelle ils devront annoncer la vacance du siège d'El Mouradia. Ils se sont arrangés, jusque-là, à distiller à l'opinion publique l'idée que Bouteflika est resté actif en instruisant son gouvernement et en signant des décrets par delà les mers. Fait inédit et inélégant que ce transfert d'un acte politique national souverain vers un établissement hospitalier militaire étranger.

Si l'on répète que l'état major du MDN a refusé de faire appliquer l'article 88 de la Constitution qui destitue le chef de l'Etat, en cas d'incapacité de gouverner, l'on susurre qu'il se trouve, aujourd'hui, contraint de le faire mais après Ramadhan. Il est cependant clair que juristes et politiques savent pertinemment que le législateur a «fermé» cet article de sorte à ce qu'il soit difficile à toute institution d'expliquer comment prouver, constitutionnellement, cette incapacité. Rien n'est dit à ce sujet mais sauf imprévu sérieux et important, nos sources affirment que la décision est prise de l'annoncer, en septembre prochain, pour laisser le mois de Ramadhan se passer dans des conditions les plus normales.

ELECTION ANTICIPEE EN DECEMBRE ?

Risque donc que le mois de septembre connaisse les bouleversements les plus inattendus lorsqu'on pense que le pouvoir cherche à trouver des solutions à des problèmes de la Nation sans que celle-ci ne puisse y émettre un avis. L'on dit qu'il est possible que le corps électoral soit convoqué pour la tenue d'une élection présidentielle anticipée, en décembre prochain. Si les dates importent peu dans une situation aussi kafkaïenne, la question, aussi absurde soit-elle, est qui sera choisi pour remplacer Bouteflika ? Même ceux des politiques qui estiment que cette question est une insulte aux enfants de ce pays, ils restent profondément convaincus qu'il est extrêmement difficile de lui trouver une réponse. L'inexistence d'une classe politique capable de renverser la tendance au sein d'un régime défaillant et dégénérescent est flagrante. Nul ne peut nier que tous ses animateurs ont évolué à l'ombre de ce même régime, sans en contester les pratiques, qu'une fois sortis de son arcane. Aujourd'hui, l'ont s'attend à ce que le pouvoir ressorte ses éléments, anciens et nouveaux, pour tenter d'en repêcher un «qui fera l'affaire». Ahmed Ouyahia et Abdelaziz Belkhadem sont donnés, selon certains milieux, comme «favoris» pour être testés sur le terrain de l'élection présidentielle. L'on s'amuse même à soutenir qu'une commission des renseignements a été mise en place pour «blanchir» l'ex patron du RND «des sales besognes» afin que le peuple digère sa candidature. Belkhadem est donné lui, pour faire le tour des zaouïas, recevoir des hommes d'affaires et des figures de proue du mouvement associatif pour, dit-on, les convaincre de soutenir sa candidature. Sellal est aussi inscrit sur cette liste non sans qu'on lâche que sa candidature n'est plus tout aussi recherchée qu'avant que le clan Bouteflika ne commence son éclipse d'El Mouradia. L'on rassure surtout que le Premier ministre n'est pas demandeur contrairement aux deux précédents. Les caciques du FLN sont certains que si le jeu électoral est «propre et transparent», Belkhadem l'emportera haut la main. Elucubrations ou fantasmes d'une classe de gouvernants, en fin de règne, ou alors vérité vraie, le microcosme algérois est confronté à des séries de rumeurs, les unes plus surprenantes que les autres. L'on dit même«qu'une poignée de colonels du MDN pensent que Saïd Bouteflika fera l'affaire.» Rumeur de dernière minute, le pouvoir aurait trouvé un remplaçant «digne de ce nom» mais qu'il ne l'annoncera «comme candidat du consensus» qu'en septembre, à la suite de la déclaration de la vacance du poste présidentiel convoité. L'on se demande parfois si l'exercice du pouvoir n'exige pas de la raison de se fondre dans un état d'esprit dénué de toute morale et d'intelligence. A ceux qui sont à l'affût de l'information, ils devront encore attendre que les langues se délient et que les voix du pouvoir deviennent pénétrables.