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Les robes noires ne veulent pas d'un barème d'honoraires

par A. Zerzouri

La polémique surgit là où l'on s'attendait le moins à la voir : à l'issue de l'examen par les députés, les 23 et 24 juin dernier, du projet de loi portant organisation de la profession d'avocat. Alors que tous les avocats appréhendaient le «musellement» de la défense ou la «limitation» de ses droits à travers certains articles, qui ont fait couler beaucoup d'encre, à l'enseigne de l'article 24, on assiste à une montée au créneau des avocats du barreau d'Alger pour dénoncer de façon catégorique l'établissement d'un barème fixant leurs honoraires, lequel barème a été appuyé dimanche dernier en plénière par les députés de l'Assemblée populaire nationale (APN).        Est-ce à dire que les robes noires ne trouvent rien à redire sur les craintes naguère soulevées par les professionnels autour de certaines dispositions du projet de loi en question, vues comme un danger qui pèse sur les droits de la défense ? En tout cas, d'après les premières réactions, c'est la question des honoraires, fixés par un barème, qui suscite aujourd'hui la grogne des avocats. «Il est inconcevable d'établir un tel barème, les honoraires doivent être convenus librement entre le justiciable et l'avocat», a martelé Me. Miloud Brahimi, cité par l'Aps, en marge du procès de l'affaire Réda Sika. Me Brahimi a considéré que l'établissement d'un tel barème va «laisser libre cours à la fraude fiscale». Considérant que l'avocat est obligé de suivre la voie de la modération dans ses honoraires, Me Abderazak Chaoui, a néanmoins refusé l'établissement préalable d'un barème fixant les honoraires des avocats.»L'avocat est libre de déterminer ses honoraires et si le justiciable n'est pas d'accord ce n'est pas un problème car il peut changer facilement d'avocat», a-t-il expliqué. Plus loin encore, Me. Jamil Chalgham, considère que l'établissement d'un barème fixant les honoraires des avocats relève du régime socialiste révolu. D'une façon globale, les robes noires rejettent cette vision, estimant à l'unanimité que «les honoraires doivent être convenus librement entre le justiciable et l'avocat».           Pour sa part, Me Lakhdar Dabbache a fait remarquer que les avocats se chargent de certaines affaires gratuitement quant le justiciable ne peut pas s'acquitter des honoraires, relevant que dans certaines affaires les procédures sont très longues et nécessitent des efforts draconiens. «Il est impossible dans les conditions actuelles d'établir un barème fixant les honoraires des avocats qui sont les seuls habilités à évaluer leurs efforts en fonction de la nature des affaires et aussi des innombrables procédures auxquelles ils font face», a-t-il expliqué. La législation en vigueur (loi 91/04) stipule que les honoraires sont convenus librement entre le justiciable et l'avocat, ainsi que le projet de loi tel qu'il a été soumis à la commission juridique. L'article 22 du projet de loi portant organisation de la profession d'avocat stipule clairement que les honoraires sont librement convenus entre l'avocat et le justiciable, et cet article ne figure même pas sur la liste «conflictuelle», car aucune partie n'a émis le vœu d'un quelconque amendement à lui apporter. C'était (presque) logique de l'admettre, mais les députés ont estimé qu'il faille mettre des balises aux dépassements en la matière. Ont-ils eu vent de sommes faramineuses exigés par des avocats en contrepartie de dossiers à plaider ? «Possible», estime de son côté maître Lenouar Mostefa, président de l'Union national des barreaux algériens (UNBA). Celui-ci indiquera que «les 40 000 avocats en exercice sur le territoire national ne sont pas tous des saints, et il est probable que certains exigent des honoraires exagérés, mais l'exception ne doit en aucun cas faire figure de règle générale». Cependant, le président de l'UNBA, même s'il n'épouse pas la «langue de la menace» ou les «formes de protestation» brandies par une partie des avocats, va «en toute sérénité», tient-il à souligner, dans le sens d'un rejet de ce barème fixant les honoraires des avocats. «La question des honoraires doit être laissée à l'appréciation de l'avocat et du justiciable», en conviendra-t-il, non sans préciser que l'avocat n'est pas un auxiliaire de justice, mais un partenaire. Pour rappel, tous les auxiliaires de justice (huissiers de justice et autres commissaires maîtres priseurs) ont un barème d'honoraires fixés par la loi. Mais, d'une façon globale, maître Lenouar Mostefa se fixe sur «le résultat» qui répond favorablement aux propositions introduites par l'UNBA dans le cadre des amendements de certains articles qui touchent aux droits de la défense.

Dans ce sens il n'a pas caché son optimisme et son entière confiance quant à l'approbation par l'APN, le 2 juillet prochain, d'une loi régissant la profession de l'avocat qui réponde aux soucis d'une défense indépendante.